« C’est une initiative originale dans le secteur du BTP de fédérer des acteurs venant de trois métiers différents », remarque Olivier Colleau, président de Kiloutou. Ce dernier s'exprime d'ailleurs au titre de président de la toute nouvelle Communauté des acteurs du matériel durable (CAMD), une association rassemblant 10 acteurs venant du matériel, de la location et des entreprises de travaux (voir encadré).
Pour bien marquer l'importance de ces liens entre ces acteurs, Patrick Nkodia, directeur de la transformation chez Bouygues Construction, et Michel Denis, PDG du fabricant de matériel Manitou, assurent la vice-présidence de cette nouvelle association. Tous partagent un objectif commun : se coordonner pour décarboner les engins de chantier.

Michel Denis, P-DG de Manitou et vice-président de la CAMD
Compositions et objectifs de la CAMD
Les dix fondateurs
Bouygues Construction, Colas, Eiffage, Haulotte, JCB, Kiloutou, Manitou Group, NGE, Salti, et Volvo
Les cinq objectifs
- Apporter des solutions concrètes et de porter des projets transverses à la filière
- Bâtir un socle de connaissances et une trajectoire de décarbonation commune
- Accroître la visibilité de la filière matériel et de son rôle dans les transitions du BTP
- Défendre aux côtés des fédérations professionnelles les convictions pour une filière durable
- Porter une vision et une ambition communes de la décarbonation de la filière.
Une feuille de route commune
La CAMD découle des Rencontres du matériel durable, dont la 5e édition s’est déroulée en octobre 2023. « Cela fait un an que nous pensons à créer une structure dédiée, en raison d’une double conviction, explique Olivier Colleau. D'abord, le matériel, représentant 20 % des émissions de CO2 de la construction, est essentiel dans la décarbonation des activités du BTP. Ensuite, cette décarbonation nécessite une approche en écosystème. »
Le président de la nouvelle association le reconnaît : face aux objectifs de de réduction carbone de 40 % d’ici 2030, « nous avons tous eu des sueurs froides lorsque nous nous sommes rendus compte du rythme actuel. Il faut accélérer, et pour cela, nous devons nous fédérer ».
Partant de ce principe, la CAMD aura d’abord pour but « de cibler les sujets technologiques et les gammes de matériels pertinentes à développer », énonce Patrick Nkodia de Bouygues Construction. En effet, « nous pouvons potentiellement investir des centaines de millions d’euros en recherche et développement (R&D) dans des technologies qui ne sont pas les bonnes, reconnaît Michel Denis, de Manitou. Nous prenons des engagements et des risques de plus en plus importants avec la décarbonation. » Pour les limiter, la CAMD aura donc pour rôle de fixer une feuille de route commune, alimentée notamment par les retours d’expérience.
La data au cœur de la démarche
Mais avant ça, « nous allons devoir constituer un socle de connaissances commun : si nous ne partageons pas les mêmes constats, que nous ne parlons pas la même langue, nous n’irons pas dans la même direction, ni à la même vitesse », rappelle Patrick Nkodia.
« Nous ne pourrons baisser que ce que nous serons capable de mesurer », continue le directeur transformation de Bouygues Construction.La CAMD va donc s’employer à mettre en place « des outils de mesure communs, notamment pour répondre à la directive européenne CSRD (voir encadré), pour laquelle les entreprises n'ont pas nécessairement identifier les informations à publier ». Sans oublier le coût, puisque chez la major, « la tonne de carbone économisée est mesurée en fonction de son coût, explique Patrick Nkodia. Ainsi, une solution matériel peut être plus efficace qu’une solution matériau et conception. A ce moment, il faut que tout le monde le sache. »
La CAMD aura aussi vocation à réaliser des études d’impact, alors que les représentants s’accordent à dire qu’il y en a peu dans le monde du matériel. « Nous pourrions même imaginer la création d’un livre blanc, que nous pourrions présenter aux pouvoirs publics », questionne Patrick Nkodia.
Qu’est-ce que la directive CSRD ?
La directive européenne Corporate Sustainability Reporting Directive (CSRD), applicable depuis le 1er janvier en France, fixe les normes et obligations de reporting extra-financier pour les grandes entreprises et PME côtés en bourse. Ces dernière doivent fournir des données environnementales, sociales et de gouvernance. En fonction des typologies d’entreprises (taille et chiffre d’affaires), les premiers rapports sur l’année 2024 devront être rendus en 2025.
Faire connaître les problématiques du matériel
Le lobbying fera aussi partie des missions de l'association. « Nous voulons sensibiliser les élus, qui ont une méconnaissance des problématiques de décarbonation dans le secteur du matériel », avance Olivier Colleau. Et si « les fédérations existantes étaient au départ interpellées par notre démarches, elles sont maintenant impliquées dans l’initiative, et comprennent la nécessité de créer une association transversale amont et aval au-delà de leurs organisations plus verticales », argumente le président de la CAMD.
Les objectifs et enjeux fixés, il va dès à présent falloir fédérer plus d’acteurs : « Nous sommes dix fondateurs, mais plus de 70 entreprises ont participé à la dernière Rencontre du matériel durable. Nous espérons rassembler un maximum d'entreprises. Puis, le salon Intermat [du 24 au 27 avril, à Villepinte, NDLR] sera l’occasion d’intervenir devant tous les acteurs de la filière », ajoute Olivier Colleau. Les bases sont en tous cas posées : les fabricants de matériel, les loueurs et entreprises de BTP misent sur la coopération pour accélérer la décarbonation de leur parc matériel.