Espaces publics Un jardin des sens pour les aveugles et les malvoyants

Matières différentes au sol, trépieds en bambou, plantes odorantes et tactiles composent un jardin éphémère, conçu par et pour de jeunes déficients visuels sur une friche de l’hypercentre de Villeurbanne.

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C’est un jardin de poche – à peine 200 m2 – niché rue Chomel, dans l’hypercentre de Villeurbanne (Rhône). A première vue, rien de surprenant dans cet espace, pourtant pensé par de jeunes déficients visuels. « C’est exactement ce que nous voulions : concevoir un jardin pour tous – aveugles, malvoyants et voyants », lance Erik Barray, professeur au sein de l’Ecole régionale d’enseignement adapté à la déficience visuelle (EREA DV) René Pellet.

Ce sont les élèves et les professeurs de cet établissement, et plus particulièrement ceux des sections vannerie, floriculture et horticulture, qui ont porté le projet, en collaboration avec la direction des Espaces verts de la Ville. Le thème des cinq sens s’est naturellement imposé : « Les élèves souhaitaient pouvoir toucher les éléments, sentir des odeurs, entendre des sons. Ils voulaient également que le jardin soit beau pour les voyants », poursuit le professeur.

Des touchers veloutés

L’une des premières exigences des élèves était de pouvoir « sentir » le sol. Le jardin a donc été divisé en cinq espaces trapézoïdaux, chacun recouvert par une matière différente : sable, gravier, lave, ardoise et cailloux. Ainsi, plus l’on avance dans le jardin, plus la granulométrie est élevée. Treize trépieds ont également été installés. La taille de ces structures en bambou s’échelonne de 80 cm à 6 m. Elles ont été placées de la plus petite à la plus grande, en suivant une courbe sinusoïdale. La combinaison de ces deux éléments – surfaces podotactiles et trépieds – permet aux visiteurs de se situer dans l’espace.

Les trépieds les plus hauts accueillent huit grandes vasques tressées par les élèves, vastes pots à plantes grasses disposés à différentes hauteurs. Au sol, deux plates-bandes longent les murs. A gauche, se situent les plantes odorantes – lavande, thym ou encore menthe – et, à droite, les plantes tactiles, qui offrent des touchers veloutés, râpeux, ou plus filandreux. Près de la plate-bande gauche, un « séchoir à bambou », inspiré du traditionnel séchoir à linge, a été installé. « L’objectif était que les bambous s’entrechoquent pour émettre des sons. Mais il ne remplit pas encore sa fonction. Nous allons le retravailler à la rentrée », assure Erik Barray.

Des bâtons ont aussi été plantés un peu partout dans le jardin. Chaque modèle est unique, coloré, et combine différents matériaux : bois, raphias, plastique, textile, plume, etc. Ces bâtons volontairement très travaillés – afin de favoriser le toucher, la découverte – jouent le rôle de tuteurs pour les plantes. Ils symbolisent bien évidemment la canne, qui accompagne les déficients visuels. Neuf mois ont été nécessaires pour réaliser le jardin, depuis les premières discussions jusqu’à l’inauguration, en mai. La direction des Espaces verts a réalisé les gros travaux d’aménagements : fondations, réfection du sol et stabilisation avec différents granulats, ossatures des plates-bandes. Coût total du projet : 17 000 euros, financés par la Ville. « Pour limiter l’entretien – un arrosage hebdomadaire – nous avons choisi de fermer le jardin. Les visites s’effectuent sur rendez-vous », explique Mireille Maquaire, directrice des Espaces verts.

Le jardin des sens est l’un des trois jardins éphémères mis à disposition d’écoles ou d’artistes par la Ville, afin de combler les friches, en attendant la future opération de densification du centre-ville.

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