Au FRAC Centre, on révise ses classiques cet automne avec une série de regards convergents sur l’objet-monolithe, cette étrangeté familière.
A la Biennale de Venise de 1996, Frédéric Migayrou avait déjà entrepris de relire l’histoire de l’architecture française depuis l’après-guerre à l’aune de cette figure polémique en présentant « Bloc, le monolithe fracturé ». En 2010, c’est la commissaire Marie-Ange Brayer qui prolonge l’essai pour l’orienter vers les symbolistes, les surréalistes et l’expressionnisme de Kiesler, vers les mégalithes de Günter Gunschel* et les pierres suspendues de Stonehenge, tressant ainsi les fils d’un imaginaire onirique et critique. Les pièces sont variées, maquettes et dessins surtout, mais aussi films et installations, et cette histoire du monolithe passe en revue les mégalithes des années 1960-1970, lorsque Hans Hollein faisait flotter d’énormes rochers de propagande dans le ciel de Salzburg pour y critiquer les impasses du fonctionnalisme. Branzi aussi, qui interroge encore aujourd’hui l’idée de secteur, persiste et signe entre gestion des masses et prolifération des agrégats. Jouer le monolithe contre l’enclave ? Au même moment, l’architecture-sculpture d’André Bloc et Pierre Székély mène un combat similaire mais sur le versant poétique de la contemplation individuelle et de la plasticité des formes – le monolithe comme « non-forme », cela reste à voir… Au carrefour de ces influences, l’église de Nevers du duo Parent-Virilio dont la grotte renvoie directement au mythe des origines. Espace cryptique parfois coloré d’espace… technocratique, comme le Roissy de Paul Andreu où les flux se retrouvent canalisés sous la plasticité rugueuse du béton brut. D’ailleurs, ce que disent par réfraction la plupart de ces projets sous leurs allures massives et pesantes, bref monolithiques, c’est le pouvoir de se déplacer, sinon la vitesse. A l’occasion d’un récent échange en mai dernier, Paul Virilio nous faisait remarquer qu’au moment même où il concevait Nevers, il cherchait à travers la « fonction oblique » à faire monter le sol, à jouer sur la dualité entre synclinal et anticlinal pour retrouver une forme de continuité, mais en élévation. L’enjeu ? Concevoir une « circulation habitable » répondant aux questions posées, déjà, par les flux et la « révolution de l’emport ». Penser non plus le stationnement, mais la circulation, habitable. Cherchant la massivité, la pesanteur et l’obscurité de la crypte, on aurait donc pour finir retrouvé le mouvement et la vitesse ? On pourra certes se dire face à cette exposition que les fils sont suffisamment tressés depuis une quinzaine d’années déjà, tout en reconnaissant sur l’autre versant une cohérence indéniable du propos et la confirmation qu’indubitablement une autre lecture de l’histoire de l’architecture s’est établie à partir d’alternatives trop longtemps considérées comme marginales car tirant vers le poétique un monde de la construction qui se départit rarement de son sérieux.


