Jurisprudence

Garanties des constructeurs : la notion de désordres évolutifs… évolue

Une décision rendue le 25 mai fait prévaloir l’identité de pathologies entre deux désordres, dont l’un a été constaté avant l’expiration du délai décennal, pour accepter de couvrir l’autre.

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Désordres affectant un carrelage
Marchés privés

Les commentateurs parlent volontiers de revirement de jurisprudence au sujet de l’arrêt de la Cour de cassation daté du 25 mai 2023 et publié au Bulletin. L’espèce concernait la construction d’un immeuble d’habitation. Les maîtres d’ouvrage ont déclaré des désordres à l’assureur dommages-ouvrage (DO) et réclamé une indemnisation. Celui-ci a proposé une indemnisation partielle mais après expertise, les maîtres d’ouvrage l’assignent afin d’obtenir réparation de la totalité de leurs préjudices.

Le désaccord portait notamment sur la prise en charge de désordres relatifs au carrelage du rez-de-chaussée – fissuré et cassé en divers endroits -, l’assureur DO ayant indemnisé les désordres identiques affectant le carrelage du premier étage, déclarés dans le délai décennal. La question était donc de savoir si les désordres du rez-de-chaussée constituaient, ou non, des désordres évolutifs et donc indemnisables au titre de la DO.

« S'ils trouvent leur siège dans l'ouvrage »

La Cour cite comme précédent jurisprudentiel un arrêt de 2006 (Cass. 3e civ., 18 janvier 2006, n° 04-17400, publié au Bulletin). Celui-ci rappelle la définition des désordres évolutifs : « De nouveaux désordres constatés au-delà de l'expiration du délai décennal qui est un délai d'épreuve, ne peuvent être réparés au titre de l'article 1792 du Code civil que s'ils trouvent leur siège dans l'ouvrage où un désordre de même nature a été constaté et dont la réparation a été demandée en justice avant l'expiration de ce délai ».

La notion de siège des désordres est donc cruciale. Dans cette affaire de 2006, la Cour n’avait pas admis l’identité de sièges des désordres, s’agissant de « désordres survenus en 1997 [qui] affectaient d'autres "corbeaux" (1) que ceux qui avaient déjà été réparés au cours du procès clos en 1988 ».

Appréciation souple

Mais ici, la Haute juridiction semble prendre une autre voie, s’attachant surtout à l’identité des pathologies pour admettre une identité de siège des désordres. Elle énonce en effet : « Ayant souverainement retenu que les pathologies affectant le carrelage du rez-de-chaussée étaient identiques à celles du premier étage, ce dont il résultait que les désordres constatés par l'expert affectant le carrelage du rez-de-chaussée trouvaient leur siège dans un même ouvrage où un désordre identique avait été constaté avant l'expiration du délai de garantie décennale, [la cour d’appel] en a exactement déduit que la garantie de l'assureur dommages-ouvrage au titre des désordres du carrelage du rez-de-chaussée était due. »

Il faudra sans doute attendre d’autres décisions de la Cour pour savoir jusqu’où ira cette vision plus souple de la notion d’identité de siège… Par exemple, s’interroge l’avocat Romain Bruillard sur LinkedIn, « est-ce qu’un carrelage au sol et un carrelage mural constituent un même ouvrage permettant de retenir la qualification de désordre évolutif lorsqu’ils sont affectés par la même pathologie ? ».

Cass. 3e civ., 25 mai 2023, n° 22-13410, publié au Bulletin.

(1) Eléments en saillie d'une paroi, servant par exemple de support à une poutre.

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