"L'asphyxie de Paris!"

Pour l'architecte Luc Dupont, les annonces qui ont été faites le 29 avril 2009 sur le développement du Grand Paris sont très inquiétantes.

Nous n'avons pas fini d'en analyser les conséquences... Nous n'avons pas fini, car il nous faut entrer "sous" le discours présidentiel, et en comprendre les véritables conséquences en le déshabillant des louanges emphatiques qu'il contient. Nous le savons, les mots ont cette qualité de pouvoir rendre intelligibles les situations les plus complexes, les plus subtiles et intelligentes... et ils ont aussi la capacité de dissimuler des actes beaucoup moins glorieux.

Donc nous devons, quelques jours après, calmement, nous souvenir, relire... et comprendre ce qui a été annoncé ! Quelques ego (d'architectes ?) ont été flattés. Nous avons entendu l'éloge de la beauté, la reconnaissance de quelques erreurs passées... de quoi espérer en un avenir "radieux", qui effacerait ces errements reconnus. La vallée de la Seine, base de mon travail, était reconnue comme axe majeur de la ville ("la Seine est l'axe nourricier autour duquel la métropole a vocation à s'ordonner") ! Pour moi qui ai travaillé et fait des propositions sur ce sujet (et d'autres) depuis 2000, j'étais comblé ! Quel bonheur !

Il nous faut cependant revenir à la partie "réelle" du discours, pour examiner ce qui a été décidé, en deçà des intentions : "Il nous faut donc réinventer le système de transport à partir des dynamiques territoriales que nous voulons encourager et des principes auxquels nous voulons soumettre le développement urbain du Grand Paris". La question des transports a été la seule qui ait donné lieu à des décisions (avec le TGI), qui se soit éloignée des promesses énoncées par ailleurs ! Oui, voilà le cœur du projet, confié au secrétaire d'état, et qui contient cet avenir du Grand Paris qui nous affole...

Nous sommes sortis des intentions. Nous voilà dans un domaine concret, qui engage au "bas mot" 35 millions d'euros du contribuable français ! Je ne suis pas contre les investissements importants par principe : parfois je déplore leur absence. Mais là je suis obligé de regarder de près et de constater ceci... Quelles sont ces zones de développement à "soumettre" ? Je vous renvoie donc au plan de transport du secrétaire d'état (métro automatique le plus performant du monde, comme si le développement de Paris était un problème de rivalité internationale !), et vous constatez qu'il s'agit des zones (souvent rurales aujourd'hui, ou d'industries désaffectées) de Saclay, la Plaine Saint-Denis, Le Bourget, Clichy-Montfermeil... toutes zones aujourd'hui vides (les derniers vides!) ou aux franges de la campagne , et qui vont être urbanisées par leur développement économique, doublement si l'on tient compte de la volonté de lier habitats et emplois ! Et quand vous regardez la répartition géographique de ces zones, vous comprenez que tout le discours précédent sur l'axe majeur de la vallée de la Seine est nié, bafoué, et que la protection des zones rurales annoncée est fortement mise en question !

C'est cela que je voulais vous montrer. Il y aurait certainement d'autres exemples et d'autres contradictions à relever. Je vous laisse le faire, pour vous-mêmes ou pour les autres. Aujourd'hui le développement de Paris qui nous est promis est une nième (haussmannienne ?) reconduction du développement concentrique de la ville... jusqu'à l'étouffement le plus total, la totale absence de forme, que nous avions pourtant déjà atteint !... et ceci dans la logique affligeante des "zones d'activités et d'industries" (discours sur le zonage pourtant critiqué auparavant), comme si l'activité, même industrielle, ne pouvait se concevoir "dans" la ville, avec elle, et devait être conçue séparément ! C'est une profonde régression à laquelle nous sommes invités ! Une profonde régression par rapport à tout ce que nous avons appris sur la manière dont la ville se fait et s'est faite autrefois. C'est une vision idéologique de la soumission à l'industrie et à la finance qui est exposée ici.

"Il ne s'agit de retrancher. Il s'agit d'ajouter." Peut-être cette phrase aurait suffi à développer notre propos, et nous résume la "philosophie" du projet. Nous lui opposons le "Less is more" bien connu des architectes. Au toujours "plus", nous préférons le "moins" qui amène à faire "ensemble", avec intelligence... et économie (d'argent, de territoire, de transport, etc.), à "dessiner" l'espace. L'économie du trait s'oppose à la logique d'accumulation ici prônée. Les transports en commun doivent être développés de manière axiale (la vallée de la Seine) et recoupés de manière perpendiculaire pour créer un système lisible et efficace, contraire aux anneaux successifs. Le système mis en place est de plus en plus illisible et inopérant, voire inutilement coûteux, faute de dess(e)in et de décision "politique" éclairée!

Sauve qui peut (Paris).

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