N'espérez pas trouver chez Gayet un modèle de l'usine 4.0. Ici, pas de salles aseptisées, ni de robots qui remplaceraient les humains, pas d'open space non plus. Dans les bâtiments de Tinqueux (Marne), qui sentent bon les Trente glorieuses, on vogue de bureaux en bureaux personnalisés, on traverse des ateliers qui travaillent le métal avec minutie avant de passer par l'impressionnant stock d'échafaudages derrière lequel se tapit une batterie de 120 camionnettes marquées des immuables couleurs vert clair et noir qui signent l'entreprise. Ces véhicules sont prêts à partir pour livrer aux clients les gaines de ventilation. Elles aussi sont des marqueurs historiques de son activité dont l'origine remonte à 1911, à l'initiative du plombier-zingueur Fernand Gayet, arrière-grand-père de Philippe et Pascal, le duo dirigeant actuel.
Néanmoins, si vous cherchez au-delà des façades l'exemple d'une PME agile, capable de se moderniser, de se renouveler et de grandir sans perdre son identité familiale, vous avez frappé à la bonne porte. Le bureau d'études intégré de 16 personnes, le progiciel (ERP) spécifique mis au point par l'entreprise, son implication dans les appréciations techniques d'expérimentation (Atex) - quatre en cours, dans le traitement des façades - incarnent l'esprit d'innovation de Gayet. Quant au renouvellement, il a été incessant. Depuis plus de cent ans, au fil des générations, l'entreprise a œuvré à étendre la palette de ses métiers, selon un double mouvement de développement interne et de croissance externe.
Sous-traitance zéro. Au sein de la SA Gayet proprement dit, la couverture, introduite peu après la création de l'entreprise, a été rejointe par l'étanchéité, le bardage et l'isolation extérieure, si bien que cet ensemble « enveloppe du bâtiment » représente désormais un peu plus de la moitié du chiffre d'affaires, davantage donc que les corps d'état techniques constitués du génie climatique, de la plomberie, de leur maintenance et de l'électricité. Ceux-ci ont pesé 35 % du total l'an dernier, le solde venant du service de location en montage d'échafaudages, instauré en 2017. La sous-traitance est une pratique tout simplement ignorée par la société, qui fait état d'une part de… 0 % chaque année depuis 2019. Par type de travaux, la rénovation domine nettement, elle représente 80 % du total en moyenne des trois derniers exercices. Elle se déploie notamment auprès des bailleurs locaux, dont la part dans la clientèle approche les 25 %, non loin des autres marchés publics (30 % en 2023) et devant le tertiaire et les incontournables maisons de Champagne, que Gayet n'a pas manqué de convaincre de ses savoir-faire.
En parallèle, la PME a cumulé une dizaine de rachats en quatre décennies - dans ses propres métiers et les connexes -, de Quénot (menuiserie extérieure en PVC et aluminium) en 1986, à Lamblin (ravalement et isolation de façades) cette année. De quoi donner naissance à un groupe à l'effectif cumulé de 450 salariés pour un chiffre d'affaires de 46 M€ l'an dernier. « Toutes ces acquisitions ont un sens. Elles complètent notre métier de façon cohérente. Mais leur objectif premier consiste à consolider le tissu régional : elles se sont opérées au sein du bassin de Reims où nous évoluons, la plus lointaine étant Lamblin, près de Troyes [dans l'Aube, à 130 km au sud, NDLR], toujours en Champagne-Ardenne, décrit Philippe Gayet, président. C'est tout un écosystème que nous faisons s'épanouir… sans avoir l'obsession de la croissance externe. Les dirigeants cédants viennent vers nous, connaissant notre réputation, celle d'une société sérieuse qui ne vient pas détruire l'ADN de leur affaire, mais la cultiver. » Les personnels qui ont rejoint la galaxie Gayet ne s'en plaignent pas non plus. La « ressource » humaine se comprend ici dans une acception positive, celle d'un bien précieux, à faire fructifier. En garantissant son avenir, d'abord, lorsque les filières de formation manquent. Par exemple, la PME familiale a été à l'origine, en 2021, d'un cursus de frigoriste qui aura été suivi par 8 à 10 jeunes pendant trois ans, « pour nos besoins - nous avons en embauché trois l'an dernier - et ceux de nos confrères », relève Pascal Gayet, le président, codirigeant avec Philippe. Cette rentrée est marquée par l'absence de nouvelle promotion, du fait avant tout, selon l'entreprise, qu'elle a pu désormais recruter en nombre suffisant les compétences dont elle a besoin sur ce métier.
Intéressement généreux. Par ailleurs, Gayet veille à montrer aux nouveaux venus qu'ils intègrent une grande famille. Son président consacre par exemple aux apprentis la matinée du premier jour ouvré de septembre où ils intègrent la PME. En ce moment, ils sont au nombre de 18, soit 10 % des effectifs.
Les salariés en poste ne sont pas oubliés sur ce sujet : un quart d'entre eux a suivi une formation au cours des deux dernières années. Par ailleurs, de nombreux avantages financiers leur sont attribués : 13e mois, affectation de 30 % des bénéfices à l'intéressement, versement de diverses primes - par exemple de productivité mais calculée de façon générale pour ne pas pousser outre mesure à la performance individuelle. La cotisation à la mutuelle santé mise en place est prise en charge à 92 % par l'employeur. Située sous le seuil d'obligation, l'entreprise a toutefois mis en place une commission santé-sécurité-conditions de travail (CSSCT) réunie trimestriellement et saluée comme « très active » par l'OPPBTP. Deux chargés de prévention à plein temps veillent à maintenir à un niveau élevé les standards de santé-sécurité au travail.
Cette aventure collective réussie s'apprête à franchir un nouveau cap. Philippe et Pascal Gayet et leur sœur Catherine Manciaux, en charge des finances de l'entreprise, transmettent progressivement les rênes à leurs cinq enfants et à Sophie Gonthiez, leur sœur cadette. Un sextuor doit ainsi se charger de continuer à écrire une partition pleine d'harmonie.
