Grand Prix de l’urbanisme : Jacqueline Osty, la tisseuse d’harmonie

Lier, relier, connecter, intriquer, connecter… Les mêmes mots reviennent dans les propos de Jacqueline Osty quand elle évoque son travail. Façon de dire qu’il n’est pas d’un côté la ville, domaine réservé des urbanistes, et de l’autre, la nature, pré carré des seuls paysagistes dont elle est.

En choisissant de lui décerner le Grand Prix de l’urbanisme 2020, le jury international - réuni le 9 juillet à l’initiative d’Emmanuelle Wargon, ministre déléguée auprès de la ministre de la Transition écologique, chargée du Logement - a voulu saluer le travail d’une femme qui depuis quelque trois décennies a préféré l’union à la confrontation entre le minéral et le végétal. « Elle démontre que l’écologie est l’occasion de développer un art urbain porteur d’une poétique de la nature qui peut mettre en scène en pleine ville le spectacle des saisons », argumente-t-il.

Résilience

Succédant à Patrick Bouchain, lauréat en 2019, Jacqueline Osty rejoint ainsi un cercle de personnalités qui depuis 1989, ont été reconnues pour leur participation à faire progresser la fabrique urbaine. « Elle conçoit aujourd’hui des morceaux de ville en s’inscrivant dans une géographie et l’urbanisme existant, et permettant d’être davantage résilients face aux bouleversements sociaux, économiques, climatiques et culturels », communique le ministère chargé du Logement.

Le jury (au sein duquel la rédaction du «Moniteur» est représentée) a également tenu à souligner la « très haute qualité » des trois autres nommés pour la phase finale de sélection : l’agence d’architecture et d’urbanisme L’AUC, l’économiste Laurent Davezies et le directeur général de l’A’urba, l’Agence d’urbanisme de Bordeaux-Aquitaine, Jean-Marc Offner.

Enfance

La propension à marier les mondes de Jacqueline Osty est à rechercher dans les lieux de son enfance. Née le 14 février 1954 à Casablanca, au Maroc, la paysagiste raconte avoir vécu jusqu’à ses 18 ans dans cette ville entremêlant la tradition arabe et les marques de la colonisation et dotée d’une «harmonie urbaine exceptionnelle». Dans l’autobiographie que chaque prétendant au Grand Prix se doit de rédiger, elle se souvient «de la manière dont on n’avait pas séparé l’herbe et le béton, le sable des plages et l’asphalte des rues, dans le tracé de son plan et le choix de ses formes.»

Cette «approche paysagère de la ville», elle est ensuite allée l’étudier, à l’Ecole de Versailles. Elle fait ainsi partie de la génération formée par la grande figure qu’a été Michel Corajoud. Jacqueline Osty a été embarquée dans ce mouvement qui, à l’époque, a permis aux paysagistes de sortir des jardins pour aller s’emparer de tous les territoires et de toutes les échelles de projets.

Approche contextuelle

Depuis son tout premier chantier, sur le parvis de la mairie de Saint-Mandé (Val-de-Marne), Jacqueline Osty s’est attaquée à une palette large de sujets, en cultivant toujours une approche contextuelle. En tenant compte autant de composition géographique que de l’héritage urbain, des vues lointaines que des éléments marquants les sites, elle a façonné des grands jardins comme le parc Martin-Luther-King dans le quartier Clichy-Batignolles, à Paris (XVIIe), refaçonné des parcs zoologiques, en particulier le zoo de Vincennes (XIIe), et accompagné des transformations de l’espace public, notamment en créant la composante végétale de la promenade Richard-Lenoir (XIe) ou du nouveau remblai des Sables-d’Olonne (Vendée).

Projets urbains

Mais la lauréate, qui a été auréolée par deux Grand prix du Paysage, est aussi de ces professionnels qui ont réussi à sortir de la case de concepteur associé pour prendre en main, en tant que mandataire, des projets urbains. A Nantes, elle mène ainsi l’équipe qui transformera le plein centre-ville et son nœud de transports en commun, près de la place du Commerce, et surtout le groupement en charge de penser la phase III de l’aménagement de l’Ile de Nantes.

Sur ce territoire emblématique de l’urbanisme « Made in Nantes », elle a imaginé avec l’architecte et urbaniste Claire Schorter, non pas un parc métropolitain façon grand geste, mais un espace de verdure de 90 ha qui s’éclatera et s’infiltrera partout dans ces nouveaux morceaux de ville. «En toute logique, Jacqueline Osty le redit dans son autobiographie, la nature et la ville ne doivent pas être isolées l’une de l’autre, la première doit se glisser dans la seconde, posséder ses chemins pour qu’y chemine la gent animale susceptible de nous accompagner et qu’y volent les graines au gré du vent et des becs d’oiseaux.» Le Grand Prix de l’urbanisme lui sera remis en fin d’année 2020.