Quel sentiment prédomine après la remise du rapport, issu de la conférence Ambition France Transports et censé dessiner le cadre d’une future loi de financement des infrastructures de mobilité ?
Avant tout, un sentiment de satisfaction, car l’objectif premier, qui consistait à marquer le consensus sur le modèle concessif et le maintien des péages, est atteint. C’était un élément essentiel pour tous les participants de la conférence. En outre, ce rapport illustre la prise de conscience du besoin de résorber la dette grise [l’augmentation du coût de l’entretien des infrastructures du fait d’une intervention trop longtemps repoussée, NDLR], même si la réflexion s’est limitée au réseau de routes nationales non concédées.
Regrettez-vous que les conclusions de la conférence n’aient pas pris en compte les routes départementales et communales ?
On peut effectivement regretter que les infrastructures routières gérées par les collectivités aient été, pour l’instant, laissées de côté, sachant qu’elles représentent près de 90 % du linéaire. Pour autant, elles ne sont pas abandonnées. Le ministre des Transports, Philippe Tabarot, a confié au Conseil d’orientation des infrastructures [dont Alain Grizaud occupe la vice-présidence, NDLR] le soin d’en évaluer les besoins et d’étudier des pistes de financement. Cette mission d’évaluation s’accompagne d’un travail global de priorisation des projets de mobilité matures que le conseil doit effectuer d’ici fin octobre.
Pourquoi ne pas avoir directement pris en compte l’ensemble du réseau routier ?
Au sein de l’atelier auquel la Fédération nationale des travaux publics a participé, nous avons tenu à élargir nos réflexions aux infrastructures routières en général et aux ouvrages d’art. Cependant, nous avons buté sur un écueil : nous manquions de données pour réaliser une évaluation précise de leur dette grise et du besoin en financement.
Bien sûr, les futurs contrats devront être interrogés dans leur périmètre, l’encadrement de leurs marges…
— Alain Grizaud, président de la FNTP
Quel regard portez-vous sur le modèle concessif envisagé pour prendre la suite des contrats existants qui arriveront à leur terme entre 2031 et 2036 ?
Nous avons été entendus sur la nécessité de maintenir le péage à son niveau actuel. Cette ressource indispensable est, de surcroît, admise par les usagers. Ils sont 58 %, selon un sondage du ministère des Transports, à y être favorables. Bien sûr, les futurs contrats devront être interrogés dans leur périmètre, l’encadrement de leurs marges… Mais il faut être conscient que le modèle concessif constitue le seul moyen pour l’État de déconsolider sa dette et de transférer le risque pour ensuite répartir les recettes dégagées sur l’ensemble des mobilités.
Le ministre des Transports, Philippe Tabarot, a dit envisager d’associer la puissance publique au capital des futures concessions. Pourquoi cette volonté ?
Évoquer cette possibilité, dont les contours restent à définir, souligne une volonté de transparence. Associer davantage les acteurs privés et publics, c’est aussi un moyen de tordre le cou à cette idée tenace que les concessions ne serviraient qu’à rétribuer des actionnaires. Il faut sortir de cette lecture erronée. Les concessions sont au service des mobilités pour tous.
Ces recettes futures des autoroutes pourraient-elles être consacrées à d’autres infrastructures que la route ?
Je pense qu’il faut rester sur le principe de "la route paie la route". Aujourd’hui, les taxes associées à la route contribuent déjà à hauteur de 60 milliards d’euros (TICPE, taxes domaniales…) et une faible partie de cette somme est réinvestie dans la route. Néanmoins, il faut systématiquement que l’intérêt général prévale. C’est pourquoi je ne m’oppose absolument pas à la solidarité nationale territoriale, au cas par cas. Mais la priorité aujourd’hui, c’est de répartir les efforts pour que la route paie la route et que le rail paie le rail.
Comment maintenir nos infrastructures jusqu’à cette échéance de la fin des actuelles concessions à partir de 2031 ?
Il y aura un effort à consentir sur le budget général en fléchant davantage les sommes collectées sur les infrastructures de transport vers leur entretien et leur développement. Nous devrions, par ailleurs, pouvoir anticiper les recettes des futures concessions pour lever de la dette et ne pas laisser cette fameuse dette grise galoper jusqu’à l’horizon 2031. La Caisse des dépôts est prête à fonctionner en ce sens, reste à travailler le dispositif.
Pensez-vous qu’un consensus politique puisse être trouvé pour donner naissance à cette loi de financement souhaitée par Philippe Tabarot et les acteurs des mobilités ?
Je le pense car c’est une question d’intérêt général qui a également pu s’exprimer au moment de travailler à la sécurisation des projets suite aux difficultés rencontrées par l’A69. La volonté du ministre est de coécrire cette loi cadre avec les deux chambres du Parlement. On peut imaginer que cette concertation conduise à un consensus.