Evénement

Jean-Pierre Sueur « La ville de demain ne peut se dessiner qu'à partir de l'existant »

-Entretien avec le maire d'Orléans qui a été chargé d'une mission de réflexion et de propositions sur la politique de la ville par Martine Aubry, ministre de l'Emploi et de la Solidarité.

Vous avez remis très récemment un pré-rapport à Martine Aubry. Peut-on savoir quelles sont les grandes lignes de vos premières réflexions sur la politique de la ville ?

JEAN-PIERRE SUEUR. Ce premier document est le fruit d'un travail collectif mené avec, notamment, des chefs de projets, des architectes, des urbanistes, des sociologues, des historiens, des responsables des services de l'Etat, etc. Il résulte également de l'audition de très nombreux élus, acteurs de terrain et responsables d'associations.

L'une des premières questions que cette mission s'est posée a été : quelle ville voulons-nous pour le XXIe siècle ? Laisser la ville se faire toute seule, sans orientations, sans projets d'aménagement, d'urbanisme, et, bien sûr, de vie en commun, n'est pas sans risque, c'est le moins que l'on puisse dire. Après la Seconde Guerre mondiale, des villes et des quartiers ont vu le jour dans un environnement que l'on pourrait qualifier d'anarchique.

Il est clair que la ville de demain doit se « dessiner » à partir de l'existant, c'est-à-dire d'espaces trop souvent juxtaposés : centres, faubourgs, périphéries, banlieues commerciales, campus universitaires, zones d'activités ou de loisirs, etc. C'est à partir de cet existant-là qu'il faut faire la ville du futur en cherchant de nouvelles cohérences. Revenir à une ville à visage humain, après plusieurs décennies au cours desquelles bien des espaces urbains ont connu de vrais traumatismes, n'est pas chose facile. C'est d'ailleurs pourquoi Martine Aubry s'est donné du temps pour réfléchir à un renouveau de la politique de la ville telle qu'elle a été conçue ces dernières années.

Vous semblez porter un jugement sévère sur la politique de la ville menée par les gouvernements précédents...

Ce qui m'intéresse, ce n'est pas de critiquer ceux qui ont eu la lourde tâche de se préoccuper de la politique de la ville au niveau national, mais de réfléchir à la meilleure manière de parvenir à des villes équilibrées, harmonieuses, à dimension humaine, tournées vers l'avenir, en partant de l'existant.

Lorsqu'on analyse l'histoire de la politique de la ville au cours des vingt dernières années, on peut distinguer trois périodes bien précises.

Dans un premier temps, il a surtout été question des quartiers en difficulté. L'avantage de cette approche, c'est que les problèmes étaient bien identifiés et les solutions lisibles. L'inconvénient, c'est qu'on faisait l'impasse sur le fait que nombre de problèmes ne peuvent trouver de réponses au niveau du quartier : il en est ainsi pour la mixité sociale ou la mixité dans l'habitat.

La deuxième période a été celle des contrats de ville. L'avantage, c'est qu'on s'est mis à raisonner sur un espace urbain plus vaste. L'inconvénient, c'est un risque d'éparpillement, de saupoudrage et de complexité.

La troisième période a été celle du plan de relance pour la ville, mis en place par Jean-Claude Gaudin et Eric Raoult. Au cours de cette période, on a beaucoup multiplié les zonages : ZUS (zones urbaines sensibles), ZRU (zones de revitalisation urbaine), ZFU (zones franches urbaines), etc. J'admets volontiers que l'on doive davantage aider les espaces les plus fragiles. Mais la trop grande multiplication des différents périmètres n'est probablement pas la meilleure des solutions. A l'évidence, cela mérite réflexion.

Et la quatrième phase ?

C'est celle pour laquelle nous préparons des propositions. Ma conviction est qu'il faut oeuvrer à la fois sur la politique de l'espace urbain (quelle ville pour demain ?) et sur les politiques de mixité sociale, de solidarité, de lutte contre l'exclusion, car tout est lié. Une autre conviction est que la politique de la ville doit mobiliser, mettre en cohérence des actions relevant des différents ministères : les mesures prises récemment par le gouvernement en matière d'emploi, de lutte contre l'insécurité ou de violence à l'école sont à cet égard décisives. Une troisième conviction est que l'Etat et les collectivités locales doivent nécessairement s'impliquer ensemble.

Vous avez évoqué les contrats de ville qui sont venus à échéance ce 31 décembre. Ces contrats vont-ils être prolongés ou le principe de la contractualisation va-t-il être abandonné ?

Le principe de la contractualisation est essentiel. Il y aura évidemment une suite aux contrats de ville. Le rapport proposera des modalités concrètes à ce sujet.

Quand rendez-vous votre rapport final à Martine Aubry ?

Comme prévu, fin janvier, début février.

Newsletter Week-End
Nos journalistes sélectionnent pour vous les articles essentiels de votre secteur.
Les services Le Moniteur
La solution en ligne pour bien construire !
L'expertise juridique des Éditions du Moniteur
Trouvez des fournisseurs du BTP !
Détectez vos opportunités d’affaires