Quand elle a été nommée en 2015 directrice générale (DG) de la Société nationale des espaces ferroviaires (devenue Espaces Ferroviaires en 2018), Fadia Karam a d'emblée été marquée par la quantité de foncier à réinventer. C'est ce qu'elle racontait début octobre dans le cadre des « Voix » de la Maison de l'architecture Ile-de-France, une série d'entretiens avec des spécialistes de la ville et de l'urbanisme. Répondant à la prise de conscience des conséquences environnementales et sociales de l'étalement urbain, la réhabilitation des friches ferroviaires pour construire de nouveaux espaces de vie permet de pallier le déficit de logement et la rareté du foncier en zones urbaines. A condition « de réancrer nos fonciers dans les territoires », précise Fadia Karam. Autre défi à relever : « Donner une dimension nationale à la filiale de la SNCF, qui était surtout connue à l'échelle francilienne, et mettre le curseur haut sur la ville durable. »
« 20 protocoles territoriaux signés pour 260 ha ». Pour atteindre ces deux objectifs, Fadia Karam a rapidement détecté « 40 sites avec un vrai potentiel de création de valeur, dans des marchés dynamiques, aux situations urbaines très intéressantes, en complémentarité avec des projets de transports, qui peuvent avoir un rayonnement territorial, quasi métropolitain. Sur ces sites, nous avons tracé une trajectoire d'aménagement ». Cinq ans plus tard, « 20 protocoles territoriaux sont signés avec les grandes métropoles, ce qui représente 260 hectares », poursuit la DG. Une équipe de quarante personnes aux profils variés (spécialistes de l'aménagement, experts techniques… ) anime ces projets.
« Il ne s'agit pas d'appliquer la même recette pour tous, mais d'agir au cas par cas sur chaque territoire », précise Fadia Karam. Pourtant, une trajectoire environnementale commune se dessine. Pour chaque quartier aménagé, Espaces Ferroviaires s'engage à baisser de 30 % les émissions de CO2. Une ambition qui s'illustre notamment sur l'opération Ordener-Poissonniers, dans le XVIIIe arrondissement de Paris. Les 3,7 hectares du dépôt ferroviaire de la Chapelle, ancienne base arrière de la gare du Nord, vont ainsi être requalifiés en logements, bureaux, commerces ou encore équipements publics, pour donner naissance au premier quartier bas carbone de Paris Nord-Est, qui vise le label E3C2.
Mix énergétique. Autre ambition écologique du groupe : parvenir à 50 % d'énergies renouvelables par des solutions de mix énergétique. « Nos quatre projets parisiens tendent vers cet objectif, notamment Chapelle International, au cœur du programme de renouvellement urbain de Paris Nord-Est. » Ce quartier sera en effet irrigué par une boucle d'eau chaude locale, indépendante. Celle-ci intégrera un mix énergétique avec une récupération de l'énergie fatale d'un data center et de la chaleur biogaz.
L'ancienne base arrière de la gare du Nord va devenir un quartier bas carbone
Evoluer, c'est le maître-mot du groupe. Ce dernier veut désormais intégrer la notion d'adaptabilité. « Sur le projet Ordener, nous sommes en train de réfléchir à des espaces publics conçus comme des lieux de services, qui peuvent avoir différents usages. Nous souhaiterions également travailler sur les rez-de-chaussée et les espaces intermédiaires, dont on a vu toute la valeur pendant la période de confinement. Nous portons l'ambition de réaliser des espaces publics dont l'entretien et le nettoyage soient facilités dès leur conception, pour en faire des espaces capables, qui laissent la place à des usages que l'on ne peut pas encore anticiper, mais dont on ne souhaite pas obérer l'avenir », conclut Fadia Karam.