Installer une rampe, couler un sol en pente, élargir un couloir, poser des portes automatiques, adapter une chambre aux personnes à mobilité réduite… Depuis le 2 novembre, ces travaux peuvent bénéficier d'un coup de pouce financier lorsqu'ils sont réalisés par des TPE/PME dans des établissements recevant du public (ERP) de 5e catégorie : commerces, restaurants, hôtels, agences bancaires, cabinets médicaux, etc. Les entreprises peuvent ainsi déposer une demande pour bénéficier du financement de 50 % des dépenses engagées, dans la limite de 20 000 euros, aux termes d'un décret du 27 octobre lançant le fonds territorial d'accessibilité des petits ERP, complété par un arrêté du 31 octobre.
Avance de 30 %. « Ce n'est pas votre métier de faire des dossiers. Aussi vous pouvez recevoir une aide de 500 euros pour l'accompagnement, l'ingénierie », expliquait Olivia Grégoire, ministre déléguée chargée des PME et du Commerce, aux gérants d'une pâtisserie, le 31 octobre, lors d'un déplacement à Paris XVIIe pour promouvoir le dispositif avec son homologue aux Personnes handicapées, Fadila Khattabi. « Et comme le sujet de la trésorerie est souvent compliqué, une avance de 30 % est prévue pour lancer les travaux », ajoutait-elle.
Pour simplifier encore les démarches, « nous avons fait en sorte que 50 types de travaux d'aménagement des commerces ne nécessitent plus d'autorisations administratives spécifiques [ils sont listés en annexe 1 de l'arrêté du 31 octobre, NDLR], se félicitait la ministre. Il en reste 27, qui portent sur des travaux ayant une dimension de sécurité ». Le Conseil national consultatif des personnes handicapées (CNCPH) s'interroge cependant « sur l'absence dans la première liste des plateformes élévatrices, des plans inclinés pérennes, des travaux concernant la largeur et la lourdeur des portes, de l'agrandissement des toilettes », craignant que la complexité administrative conduise certains ERP à renoncer à s'équiper.
Une enveloppe plus large de 1,5 Md€. « Sur 800 000 ERP de 5e catégorie, 560 000 ne sont toujours pas accessibles. Il est temps d'avancer sur ce sujet d'intérêt public, estimait Olivia Grégoire. Il faut prendre le taureau par les cornes et respecter enfin la loi de 2005. » Mais comment accéder à un ERP si l'on ne peut pas se déplacer dans la ville ? « Si les commerces sont rendus plus accessibles, cela encouragera à accélérer sur l'amélioration de la voirie », affirmait la ministre. Ce fonds s'inscrit d'ailleurs dans une enveloppe plus large - 1,5 Md€ - dédiée à l'accessibilité des lieux publics, dont 430 M€ sont fléchés vers les transports.
Si le gouvernement a fait le choix de l'accompagnement, avec ce fonds ERP doté de 300 M€ ouvert jusqu'à fin 2028, Fadila Khattabi n'exclut pas d'appliquer ultérieurement des sanctions en cas de défaut de passage à l'acte. A l'unisson du président de la République, qui avait déclaré en clôture de la conférence nationale du handicap le 26 avril dernier : « On fera un bilan en 2024, mais il faudra à ce moment-là envisager un système de sanctions. » Les ERP devaient en effet être mis aux normes accessibilité au 1er janvier 2015, avec un délai pouvant aller jusqu'à neuf ans via un agenda d'accessibilité programmée (Ad'AP). Le CNCPH déplore l'étalement du fonds jusqu'en 2028, qui « sous-entend a priori que le non-respect de l'échéance de la loi serait toléré ».
Priorité aux sites JOP 2024. L'exécutif espère embarquer avec ce dispositif « au moins quelques dizaines de milliers d'entreprises », selon les mots d'Olivia Grégoire. Les commerces des communes accueillant les JOP 2024, tel Paris, sont prioritaires, prévoit le décret. Dans la capitale, « 18 % des commerces appartiennent à la Ville, poursuivait la ministre. J'ai proposé à Emmanuel Grégoire [premier adjoint à la maire en charge notamment de l'urbanisme, NDLR] qu'on s'organise pour enclencher d'un coup la mise en accessibilité de ces locaux en pas-de-porte. » Mais « cela va bien au-delà de ces localités accueillant les JOP. Tous les territoires sont concernés », conclut Fadila Khattabi.
Le fonds territorial d'accessibilité, mode d'emploi
Pour qui ?
L'aide est destinée aux TPE et PME créées avant le 20 septembre 2023, pour leurs ERP de 5e catégorie appartenant aux types M, N, O ou W : magasins de vente, centres commerciaux, restaurants et débits de boissons, hôtels et pensions de famille, administrations, banques, et bureaux.
Les autres ERP de 5e catégorie (cabinets médicaux, par exemple) peuvent aussi accéder au fonds, sur décision expresse du préfet de département.
Où ?
Sur tout le territoire français, mais jusqu'à l'ouverture des Jeux olympiques et paralympiques (JOP) de 2024, les ERP situés dans les communes accueillant les épreuves des jeux doivent être priorisés. La liste de ces 28 collectivités figure en annexe 2 de l'arrêté du 31 octobre. A l'issue des JOP, les demandes d'aide seront traitées selon les priorités définies, le cas échéant, par les sous-préfets référents handicap et inclusion en fonction des spécificités locales, notamment le type d'ERP à privilégier dans le département et le ciblage géographique pertinent.
Pour quels travaux ?
Sont éligibles les dépenses portant sur des équipements ou des travaux de mise en accessibilité ainsi que sur des prestations d'ingénierie et d'assistance à maîtrise d'ouvrage réalisées dans le but de rendre accessible l'établissement.
L'ensemble des travaux concernés sont détaillés dans le cahier des charges du dispositif. L'annexe 1 de l'arrêté du 31 octobre liste les 50 catégories d'équipements et travaux directement éligibles, sans avoir à demander au préalable une autorisation de construire, d'aménager ou de modifier un ERP.
Combien ?
Les subventions ne peuvent excéder 50 % des dépenses HT et sont plafonnées, par ERP, à 20 000 euros pour les dépenses d'équipements ou de travaux et 500 euros pour celles d'ingénierie et d'AMO.
En outre, une avance de 30 % du montant de la subvention est versée après réception des pièces justifiant le commencement d'exécution du projet.
Comment ?
La demande de subvention doit être adressée à l'Agence de services et de paiement sur www. asp-public.fr. L'article Ier de l'arrêté du 31 octobre liste les justificatifs à fournir. Y figurent notamment la copie de la demande d'autorisation de construire, d'aménager ou de modifier un ERP, ainsi que le récépissé de dépôt de cette même demande dûment complété par la mairie, sauf pour les équipements et les travaux listés en annexe 1.
Quand ?
Les dossiers de demande peuvent être déposés jusqu'au 31 décembre 2028.
« Il faudra bien vérifier à la fin des travaux que l'accessibilité est là, pour éviter les fraudes », David Morales, vice-président chargé des affaires économiques de la Capeb
« L'ouverture de ce fonds est une très bonne nouvelle pour les personnes en situation de handicap, pour les petits ERP qui n'avaient pas les moyens de réaliser les travaux et pour les artisans du bâtiment qui les accompagneront. Cela va soutenir notre activité. Cependant, 300 M€ sur cinq ans, cela ne représente que 3 000 chantiers par an si l'on calcule sur la base maximale de 20 000 euros par chantier. Rapporté au nombre d'ERP qui ne sont pas aux normes, ce budget n'est pas si élevé. Ainsi, 40 % des ERP parisiens n'ont pas commencé les démarches de mise en accessibilité. J'espère que les établissements qui ont les moyens ne puiseront pas dans ce fonds. Il faudra aussi bien vérifier à la fin des travaux que l'accessibilité est là, pour que des tricheurs ne s'immiscent pas dans le dispositif comme pour MaPrimeRénov'. »