Comment garantir la pérennité de la dissuasion nucléaire française ? Mieux connaître la matière ? Explorer de nouvelles voies en vue de produire de l’énergie dans le futur ? En s’interdisant de réaliser des essais nucléaires, depuis 1996 (1), la France a choisi de s’équiper d’un outil qui lui permettra, à partir de 2012, de confirmer – par des expériences de physique en laboratoire – les calculs obtenus par les ordinateurs des scientifiques travaillant à ces questions.
Le génie civil de cet outil gigantesque est en cours d’achèvement au Barp (Gironde), à côté de Bordeaux. Le bâtiment – de 300 m x 150 m au sol et de 40 m de haut – qui abritera les expériences réalisées par le Centre d’études scientifiques et techniques d’Aquitaine (Cesta) est constitué de quatre vastes halls de fabrication de lasers, répartis autour d’une salle d’expérience. Cette dernière, une sphère d’aluminium de 130 t doit concentrer, à terme, 240 faisceaux laser sur une bille de 2 mm (voir encadré). Résultat : une matière en fusion à très haute température qui livrera de précieuses informations aux scientifiques.
Rigidité, absence de vibration et pureté de l’air
Pour les constructeurs, le cahier des charges tient en trois notions-clés : rigidité de la structure, absence de vibration et pureté de l’air. Pour abriter et supporter ce process, les planchers en béton ferraillés à 250 kg/m2 (2) – des « tables » monolithiques dont la plus grande dimension atteint jusqu’à 100 m de long – reposent, indépendamment des murs et donc des façades soumises aux actions du vent, sur des dalles de béton armé fondées sur radiers drainants. Aucun terrassement différentiel n’est admis pour ces planchers en béton constitués un peu comme des nids d’abeille (voir schéma page ci-contre).
Les équipements de génie climatique (centrales de traitement d’air, gaines, canalisations…) sont posés sur des « Silent blocs », eux-mêmes posés sur des planchers prenant appuis sur plots antivibratiles. Cette double protection est rendue nécessaire par l’objectif assigné aux constructeurs d’une tolérance de déplacement des équipements inférieure à 5 microns, et cela dans les trois heures qui précéderont les expérimentations scientifiques.
Stabilité thermique
Enfin, la qualité de l’air intérieur impose une climatisation irréprochable, la stabilité thermique et hygrométrique minimisant les déformations mécaniques des chaînes de lasers et des composants électroniques. Ainsi, les quatre halls laser et la salle d’expérience sont desservis indépendamment par cinq centrales de traitement d’air qui, à la manière d’un flux laminaire de salle d’opération, balaient – de plénum de faux plafond à plénum de faux plancher – les 50 000 m2 du laser mégajoule.
Cinq millions de m3/heure, 24 h/24 et 365 jours/365 seront ainsi traités et insufflés en surpression dans les halls de chaînes lasers grâce à des centrales de traitement d’air d’une puissance électrique installée de 16 MW pour le froid et 9 MW pour le chaud. Une deuxième installation de traitement d’air, dite « nucléaire », assure quant à elle une ventilation complémentaire de sécurité du hall d’expérience dont les parois sont construites en béton boré (neutrophage).
Le génie civil de ce bâtiment hors du commun (170 000 m3 de béton, 10 000 réservations) s’achève. Les derniers planchers techniques autour de la salle d’expérimentation et les nettoyages fins seront entrepris cet été et laisseront la place au supportage du process (3). Ce dernier sera implanté au centimètre prêt grâce à l’intervention de géomètres.


