Le Grenelle de l’environnement a fait naître beaucoup d’espoirs. Il pourrait faire beaucoup de déçus. Le marché de l'efficacité énergétique en rénovation se révèle moins prometteur qu'espéré par les installateurs. La cause ? Un décalage entre le discours politique et les réalités économiques. C’est ce que révèle l'étude prospective à 20 ans réalisée par l’Observatoire national des travaux et services liés au BTP (ONTSBTP) et commandée et copilotée par la FFIE (Fédération française des entreprises de génie électrique et énergétique) et l’UECF (Union des entreprises de génie climatique et énergétique de France). Objectif : éclairer le monde professionnel sur les énergies disponibles qui vont conditionner les systèmes en chauffage dans les 20 prochaines années, et appréhender sereinement le marché de la rénovation éco-efficace de demain. La première phase de l’étude, présentée en 2010, soulignait les difficultés inhérentes au développement des ENR, et mettait en évidence « la nécessité, pour ce développement, d’une croissance économique soutenue et d’une politique d’aides et de règlementation volontaires » (lire notre article).
Pas d’explosion du marché sans croissance
Philippe Dresto, responsable du pôle étude de l’Ontsbtp, a décidé de centrer la deuxième phase de l’étude sur la disponibilité énergétique mais, à l’instar de la première, le prix des énergies, le comportement des consommateurs et des banques, la politique d’incitation gouvernementale et le contexte économique sont aussi pris en compte. Dans la mesure où tous ces facteurs sont variables, quatre scénarios ont été établis.
Scénario 1 : un marché traditionnel avant tout
« L’investissement « éco efficace » prend son réel sens du fait du renchérissement du prix des énergies traditionnelles. Sans appui politique significatif, le marché reste orienté sur les activités traditionnelles »
Scénario 2 : la transition gazière
« De la morosité économique nait la rationalité de la consommation, le comportement économe est plébiscité et le choix d’un usage vertueux des ressources met en avant les solutions gaz qui dominent le marché de la rénovation énergétique en France »
Scénario 3 : le volontarisme politique sans moyen
« Le marché de l’efficacité énergétique s’impose uniquement par la contrainte règlementaire au-delà de toute logique économique. Il s’agit d’économiser une ressource encore bon marché pour se plier aux ambitions de réduction des rejets de gaz à effets de serre, souhaité par les pouvoirs publics »
Scénario 4 : le scénario idéal
« Les filières innovantes, énergies renouvelables entre autres, bénéficient du souffle économique et de la politique de soutien des pouvoirs publics transformant en profondeur la structure de consommation énergétique. Ce marché n’est plus le seul pré carré d’une petite portion de consommateurs. Dans ce scénario, il s’agit de mettre en œuvre des solutions nouvelles pour la modernisation des systèmes, impliquant des nouvelles technologies et nécessitant des investissements lourds. L’efficacité financière à tout prix n’est plus aussi marquée. Le marché anticipe plus facilement les mutations à moyen terme et se positionne plus naturellement dans une dynamique multilot. »
Trouver un équilibre entre la réalité politique et économique
Malgré la volonté politique affichée du gouvernement de construire la « transition énergétique », l’Ontsbtp, la FFIE et l’UECF estiment ce quatrième scénario peu probable et conditionné par une croissance du PIB de 1,8%. « Pour nous, les scénarios probables sont les trois premiers et je dirais qu’actuellement nous nous trouvons dans le deuxième, explique Jean-François Marty, président de l'UECF. Il faut trouver un équilibre entre la réalité politique et la réalité économique. Il faut arrêter de dire n’importe quoi. » Les professionnels ne s’attendent donc pas à une croissance forte de ce marché. Pour autant, ils se préparent, notamment pour anticiper le bâtiment à énergie positive (Bepos) prévu en 2020, qui devrait faire baisser les prix des équipements. « Surtout le photovoltaïque, assure Jean-Claude Guillot, le président de la FFIE. Beaucoup d’électriciens ont choisi cette voie. Et puis la gestion active du bâtiment est aussi une niche qui pourrait offrir des opportunités à moyen terme. » De quoi redonner un peu de baume au cœur.