Depuis près de vingt ans, une jurisprudence abondante affirme le caractère impératif de la réglementation en matière de garantie de paiement des marchés privés de travaux et conforte les droits des entreprises. Aussi la décision rendue par la Cour de cassation le 20 novembre 2013 dénote : elle tempère la portée du mécanisme en cas de fourniture d’une caution bancaire.
Une jurisprudence plutôt protectrice de l’entrepreneur
L’article 1799-1 du Code civil impose au maître d'ouvrage, qui conclut un marché privé de travaux, de garantir à l'entrepreneur le paiement des sommes dues lorsque celles-ci dépassent 12 000 euros H.T. (décret du 30 juillet 1999). Le montant de la caution correspond au prix du marché ou de tout nouveau montant visé par avenant, à charge pour l’entreprise de prouver l’existence d’un avenant (Cass. 3e civ., 4 janvier 2006, n° 04-17226). Les sociétés HLM et les SEM pour les opérations de construction de logements locatifs aidés par l’Etat sont exonérés de cette obligation. Il en est de même pour les particuliers.
Cette garantie peut prendre deux formes :
- lorsque le maître d'ouvrage recourt à un crédit spécifique pour financer les travaux, il s’agit d’un paiement direct aux entreprises par l'établissement de crédit ;
- lorsque le maître d'ouvrage ne recourt pas à un crédit spécifique ou lorsqu'il y recourt partiellement, le paiement peut être garanti par un cautionnement solidaire consenti par un établissement de crédit, une entreprise d'assurance ou un organisme de garantie collective.
Tant qu'aucune garantie n'a été fournie et que l'entrepreneur demeure impayé des travaux exécutés, celui-ci peut suspendre l’exécution du marché après mise en demeure sans effet à l'issue d'un délai de quinze jours. Si l’entrepreneur n’a pas suspendu l'exécution de son marché suite à la mise en demeure infructueuse, il est alors tenu d'exécuter les travaux en vertu du contrat (Cass. 3e civ., 12 septembre 2007, n°06-14540).
La Cour de cassation a aussi précisé que l’article 1799-1 du Code civil est d’ordre public et que le marché ne peut écarter le cautionnement du maître d’ouvrage (Cass. 3e civ., 9 septembre 2009, n° 07-21225).
Limitation possible de l’engagement de la caution
Dernière évolution de la jurisprudence en la matière, par un arrêt du 20 novembre 2013, la Cour précise que l’engagement de l’organisme délivrant la caution est limité à la somme fixée dans le contrat le liant au maître d’ouvrage quand bien même ce montant ne correspond pas au coût total de l’ensemble des marchés signés.
Dans cette affaire, une SCI a signé une convention prévoyant une garantie de paiement des entreprises intervenantes à hauteur de 8 millions d’euros. Or, les marchés de travaux se sont révélés supérieurs à 10 millions d’euros, et le maître d’ouvrage a omis de déclarer au garant le nom et le montant du marché de l’entreprise plaignante. Suite à la liquidation judiciaire de la SCI, les différentes entreprises ont mobilisé la caution. Le garant a alors refusé la demande de la plaignante, intervenue après épuisement du plafond de 8 millions d’euros. Le constructeur débouté soutient que les dispositions de l’article 1799-1 du Code civil étant d’ordre public, le contrat de cautionnement ne pouvait comporter un montant inférieur au prix réel des marchés.
La Cour de cassation rejette la demande de l’entreprise, considérant que l’organisme de caution ne peut être tenu au-delà de l’engagement pris dans la convention soit un montant maximum de 8 millions d’euros. Et valide ainsi la possibilité pour un organisme de caution de prévoir un plafond de garantie dans sa convention – seul le maître d’ouvrage manquant, ce faisant, à son obligation de garantir totalement le paiement de ses marchés.
Pour consulter l’arrêt Cass. 3e civ., 20 novembre 2013, n° 13-10081, cliquez ici