A. Bref rappel du rôle du CNEN et de ses missions
Le CNEN est composé de 36 membres, élus locaux et nationaux ainsi que des représentants de l'administration (cf. annexe n° 1).
Afin d'accélérer le processus d'allégement normatif, le CNEN est compétent pour évaluer les impacts techniques et financiers du flux de normes nouvelles applicables aux collectivités territoriales et du stock des normes réglementaires en vigueur.
Plus précisément, il est consulté sur l'impact technique et financier pour les collectivités territoriales et leurs établissements publics des projets de texte réglementaire, des projets d'acte de l'Union européenne et des projets de loi créant ou modifiant des normes applicables aux collectivités et à leurs établissements publics. Il peut également être consulté par le président d'une assemblée parlementaire sur une proposition de loi, sauf si l'auteur de celle-ci s'y oppose.
En outre, le conseil national est également compétent pour examiner les évolutions des normes réglementaires en vigueur applicables aux collectivités territoriales.
S'agissant du flux, certaines dispositions du I de l'1 font toujours l'objet d'interrogations quant à leur interprétation juridique ou leur opportunité (cf. page 7 du rapport public d'activité de l'année 2015). La question de l'opportunité de l'évaluation des projets de loi par le CNEN reste ouverte, dans la mesure où le législateur est souverain et délibère en fonction de considérations d'intérêt général qui ne peuvent être restreintes aux seuls besoins des collectivités territoriales.
Le champ de compétence du CNEN en matière de flux est toujours sujet à interprétation. En effet, la notion de projet de texte (réglementaire ou législatif) créant ou modifiant des normes applicables aux collectivités territoriales est diversement interprétée par les différentes sections du Conseil d'État.
Si la majorité des sections administratives du Conseil d'État en font une lecture par laquelle elles concluent à la compétence du CNEN vis-à-vis des seuls projets de norme créant ou modifiant des droits ou obligations des collectivités, certaines d'entre elles en ont une interprétation extensive consistant à considérer que le CNEN est compétent dès lors qu'un projet de norme « concerne » les collectivités territoriales.
À ce titre, la section des finances du Conseil d'État a confirmé, s'agissant du projet d'ordonnance complétant et précisant les règles budgétaires, financières, fiscales et comptables applicables à la collectivité de Corse, que la consultation du CNEN, requise par l' pour les « projets de textes réglementaires créant ou modifiant des normes qui (…) sont applicables » aux collectivités territoriales, est obligatoire. En effet, la section a indiqué que « si la consultation de ce Conseil n'est pas obligatoire pour les textes réglementaires qui ne s'appliquent qu'à une collectivité précisément désignée, le projet d'ordonnance en cause comporte des dispositions applicables non seulement à la nouvelle collectivité de Corse créée à compter du 1er janvier 2018 mais également, au titre de ses dispositions transitoires applicables en 2017, aux deux départements corses et à la collectivité territoriale de Corse » 2.
Par ailleurs, la section de l'administration du Conseil d'État a été saisie d'un projet de loi relatif à la sécurité publique dont l'un des articles prévoit que plusieurs personnes morales, dont les régions, « concourent au financement de la formation des stagiaires du volontariat militaire d'insertion » . La section a estimé que la consultation préalable du CNEN était obligatoire, en application de l', selon lequel cet organisme est consulté « par le Gouvernement sur l'impact technique et financier des projetsde loi créant ou modifiant des normes applicables aux collectivités territoriales et à leurs établissements publics » . Il a été ajouté que la notion de « normes » au sens de l'article L. 1212-2 ne concerne pas, en effet, uniquement celles qui imposent des contraintes aux collectivités territoriales, mais recouvre plus généralement l'ensemble des normes, même à caractère non obligatoire, applicables à ces collectivités. Constitue ainsi une norme au sens de cet article une disposition législative qui invite les régions à participer au financement de la formation d'une nouvelle catégorie de stagiaires de la formation professionnelle et qui est susceptible, dès lors, d'affecter les dépenses de celles qui accepteront de participer à ce dispositif3 .
Il est recommandé aux administrations de l'État de suivre ces interprétations en fonction de la section administrative compétente.
B. Le bilan des actions menées pour la simplification des normes en 2016
Pour atteindre l'objectif de réduction de l'inflation des normes, plusieurs démarches ont été engagées par le Gouvernement en 2016 auxquelles le CNEN a contribué.
1. L'action du Gouvernement en 2016a) Sur le flux des normes
Par la circulaire du 9 octobre 2014, le Premier ministre s'est engagé à compenser tout accroissement de charges résultant d'une norme nouvelle par un allégement d'un effet équivalent, de sorte que l'impact financier net du coût des normes soit nul pour les collectivités locales à partir de 2015 (exception faite des mesures nouvelles en matière de fonction publique territoriale ou à caractère purement financier).
Pour y parvenir, des instructions ont été communiquées aux ministres pour que les projets de texte fassent l'objet d'une évaluation documentée de manière à permettre au CNEN d'émettre un avis éclairé. Les services de l'État sont invités à : - mener une concertation approfondie avec les associations représentant les différents niveaux de collectivités préalablement à l'examen de leurs projets de texte en séance par le CNEN ; - éviter toute situation de surtransposition du droit européen ou encore à apporter leur appui et leur expertise au CNEN, dans le cadre de l'évaluation des normes réglementaires en vigueur.
L'objectif de coût nul pour les collectivités locales de l'impact des normes réglementaires édictées a été atteint pour l'année 2015, les économies chiffrées étant évaluées à 386 M e , comme évoqué dans le rapport d'activité de l'année 2015. Il a été hors de portée en 2016 dès lors que le seul projet de décret relatif aux obligations de travaux d'amélioration de la performance énergétique dans les bâtiments existants à usage tertiaire en application de la relative à la transition énergétique pour la croissance verte a généré un coût estimé pour les collectivités territoriales de 4,41 Mds e .
b) Sur le stock des normes
Le Gouvernement s'est engagé en 2015 dans le pilotage de réunions thématiques sur le stock des normes en vigueur à laquelle participaient les services des ministères techniques ainsi que les associations nationales d'élus locaux et de hauts fonctionnaires territoriaux.
En 2016, plusieurs ateliers décentralisés ont eu lieu auxquels ont participé les acteurs du monde territorial (Sénat, associations d'élus et fonctionnaires territoriaux), afin d'accélérer la démarche de simplification et de suppression des normes pour les collectivités territoriales.
Mme Estelle Grelier, secrétaire d'État chargée des collectivités territoriales et M. Jean-Vincent Placé, secrétaire d'État chargé de la réforme de l'État et de la simplification ont conclu cette séquence en annonçant, le 5 décembre 2016 dans les locaux du conseil départemental de l'Orne, une nouvelle vague de 25 mesures de simplification, en collaboration active avec le groupe de travail de la délégation aux collectivités territoriales du Sénat. Les mesures présentées, qui font notamment suite à celles adoptées dans le cadre de la loi NOTRe et des comités interministériels aux ruralités de Vesoul (septembre 2015) et de Privas (mai 2016), concernent principalement les politiques sociales, les règles d'urbanisme ou le fonctionnement interne des collectivités territoriales.
Le 23 juin 2016, la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation du Sénat a en effet publié un rapport d'information comportant 45 propositions de simplification de normes réglementaires en vigueur dans huit grandes thématiques liées, directement ou indirectement, au droit de l'urbanisme et de la construction, dont bon nombre ont été reprises par les ministres lors de leur déplacement dans l'Orne en décembre.
Par ailleurs, la de modernisation, de développement et de protection des territoires de montagne, dite « Loi Montagne », autorise désormais, par son article 10, le président de la commission permanente du Conseil national de la montagne à saisir le CNEN dans les conditions prévues au V de l'.
2. L'action du CNEN en matière d'examen du stock des normes
a) Champ de compétence et procédure de saisine du CNEN sur le stock
Conformément à l'4 , le CNEN est compétent pour évaluer les normes réglementaires en vigueur applicables aux collectivités territoriales ou aux établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre.
Le CNEN peut examiner les évolutions de la réglementation applicable aux collectivités territoriales et évaluer leur mise en œuvre et leur impact technique et financier au regard des objectifs poursuivis. Dans son avis d'évaluation, le CNEN peut proposer des mesures d'adaptation, des modalités de simplification, voire l'abrogation de normes devenues obsolètes. Après examen de ces normes en vigueur, le conseil national peut faire des propositions au Premier ministre visant à adapter le cadre normatif aux besoins des acteurs territoriaux, et ce, dans le respect de l'intérêt général.
L'année 2016 est marquée par la mise en œuvre des modifications apportées aux modalités de saisine du CNEN résultant du (cf. annexe n° 2).
Parallèlement à la capacité d'autosaisine dont dispose le Conseil, les nouvelles dispositions autorisent tout élu local à saisir le CNEN et inversent « la charge de la preuve » en confiant désormais l'instruction des demandes d'évaluation aux services de l'administration de l'État dont les normes sont critiquées, alors que ce rôle était jusqu'ici assuré par les associations d'élus locaux.
Le décret ainsi modifié simplifie en conséquence la procédure de traitement des demandes d'évaluation concernant des normes réglementaires en vigueur suivies par le CNEN, remplaçant les formations spécialisées par des rapporteurs désignés pour préparer le projet d'avis d'évaluation au regard des conclusions de l'instruction menée par l'État.
Deux enseignements peuvent être retirés de cette première année de mise en œuvre.
En premier lieu, la réforme réglementaire de 2016 n'a pas permis de lever les deux freins à l'action du CNEN : une insuffisante information des élus locaux sur l'existence même de la saisine et la difficulté pour eux d'identifier précisément la norme à évaluer.
En second lieu, les évaluations produites par les services de l'État à ce titre témoignent du sérieux de l'instruction et de la volonté de proposer le plus souvent des solutions de simplification en réponse à la saisine, y compris lorsque la norme visée ne peut être aisément modifiée. C'est une démarche constructive qui mérite d'être saluée et qui favorisera une meilleure connaissance par l'administration de l'État de la diversité des problématiques locales.
b) Bilan des évaluations de normes réglementaires en vigueur en 2016
En 2016, le CNEN s'est saisi de trois évaluations de normes réglementaires en vigueur :
- l'une portait sur les modalités de déclaration et de recouvrement de certaines redevances des agences de l'eau ;
- une autre sur la réglementation thermique de 2012 ;
- la dernière sur les locaux destinés à l'accueil sans hébergement des enfants âgés de 3 à 12 ans dans les structures municipales périscolaires.
La première demande d'évaluation concernait le relatif aux redevances des agences de l'eau et aux modalités de déclaration et de recouvrement de certaines de ces redevances. Il s'agissait de déterminer les modalités de publication et de transmission relatives à l'exécution du service public de l'eau. Deux obligations incombent actuellement aux agences de l'eau : une relative à la nécessité d'une déclaration des relevés de consommation d'eau, avant le 31 mars de l'année, et l'autre relative à la publication d'un rapport annuel sur le service public de l'eau, avant le 30 septembre de l'année (date fixée par la portant nouvelle organisation territoriale de la République). Une délibération a été rendue lors de la séance du CNEN du 3 novembre 2016 (cf. annexe n° 3) sur le rapport de M. Jean-Marie BINETRUY, rapporteur désigné au sein du CNEN pour finaliser l'instruction de la demande d'évaluation. Les recommandations du CNEN, adoptées à l'unanimité des membres représentants les élus présents sont les suivantes :
- Travailler prioritairement sur l'évolution législative de ces mesures. À cette occasion, le CNEN a demandé à son Président de saisir la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales, dans le cadre de la charte de partenariat conclue le 23 juin 2016 entre le Sénat et le CNEN, afin que puisse être envisagée l'uniformisation des obligations par modification législative dans les meilleurs délais.
- Privilégier, dans l'attente de cette mesure législative, une solution transitoire à droit constant permettant la transmission électronique des déclarations de redevances à l'observatoire national des services d'eau et d'assainissement (SISPEA). À ce titre, une coordination est actuellement à l'étude entre les services du ministère et les agences de l'eau ainsi que l'office national de l'eau et des milieux aquatiques. Une seconde solution transitoire a été parallèlement envisagée pour les collectivités territoriales qui le souhaitent. Elle consiste en la mise en œuvre de l' qui pose le principe d'une reprise dont le délai expire à la fin de la troisième année qui suit celle au titre de laquelle les redevances sont dues, en vue d'adresser aux agences de l'eau une rectification des redevances basée sur des données plus récentes que celles figurant sur la déclaration initiale.
En ce qui concerne les deux autres demandes d'évaluations portant d'une part sur la réglementation thermique de 2012 et d'autre part sur les locaux destinés à l'accueil sans hébergement des enfants âgés de 3 à 12 ans dans les structures municipales périscolaires, le rapporteur a été dans chaque cas désigné pour proposer un avis au CNEN. Il s'agit respectivement de M. Éric VUILLEMIN et de Mme Nathalie LE YONDRE. Ces dossiers feront l'objet d'un examen en séance par le CNEN durant l'année 2017.
En outre, plusieurs dossiers sont en cours d'instruction par le CNEN pour l'année 2017, à savoir : - une demande d'évaluation de la réglementation applicable à la formation des agents de police municipale qui se voient confier une arme de catégorie B, traitée par le ministère de l'Intérieur ; - une demande d'évaluation de la réglementation applicable aux laboratoires départementaux d'analyses, traitée par le ministère de l'Agriculture, de l'Agroalimentaire et de la Forêt ; - une demande d'évaluation relative au remboursement forfaitaire des frais de repas en cas de déplacement temporaire (auto-saisine), traitée par le ministère de la Fonction publique ; - une demande d'évaluation relative à l'accès aux normes d'application obligatoire - Norme AFNOR (auto-saisine), traitée par le ministère de l'Économie et des Finances.
Par ailleurs, le constat a été fait d'une inflation des décrets d'application des lois dont les coûts sont provoqués par le législateur.
Dans ce cadre, une charte de partenariat a été signée le 23 juin 2016 pour une durée d'un an entre les présidents du Sénat, de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et du CNEN, afin d'améliorer la coordination des efforts dans la lutte contre l'inflation et l'inadaptation des normes législatives et réglementaires applicables aux collectivités locales (cf. annexe n° 4).
1) « Le Conseil national d'évaluation des normes est consulté par le Gouvernement sur l'impact technique et financier, pour les collectivités territoriales et leurs établissements publics, des projets de textes réglementaires créant ou modifiant des normes qui leur sont applicables. Il est également consulté par le Gouvernement sur l'impact technique et financier des projets de loi créant ou modifiant des normes applicables aux collectivités territoriales et à leurs établissements publics. » 2) Note du Conseil d'État en date du 25 octobre 2016 : « Projet d'ordonnance complétant et précisant les règles budgétaires, financières, fiscales et comptables applicables à la collectivité de Corse - Consultation du Conseil national d'évaluation des normes - Nécessité - Existence ».
3) Note du Conseil d'État en date du 15 décembre 2016 : « Norme à caractère non obligatoire mais susceptible d'affecter les dépenses des collectivités territoriales décidant de la mettre en œuvre. Obligation de consultation du Conseil national d'évaluation des normes (CNEN) - Existence ».
4) « Le conseil national peut être saisi d'une demande d'évaluation de normes réglementaires en vigueur applicables aux collectivités territoriales ou aux établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre par un maire, un président d'établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre, un président de conseil départemental ou un président de conseil régional ».