Quelles ont été vos premières décisions depuis votre prise de fonctions, le 4 juin ?
Avant même de prendre officiellement mes fonctions, j’ai souhaité aller à la rencontre des élus du conseil de surveillance de la Société du Grand Paris (SGP). En avril dernier, pour exprimer leur désapprobation vis-à-vis de l’Etat, notamment à cause du recalage du calendrier du Grand Paris Express (GPE), ils ont voté contre ma nomination. Je voulais vraiment écouter ce qu’ils avaient à me dire et leur exposer ma manière de voir les choses.
Selon moi, plus un projet est complexe, plus il faut être transparent, sincère et simple dans la communication. J’ai aussi visité les chantiers de la ligne 15 sud, ce qui m’a permis de m’entretenir avec les entreprises et les maires concernés. J’ai constaté à cette occasion que les élus locaux faisaient preuve d’une grande confiance à l’égard de la SGP.
Et j’ai, bien sûr, rencontré les personnels de la SGP. Les équipes ont été déstabilisées par tous les événements survenus depuis l’été 2017, de la publication du rapport de la Cour des Comptes au changement de président du directoire en passant par les tensions au sein du conseil de surveillance. Environ trente collaborateurs avaient démissionné, alors que tout le monde s’accorde à dire que les effectifs étaient sous-dimensionnés.
Justement, quelles sont vos perspectives de recrutement ?
Au printemps dernier, j’ai reçu l’assurance du Premier ministre que le plafond d’emplois serait supprimé, ou alors qu’il serait suffisamment haut pour ne pas constituer une contrainte au recrutement. Je me suis donc attelé à l’élaboration d’un nouveau plan d’organisation de l’entreprise. Ce chantier va se poursuivre pendant toute l’année 2019.
Nous envisageons d’embaucher environ 400 collaborateurs sur une période de deux ans, deux ans et demi, ce qui portera les effectifs à 650/700 personnes. Pour recruter autant de personnels, alors que nous sommes sur un champ concurrentiel et qu’il existe une forte tension sur les métiers de la construction et de l’ingénierie, il faut non seulement avoir repensé son organisation, mais aussi se montrer attractif. D’où l’importance de dissiper toutes les inquiétudes qui ont pu entourer la SGP depuis l’été 2017 et permettre au projet de retrouver tout son dynamisme.
"Mettre sur pied l’organisation qui nous permettra de tenir les objectifs, de coût et de délais"
Quel type de profils allez-vous recruter ?
Des techniciens, des ingénieurs, des juristes, des comptables, des gestionnaires de marchés, des communicants….Toute la chaîne de production est concernée. Nous devons renforcer la capacité managériale et industrielle de la Société du Grand Paris. Nous sommes sortis de la période des pionniers. L’enjeu consistait alors à définir le projet et à stabiliser ses fondamentaux. Aujourd’hui, nous entrons en phase de réalisation.
Nous disposons des moyens financiers, à travers la levée de la dette, et humains, à travers les capacités d’embauche, pour le mener à bien. Reste à mettre sur pied l’organisation qui nous permettra de tenir les objectifs, de coût et de délais.
A la demande du gouvernement, vous devez aussi élaborer un plan d’optimisation avec un objectif de réduction du coût global (35 Mds € valeur 2012) de 10%. Quand allez-vous le présenter ?
J’essaie de sortir de cette forme de mythification de l’événement que constituerait l’annonce d’un plan d’optimisation du projet. Car, en fait, les économies vont se faire en continu. Nous devrons régulièrement nous poser la question de l’optimisation, remettre en cause le process que l’on a imaginé, pour réaliser des gains. Nos équipes étudient actuellement près de 1 200 pistes. Il en existait 1 500 il n’y a pas si longtemps. Sur ces 1 200 pistes, j’ai bon espoir qu’environ 800 soient mises en œuvre.
"Ce n’est pas en phase chantier que l’on parvient à dégager les plus grandes économies"

Quels types de solutions examinez-vous?
C’est extrêmement variable. Certaines peuvent aller d’un montant à trois chiffres à un million d’euros. Certaines devront faire l’objet de discussions avec nos partenaires : RATP, Ile-de-France Mobilités… En fait, ces économies ont vocation à augmenter notre capacité à gérer les aléas.
Cette volonté d’optimisation des coûts est-elle compatible avec le respect des délais ?
Oui, pour toutes les lignes qui ne sont pas déjà engagées en termes de travaux. En effet, ce n’est pas en phase chantier que l’on parvient à dégager les plus grandes économies mais plutôt au stade des études et de l’avant-projet, lorsqu’il existe encore des marges de manœuvre.
"Je crains qu’une rareté de la ressource humaine ne se matérialise par une augmentation des coûts"
Les entreprises disposent-elles des capacités suffisantes pour réaliser les travaux dans les délais impartis ? On parle notamment de la difficulté à recruter des pilotes de tunneliers…
Certes, il existe une tension sur le métier de pilote de tunnelier mais cet enjeu a été identifié le premier et pourra peut-être se résoudre assez facilement. Je suis plus inquiet sur les compagnons, les chefs d’équipes, les chefs de chantier…. La tension ne concerne pas que les travaux souterrains mais elle porte d’une manière générale sur les travaux publics franciliens. Je crains qu’une rareté de la ressource humaine ne se matérialise par une augmentation des coûts.
Nous avons des contacts fréquents avec la Fédération nationale des travaux publics pour réfléchir ensemble à la manière de favoriser les filières de formation. Celles-ci sont d’autant plus intéressantes à mettre en place que ces métiers vont perdurer. Outre le Grand Paris Express, de grands projets d’infrastructures en province vont se matérialiser dans les quinze à vingt ans à venir. Sans compter l’export de nos savoir-faire à l’international.
"Si un aléa se produit, la maîtrise d’ouvrage doit être très réactive"
Vous avez évoqué la gestion des aléas. Un décalage de calendrier vient d’ailleurs de se produire sur la ligne 15 Sud… Comment réussir à mieux anticiper les risques ?
Nous travaillons beaucoup sur cette question-là. Nous identifions actuellement les endroits sensibles, très sensibles, ultra-sensibles et nous réfléchissons aux solutions à mettre en place pour réduire cette sensibilité. Nous évaluons le coût des mesures à prendre ainsi que les conséquences d’une absence d’intervention. La meilleure façon de ne pas se retrouver à gérer a postériori des décalages de coût et de délai, c’est d’essayer d’anticiper les risques. Et si un aléa se produit, la maîtrise d’ouvrage doit être très réactive. C’est l’une des clés de réflexion pour notre réorganisation. Nous devons bien clarifier le processus de décision et de délégation. Et j’en reviens au début de la conversation, si un aléa se produit impliquant un retard, il faut être transparent et le partager immédiatement avec nos partenaires. Mon objectif est vraiment d’éviter de nouvelles crises.

Quels seront les prochains appels d’offres attribués ?
Le lot 2 de la ligne 16 [Aulnay à Gare de Chelles (exclue)], qui doit être mis en service fin 2024, sera attribué courant octobre. Quant au lot 1 de la ligne 17 [Le Bourget RER (gare exclue)/Triangle de Gonesse], il devrait être notifié en fin d’année ou début 2019. Les réponses des entreprises à cet appel d’offres permettront d’examiner la faisabilité technique du tronçon entre Le Bourget RER et Le Bourget Aéroport pour 2024, sachant que la mise en service de la ligne 17 jusqu’au Triangle de Gonesse est prévue pour 2027.
Par ailleurs, la SGP avait engagé la consultation pour la section souterraine de la ligne 18 entre Orly et Palaiseau, sur le plateau de Saclay. Suite au recalage de calendrier (report de la mise en service de 2024 à 2027), le dossier technique a été remis à plat. Nous devrions être en situation, d’ici octobre, de poursuivre la procédure et de remettre un nouveau dossier aux entreprises.
"Nous nous interrogeons sur l’opportunité de lancer des marchés de type conception-construction, qui favoriseraient l’intégration systèmes et génie civil"
Le lot 16-1 présentait la particularité de regrouper les systèmes et le génie civil. En sera-t-il de même pour les prochains appels d’offres lancés ?
La réflexion est en cours. Elle porte notamment sur les lots dont les mises en services sont les plus lointaines, à l’horizon 2030, et pour lesquels les études ne sont pas encore suffisamment avancées. Nous nous interrogeons sur l’opportunité de lancer des marchés de type conception-construction, qui favoriseraient l’intégration systèmes et génie civil mais avec une logique contractuelle sensiblement différente de celle actuellement en vigueur.
L’objectif est de présenter des orientations au conseil de surveillance d’ici à la fin de l’année, voire dès le milieu de l’automne. L’enjeu est simple : plus vous supprimez les interfaces, plus vous réduisez les risques de dérive des coûts et de délai.
La concurrence entre entreprise aide aussi à réduire les coûts. Souhaitez-vous susciter davantage de réponses d’entreprises étrangères, dans les appels d’offres de la SGP ?
Il faut que le marché soit le plus compétitif possible et, donc, toutes les entreprises compétentes sont les bienvenues. Nous avons d’ores et déjà, sur nos chantiers, des entreprises suisses, italiennes qui sont intervenues dans des groupements, en association avec des entreprises françaises. Le but, c’est de continuer à aller chercher ces compétences-là parce qu’une meilleure compétition sera toujours le gage d’un meilleur dimensionnement économique au final, et d’un coût le plus optimal pour le contribuable.
Propos recueillis par Nathalie Moutarde et Florent Maillet. Reportage photo : Julien Falsimagne/Le Moniteur.
►Adaptation du calendrier du Grand Paris Express : décision « au printemps »
Thierry Dallard, que Le Moniteur a rencontré le 17 septembre, a donné une conférence de presse mardi 25 septembre, suite notamment au retard confirmé de la mise en service de la ligne 15 sud du Grand Paris Express. Le président du directoire de la Société du Grand Paris a indiqué qu'il se donnait "jusqu'au printemps" pour évaluer et éventuellement adapter le calendrier de réalisation du "supermétro" autour de la capitale.
« Pour le planning de toutes les lignes, je crois qu'il va falloir encore un peu de temps pour être capable d'affiner les choses. Je me suis donné jusqu'au printemps prochain pour être en mesure de revenir avec un peu plus de précisions sur le calendrier », a-t-il ajouté. Thierry Dallard a d'ores et déjà confirmé la partie sud de la ligne 15, en construction de Pont-de-Sèvres à Noisy-Champs, ne devrait ouvrir qu'au premier semestre 2025, et non pas en 2024 comme prévu jusqu'à présent.
Pour les lignes qui intéressent directement les Jeux olympiques de 2024, il se montre raisonnablement optimiste. À propos de la ligne 14 existante, qui traverse tout Paris et doit être prolongée -par la RATP- au nord jusqu'au village olympique de Saint-Denis et au sud jusqu'à l'aéroport d'Orly, "pour l'instant (...), le calendrier est tenu, et je n'ai pas de raison d'être inquiet", a-t-il dit.
Pour la partie de la ligne 16 qui traverse la Seine-Saint-Denis, également prévue pour 2024 de Saint-Denis à Clichy-Montfermeil, "là aussi, le planning est a priori réaliste", a-t-il relevé. "Le calendrier aujourd'hui est tenu, le calendrier est tenable, mais il ne faut pas qu'il y ait de mauvaises surprises", a-t-il prévenu.
En revanche, le patron de la SGP s'est montré "plus réservé" sur la réalisation à temps pour les JO d'un petit bout de la future ligne 17 jusqu'à l'aéroport du Bourget, où sera situé le centre de presse. "On n'a pas encore pris de décision" car "le calendrier (...) nous semble extrêmement tendu", a-t-il reconnu.
Prochains appels d'offres qui seront lancés par la Société du Grand Paris :
DESCRIPTIF TRAVAUX | Avis d’appel public à la concurrence (AAPC) |
LIGNE 18 (GENIE CIVIL) | |
Section aérienne Palaiseau/Guyancourt | 4e trim. 2018 |
CENTRES D’EXPLOITATION | |
Centre d’exploitation (SMR/SMI) d’Aulnay : travaux de construction du centre d’exploitation | 3e trim. 2018 |
Centre d’exploitation de Palaiseau | 4e trim. 2018 |
TRAVAUX D’AMENAGEMENT DES GARES | |
Travaux d’aménagement de 12 ouvrages annexes secteur Quest entre Vilejuif Louis Aragon et lle de Monsieur | 4e trim. 2018 |
Travaux d’aménagement de la gare de Villejuif Institut Gustave-Roussy | 4e trim. 2018 |
Travaux d’aménagement de 7 ouvrages annexes secteur Centre entre Créteil l’Echât et Villejuif Louis Aragon | 4e trim. 2018 |
Travaux d’aménagement de la gare de Noisy Champs, arrière gare et avant gare et deux ouvrages annexes | 1er trim. 2019 |
Travaux d’aménagement des gares Les Ardoines et Vitry Centre | 1er trim. 2019 |
Travaux d’aménagement des gares d’Arcueil Cachan et Bagneux | 1er trim. 2019 |
Travaux d’aménagement de la gare d’Issy RER | 1er trim. 2019 |
Travaux d’aménagement des gares de Créteil l’Echât et Vert de Maisons | 2e trim. 2019 |
Travaux d’aménagement des gares de Châtillon-Montrouge et Fort d’Issy Vanves-Clamart | 2e trim. 2019 |
Travaux d’aménagement de la gare de Villejuif Louis Aragon | 2e trim. 2019 |
Travaux d’aménagement de la gare de Champigny Centre | 3e trim. 2019 |
Travaux d’aménagement de la gare de Pont de Sèvres | 3e trim. 2019 |
Travaux d’aménagement de la gare de Bry-Villiers-Champigny | 4e trim. 2019 |
Travaux d’aménagement de la gare de Saint-Maur-Créteil | 4e trim. 2019 |
TRAVAUX D’AMENAGEMENT DES GARES | |
Travaux d’aménagement sur le secteur d’Aulnay (gare et ouvrages annexes) de la ligne 16 du Grand Paris Express | 3e trim. 2020 |
Travaux d’aménagement sur le secteur Clichy Montfermeil (gare et ouvrages annexes) de la ligne 16 du Grand Paris Express | 4e trim. 2020 |
Travaux d’aménagement sur le secteur Sevran (gare et ouvrages annexes) de la ligne 16 du Grand Paris Express | 1er trim. 2021 |
Travaux d’aménagement sur le secteur de Chelles (gare et ouvrages annexes) de la ligne 16 du Grand Paris Express | A venir |
SYSTEMES | |
Ventilation / décompression / désenfumage des lignes 16/17 comprenant le secteur compris entre la gare Saint-Denis Pleyel (ouvrage annexe 3300P inclus) et la gare Clichy Montfermeil (ouvrage annexe 0601P inclus), y compris le CEA et le secteur compris entre la gare Le Bourget RER (ouvrage annexe 0100P exclus) et la gare Triangle de Gonesse (gare incluse) | 1er trim. 2019 |
Systèmes d’information voyageurs et sonorisation portant sur la réalisation de l’ensemble des lignes 15, 16 et 17 | 2e trim. 2019 |