L’académie d’agriculture de France dit «oui, mais» aux mégabassines

Les mégabassines ne font pas toujours le lit de la monoculture intensive. Un rapport récemment publié par l’Académie d’agriculture de France étaie cette analyse. L’institution scientifique y tente une contribution apaisée à un débat passionné, y compris dans ses propres rangs.

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Mégabassine
L'académie de l'agriculture dresse un bilan plutôt positif des bassines déjà en fonctionnement dans les Deux-Sèvres.

« L’irrigation a permis de freiner la baisse du nombre d’exploitations ». Dans son rapport intitulé « Les retenues de substitution : du cas de Mauzé-sur-le-Mignon (Deux Sèvres) aux conditions générales de leur déploiement », l’académie d’agriculture de France dresse un bilan plutôt positif des retenues déjà en fonctionnement dans les Deux-Sèvres à l’amont du marais poitevin, dans le bassin Sèvre-Mignon.

Catalyseur agroécologique

Les scientifiques réfutent l’idée d’un lien fatal entre mégabassine et monoculture intensive. En Autizes-Vendée, les 20 réserves qui stockent 8,7 Mm3 entraînent une augmentation du nombre d’irrigants, « en particulier les exploitations avec des élevages de ruminants (+ 88 % vs – 23 % en pluvial). La part du maïs est passée de 80 % de la sole à 40 %.  Cette substitution s’est faite au profit de céréales à paille, de cultures légumières et d’autres cultures à haute valeur ajoutée qui ont besoin d’une sécurisation de la ressource en eau », écrivent les académiciens.

Le rapport chiffre à 2,8 Mm3 l’économie d’eau générée par la diminution des surfaces cultivées en maïs dans ce bassin, grâce à l’association entre la mise en place de réserves d’eau et la promotion de nouvelles pratiques agroécologiques. Cette frugalité découle également des règles qui conditionnent le remplissage hivernal des bassines à l’atteinte de niveaux piézométriques minimaux des nappes.

Un modèle non prédictif

Les conditions climatiques à venir permettront-elles de pérenniser ce bilan positif ? Les académiciens reconnaissent les limites du modèle établi par le Bureau de recherche géologique et minière (BRGM). Les simulations fondées sur les données météorologiques des années 2000 à 2011 ont présidé aux arbitrages de la Société coopérative anonyme de l’eau des Deux Sèvres (Coop 79).

Après le jugement rendu le 21 mai 2021 par le Tribunal administratif de Poitiers, ce programme porte toujours sur 7 retenues autorisées et 9 à redimensionner, pour un total de 76 M€ éligible à 70 % aux subventions de l’Agence de l’eau. Ces ouvrages prolongent les investissements réalisés à l’amont par les syndicats mixtes du Lay et de la Vendée.

Collégial, mais non consensuel

La poursuite de cette programmation laisserait en suspens les questions ainsi formulées par l’académie : « Quel remplissage aura-t-on dans 10, 20, 50 ans ? Quels systèmes de production y seront adaptés ? » Une nouvelle modélisation du BRGM, attendue pour 2024, pourrait fournir des éléments de réponse.

Mis en ligne en mars par l’académie, le rapport et surtout l’avis qui en résume la substance ne sont pas passés comme une lettre à la poste, malgré l’approbation par les trois quarts des 245 académiciens qui ont participé au vote (soit un taux de participation de 52,9 %). Signé par 15 scientifiques couvrant toutes les disciplines concernées, de l’agronomie à l’hydrologie en passant par la climatologie, l’économie ou l’écologie, le travail collégial n’a pas suscité de consensus. Egalement accessibles sur le site académique, de nombreux avis minoritaires confirment ces discordances. 

Des voix discordantes

L’absence de référence au droit européen motive l’opposition de Daniele Bianchi, juriste à la direction générale de l’Agriculture de l’Union. Il s’interroge notamment sur la compatibilité des mégabassines des Deux-Sèvres avec les directives Eau potable, Nitrates et Habitat. Président de l’académie de l’agriculture en 2022, Jean-Jacques Hervé estime que ses collègues sont allés trop vite du cas particulier de la retenue de Mauzé-sur-le-Mignon à la problématique générale des bassines.

La quasi gratuité de l’eau dont jouissent les agriculteurs justifie l’avis défavorable de Louis-Pascal Mahé, professeur émérite à l’école d’agronomie de Rennes. La puissance de leur lobby contraste à ses yeux avec le faible poids des principaux payeurs : les usagers, pourtant plus nombreux. Evoquant les principes éthiques qui doivent guider l’académie, ce fils d’agriculteurs appelle à « un montage institutionnel garantissant l'indépendance des agents de décision et de gestion par rapport aux intérêts particuliers et aux lobbies organisés ».

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