Fontainerie : la Grande cascade de Saint-Cloud s'ancre dans le présent

Quatre ans de travaux permettront de stabiliser ce monument du XVIIe siècle et de lui rendre son éclat tout en préservant le réseau hydraulique qui l'alimente.

Réservé aux abonnés
Cascade
Après la reprise des fondations et la construction des caisses de béton de chaque côté du monument, le chantier se concentre sur la restauration de la partie haute de la cascade avant de descendre progressivement vers sa partie basse et le grand canal.

Construite par Antoine Le Pautre entre 1660 et 1665, la Grande cascade était l'élément majeur des festivités du domaine national de Saint-Cloud (Hauts-de-Seine), offert par Louis XIV à son frère, Philippe d'Orléans. Avec ses 200 m de long et ses 20 m de dénivelé, elle offre encore aujourd'hui toutes les variations possibles des jeux d'eau : chutes, nappes, escaliers, torrents artificiels, jets droits, jets paraboliques, bouillonnements… « Le summum de l'art de la fontainerie », résume Sylvain Michel, architecte et urbaniste en chef de l'Etat, conservateur des monuments nationaux en charge du domaine pour le Centre des monuments nationaux (CMN). Comme au XVIIe siècle, la Grande cascade est alimentée de manière entièrement gravitaire par un réseau hydraulique complexe. Bien que seule l'une de ses deux branches fonctionne encore aujourd'hui, son rôle va bien au-delà du domaine puisqu'il assure également la gestion des eaux de ruissellement dans un territoire qui s'est considérablement urbanisé et imperméabilisé.

Fissurations et infiltrations

Lorsqu'à la fin du XIXe siècle, le château est détruit, la Grande cascade devient la pièce maîtresse du domaine de Saint-Cloud. Mais dès l'origine, la construction se révèle fragile. « Elle a été bâtie à flanc de coteau sur des fondations superficielles, elles-mêmes appuyées sur une couche argileuse, et glisse le long du terrain, ce qui crée des fissurations, des éclatements de pierres et des ruptures du réseau hydraulique à l'origine d'infiltrations causant elles-mêmes de nouveaux dégâts », liste Sylvain Michel. L'ouvrage étant stabilisé par deux massifs disposés de part et d'autre de sa partie haute, la première phase du chantier - lancée en avril 2023 - a consisté à les vider de leurs remblais et à les déconstruire jusqu'au niveau des fondations existantes dont la profondeur n'excédait pas 1,20 m. « Nous avons ensuite mis en place un système de longrines et de pieux de 10 à 12 m pour descendre jusqu'au front rocheux », explique le conservateur. Deux caisses de béton rhabillées par le remontage des murs maçonnés, précédemment déposés, sont ensuite venues remplacer les remblais des massifs. « A l'intérieur, nous avons aménagé les espaces nécessaires pour accéder à la fontainerie alors qu'auparavant, chaque intervention nécessitait de creuser des tranchées », précise Dario Martos, chef de projet en charge de l'opération au CMN.

Plus de 700 m linéaires de canalisations seront réparés, remplacés ou créés, dont une grande partie en polyéthylène, pour la mise en place d'un système en circuit fermé permettant de remonter les eaux et de les réinjecter dans le réseau de la cascade à la demande pour économiser la ressource. Le renouvellement des terminaux de fontainerie, comme le fond des vasques, nécessitera 600 m2 de tables de plomb façonnées à la main sur des formes de bois avant d'être mises en place. L'état de référence de la cascade retenu pour cette restauration est celui, bien documenté, de la fin du XIXe siècle.

Restauration végétale

Quant à la maçonnerie et à la statuaire, elles sont nettoyées à la brosse douce et à l'eau ou par hydrogommage. « Trente-quatre statues seront restaurées et 75 m2 de parements sculptés restitués », liste Dario Martos. Il s'agit de congélations, des motifs reproduisant des coulées comme celles que produirait de l'eau gelée. La symbolique de l'eau est présente partout sur le monument, couronné par un groupe sculpté figurant la Seine et la Marne et émaillé de grenouilles, tortues, tritons et dauphins. Représentant moins de 7 % de l'ensemble, les reprises de pierres ont cependant été compliquées par la grande variété de leurs aspects due aux nombreuses interventions qui se sont succédé au fil des siècles. La remise en état du monument passe également par une restauration végétale : les deux rangées d'ifs qui l'encadraient de trop près et dont les racines causaient des dommages ont été enlevées. De nouvelles plantations viendront restituer l'écrin végétal participant de la scénographie conçue par Le Nôtre. En effet, l'édifice est situé entre la partie haute du parc, très boisée et la partie basse, à la végétation plus structurée. « Comme l'eau surgit de la Grande cascade, cette dernière surgit de la forêt », décrit Sylvain Michel.

Les équipes achèvent la deuxième phase qui concerne la partie haute de la cascade et descendent progressivement sur sa partie basse. Restera enfin à restaurer le grand canal qui s'avance vers la Seine, son bassin ovale et les deux petits bassins. D'ici 2027, la Grande cascade ravira de nouveau le million de visiteurs qui arpentent chaque année les jardins du domaine.

Informations techniques

Maîtrise d'ouvrage : Centre des monuments nationaux. AMO : Direct & Org-GO.

Maîtrise d'œuvre : Michel Trubert (architecte en chef des monuments historiques), Céline Desmoulière (paysagiste), Equilibre Structures (structures), OGI (fontainerie), Les éclairagistes Associés (éclairage).

Entreprises : Degaine (maçonnerie, pierre de taille, échafaudages, VRD), Socra (restauration de sculptures), H. Chevalier (sculptures neuves), Alain Le Ny (ouvrages en plomb), Picard Duboscq (ferronnerie), Terideal Segec Energies (fontainerie), Universal Paysage (espaces verts et mobilier), B Schwan (électricité).

Durée des travaux : avril 2023 à 2027.

Montant de l'opération : 14 M€ TTC.

Newsletter Week-End
Nos journalistes sélectionnent pour vous les articles essentiels de votre secteur.
Les services Le Moniteur
La solution en ligne pour bien construire !
L'expertise juridique des Éditions du Moniteur
Trouvez des fournisseurs du BTP !
Détectez vos opportunités d’affaires