«J’ai connu une trésorerie tendue fin 2004. J’ai dû négocier avec ma banque une autorisation de découvert. Cela va mieux aujourd’hui, se réconforte Didier Hingant, gérant de C2B, PME de charpente menuiserie métallique. Les fournisseurs mettent de plus en plus la pression pour être payés à 30 jours ; dans le même temps l’Etat ou les collectivités locales payent souvent à 90 jours. » Didier Hingant, dont le carnet de commandes est plein jusqu’à fin 2005, n’est évidemment pas le seul patron dans ce cas. Le paradoxe est bien connu du BTP. Plus l’activité est bonne, plus l’entreprise doit consentir des avances de fonds pour fonctionner : versement des salaires, charges sociales, taxes, paiement des fournisseurs, achat de matières premières… « Pour faire face aux retards de paiement, nous nous sommes dotés d’un fonds de roulement (équivalent environ à 10 % de notre chiffre d’affaires), explique Philippe Dhervilly, directeur d’ARD, entreprise spécialisée dans la fabrication de liants pour les sols. Cela nous permet d’étaler les paiements pour ne pas être trop dépendants des banques ; ne pas être aux abois quand un client nous paye avec retard, sachant que l’Etat paye à 45 jours sur le papier, mais dans les faits à 90 jours. » SMC2 a choisi, elle, de nouer un partenariat avec la BDPME, qui lui finance immédiatement ses créances publiques. Une façon habile de ne pas souffrir des délais de paiement dans les marchés publics.
Nouer de bonnes relations avec sa banque. Pour la plupart, le banquier demeure l’interlocuteur incontournable. Et le BTP n’a pas bonne presse auprès des banques. « Le secteur fait peur : trop de faillites et des délais de paiement longs », tranche Stéphane Couret, le gérant d’Aquaterra. Toutefois, avec la bonne conjoncture que connaît le secteur, les relations s’apaisent ; les banques sont davantage disposées à les aider. « Les craintes du passé se sont effacées face à la bonne santé actuelle du BTP. Je bénéficie d’une large autorisation de découvert, même si j’ai dû me porter caution personnelle », indique Jean-Marc Spatz, gérant de CBA.
Reste que beaucoup de dirigeants leur reprochent toujours d’être trop frileuses. Bon nombre s’en détournent pour s’adresser à d’autres partenaires financiers. « Depuis le départ, je n’ai rien demandé aux banques », indique David Dray, dirigeant de Casanova, un concepteur/fabricant de solutions de câblage VDI pour le résidentiel. Cette société innovante, qui a vu son chiffre d’affaires plus que doubler entre 2003 et 2004, se développe par le biais d’augmentations de capital réalisées par la société d’investissement de Schneider Electric. La stratégie suivie par Didier Pancher, P-DG de 340 Technologies, est la même. « La Sadepare, une société de capital investissement régional, a mis 50 000 euros au départ et ils vont bientôt participer à une prochaine augmentation de capital. L’autre avantage de travailler avec ce type de financiers, c’est qu’ils vous donnent contacts et idées et vous obligent à une gestion rigoureuse. »
MG Design a elle aussi procédé à une augmentation de capital pour augmenter ses fonds propres, comme l’explique Vincent Guérin, son co-fondateur et responsable commercial. « Nous avons eu un bilan positif. Plutôt que de distribuer nos résultats, nous les avons réinvestis dans l’entreprise. Nous avons presque un an de fonds propres devant nous. Nous sommes sereins. Avec un capital de 40 000 euros (9 300 euros auparavant), nous pouvons surtout prétendre accéder à des marchés plus importants. Souvent, nous soumissionnions sur des opérations de 15 000 euros, alors que nous avions un capital inférieur. C’était risqué. »
Rester prudentsur le plan financier. Une conduite prudente de leur affaire sur un plan financier est le leitmotiv de beaucoup de jeunes dirigeants. « Dès le départ, nous avons voulu minimiser les risques, explique Romain Job, co-gérant de Windspectra, PME d’ingénierie nantaise spécialisée dans l’énergie éolienne. Nous sommes autonomes financièrement. Nous n’avons pas contracté d’emprunts auprès des banques. Nous avons bénéficié d’un prêt d’honneur début 2005 de 16 000 euros que nous remboursons sur trois ans. Il nous a été apporté en compte courant d’associé et entre dans nos fonds propres. »
La même prudence prévaut chez Thierry Munier, président d’Altempo. « Même si mon résultat a progressé de 10 % entre 2004 et 2005, mon chiffre d’affaires est resté stable. C’est un choix. J’ai aussi décidé de ne pas embaucher, ni d’investir durant cette première année d’activité. L’entreprise est toujours en phase de consolidation financière. »
Comme le résume Dominique Seguy, vice-présidente de Tepeecal, « il faut constamment être vigilant, maîtriser ses coûts fixes, ne rien négliger, les organismes sociaux, les fournisseurs, les salariés. La pression financière est stressante. C’est un équilibre permanent ». Un exercice périlleux mais tellement valorisant, comme l’explique Romain Job. « Nous sommes jeunes. Nous n’avons pas encore de charges de famille. Certes, nous gagnons pour l’instant moins que nos collègues ingénieurs qui sont salariés de grandes entreprises, mais nous nous amusons tellement plus. »