Erosion : en Nouvelle-Aquitaine, les collectivités avancent, les financements traînent

D’ici cet été, les pistes de financement pour s’adapter à la problématique de l’érosion devraient être connues. Le Comité national du trait de côte les présentera aux côtés du ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires, Christophe Béchu. En attendant, la Nouvelle-Aquitaine poursuit l’élaboration de sa stratégie, ainsi que sa concrétisation. Une thématique qui a été au cœur des échanges, le 27 mars, à l’occasion d’un séminaire à Lacanau en Gironde organisé par le GIP Littoral.

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Travaux d'enrochement du front de mer à Lacanau (Gironde)
A Lacanau (Gironde), une partie du front de mer est rendue à l’océan.

Avec ses douze stratégies locales et ses trois projets partenariaux d’aménagement (PPA) sur la recomposition spatiale des littoraux menacés par l’érosion (Lacanau, Biscarrosse, Saint-Jean de Luz), la région fait office de premier de la classe en ce qui concerne la gestion du trait de côte, grâce à l’accompagnement du GIP littoral depuis 15 ans. Le trait de côte recule, en moyenne, chaque année de 2,5 m en Gironde et de 1,7 m dans les Landes ; avec un bond dans les prévisions durant l’hiver 2013-2014 puisque le recul s’est élevé à 15 mètres et 25 000 m3 de sable ont été emportés. « Les prévisions à 10 ans avaient alors été dépassés », commente Henri Sabarot, président du GIP Littoral. Une situation couplée au risque de submersion marine. L’érosion est perçue comme un phénomène prévisible – qui l’exclut des financements du fonds Barnier – mais elle ne l’est finalement pas tant que ça… Pour autant, les collectivités se préparent et les stratégies locales en sont l’illustration. Si à Soulac-sur-Mer (Gironde), il a fallu agir en urgence en détruisant l’an dernier un immeuble d’habitations menacé par l’océan et en indemnisant de manière exceptionnelle ses propriétaires, d’autres collectivités s’organisent pour se protéger et gagner du temps. Cette stratégie navigue entre le laisser faire et les luttes actives dites dures (construction de digues) ou douces (réensablement). Tout dépend des biens à protéger. Selon le dernier rapport de la cour des comptes, 6 022 logements, 723 activités, 122 structures publiques et 99 km de voiries sont menacés dans la région, pour une valeur totale oscillant entre 1,8 et 2,7 milliards d’euros, d’ici 2050. Mais les risques augmentent. Ainsi, à Lacanau, « l’estimation de 1 200 logements menacés et d’un coût de 350 millions d’euros établie en 2011 est multipliée par trois à l’horizon 2100 », précise Laurent Peyrondet, le maire de la commune.

Coup de pelle symbolique contre l'érosion à Lacanau (avril 2024)
Coup de pelle symbolique contre l'érosion à Lacanau (avril 2024) Coup de pelle symbolique contre l'érosion à Lacanau (avril 2024)

Henri Sabarot, président du GIP littoral, Laurent Peyrondet, maire de Lacanau, Alain Rousset, président de région, et Etienne Guyot, préfet de Gironde, creusent symboliquement sur la zone en cours de renaturation, sur le front de mer à Lacanau. © O.D.

A Lacanau, une partie du front de mer est rendue à l’océan, une autre est protégée jusqu’en 2100

Lacanau fait justement partie des villes aux stratégies en action. Bénéficiaire d’un PPA, elle mène actuellement des travaux de réaménagement du front de mer, pilotés par le groupement constitué de Phytolab (mandataire), avec l’agence Magnum, Artelia, More Architecture, Bruit du Frigo, Studio Vicarini, Biotope et Wiinch. Deux hectares sont en cours de renaturation sur la façade sud du front de mer et la relocalisation de parkings littoraux, d’un poste de secours et d’une maison de la glisse est prévue, en vue de la disparition de la plage centrale d’ici 10 ans. Cette démarche sera combinée à la réalisation d’un pôle multimodal à l’entrée de la ville et dont l’équipe de maîtrise d’œuvre sera connue ce printemps.

Projet pour le réaménagement du front de mer de Lacanau
Projet pour le réaménagement du front de mer de Lacanau Projet pour le réaménagement du front de mer de Lacanau

L’objectif final de la maîtrise d’œuvre urbaine, portée par le groupement Phytolab (mandataire), l’agence Magnum, Artelia, More Architecture, Bruit du Frigo, Studio Vicarini, Biotope et Wiinch, est la réalisation d’une esplanade donnant de la place aux éléments naturels, la réémergence de la dune et une ouverture plus large vers l’océan. © Phytolab

Un rehaussement de la digue sur 1,2 km (sur les 16 km de littoral que compte la ville) – avec une côte haute à 12 mètres – est également à l’étude. L’AMO sera choisi en fin d’année. Cet ouvrage, dont le montant oscillera entre 30 et 40 millions d’euros, laissera le temps à la commune - jusqu’en 2100, selon les études - d’organiser l’éventuelle relocalisation des biens privés. Mais ces stratégies se heurtent toujours au même problème : le financement. Les élus sont incités à se tourner vers les différents dispositifs existants (Fonds vert, taxe Gemapi, etc.), mais ils les estiment « dérisoires par rapport à l’enjeu », et attendent toujours un fonds dédié basé sur la solidarité nationale pour poursuivre sereinement leur stratégie. Ils misent sur les décisions du récent Comité national du trait de côte basées en partie sur le rapport inter-inspections (Inspection générale de l’environnement et du développement durable - Igedd et Inspection générale de l’administration - IGA) et qui devraient être intégrées au projet de loi de finances 2025. Le maire de Lacanau avance déjà, de son côté, une première piste : la possible taxation des plateformes de locations saisonnières…

Vue aérienne des allées Ortal à Lacanau (Gironde)
Vue aérienne des allées Ortal à Lacanau (Gironde) Vue aérienne des allées Ortal à Lacanau (Gironde) (Jean-Emmanuel Jay)

Afin de sortir de la logique routière, la ville de Lacanau mène également des travaux au niveau des allées Ortal qui seront transformées en allées jardin et ouvertes sur l’océan, en cohérence avec la nouvelle organisation des flux qui laissera la priorité aux piétons et aux cyclistes. © Jean-Emmanuel Jay

Le prix de l’immobilier continue de grimper malgré les risques

L’érosion ne semble pas inquiéter tout le monde. Les acheteurs de biens qui veulent la vue sur la mer ne craignent visiblement pas d’avoir les pieds dans l’eau… A Lacanau, les prix des logements sur le littoral ont fait un bond de 50 % en 10 ans. « Je les préviens qu’ils font un achat plaisir et qu’en cas d’indemnisation, ce seront sûrement les plus mal lotis. », indique le maire, Laurent Peyrondet. A Bidart (Pyrénées-Atlantiques), la vente d’une maison sur la falaise dépasse l’entendement. Le maire de la ville basque, Emmanuel Alzuri, raconte : « En vente à 12 millions d’euros, elle est finalement partie à 9,2 millions d’euros. Mais un éboulement de terrain est survenu à la suite de fortes précipitations et a entraîné l’annulation de la vente. Remise sur le marché, elle est rachetée à 5 millions d’euros et – après des travaux – elle est aujourd’hui affichée à 16 millions d’euros… On ne sait pas quelle sera la réaction des acquéreurs à l’égard de la mairie quand ils vont devoir partir ».

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