Les économistes de la construction se réuniront dans quelques jours à l’occasion de leur congrès annuel. Sur quel thème porteront les débats ?
Les adhérents de l’Untec se retrouveront à Rouen du 29 au 31 maipour leur 41e congrès. « Construire à quels prix ? » sera le thème central de nos débats. Ce thème s'impose car depuis quatre ans la crise économique a mis à mal la stabilité des coûts de construction. Nous devons faire le point à ce sujet et écouter nos partenaires de l’acte de construire : maîtres d’ouvrage, maitres d’œuvre, entreprises et industriels.
A quel problème les économistes sont-ils confrontés au sujet des prix ?
Les prix ne veulent plus dire grand-chose actuellement. Pour faire simple, je dirais que nous estimons les ouvrages environ 15% en dessous du niveau de 2008. Et malgré cela, les maîtres d’ouvrage, en particulier les bailleurs sociaux, nous demandent encore de les baisser de 5 à 10% supplémentaires.
Nous n’ignorons pas la crise économique. Nous constatons que bien des programmes de logements sont malmenés par des financements constamment remis en question. Mais de trop grandes disparités dans les coûts perturbent notre mission. L’effet de yoyo des prix est déstabilisant pour tout le monde.
"Le grand retour des études sous conditions"
Comment les économistes gèrent ces disparités ?
Il est fréquent que la maîtrise d’ouvrage nous demande d’élaborer les financements des projets sous la forme d’opérations à tiroirs. Etudes à tranches, à options, à variantes… et autres projets sous conditions font leur grand retour dans nos cabinets. Outre la complexité croissantede ces opérations dont la réalisation demeure incertaine, voirede plus en plus étalée dans le temps, elles renchérissent les études sans perspective de rémunération pour les économistes.
Où se situe le bon prix en matière de construction ?
On pourrait dire qu’il est au niveau du marché. Mais le relèvement des exigences dû aux réglementations d’ailleurs parfois un peu excessives (RT2012, accessibilité, parasismique, acoustique…) et aux labels écologiques, ne peut être ignoré. Rien ne sert d’étrangler les entreprises et d’inciter au dumping des honoraires d’études. Cela risque de préparer une génération de bâtiments mal exécutés.
Si l’on veut adapter les projets aux nouveaux moyens dont dispose la maîtrise d’ouvrage, la maîtrise d’œuvre doit rechercher une conception adaptée et les entreprises des modes opératoires appropriés. Il faut aussi remettre en cause le prix du foncier qui bien trop souvent écrase le coût de construction.
Qu’est-ce qu’une conception adaptée aux nouveaux moyens dont dispose la maîtrise d’ouvrage ?
C’est une conception moins coûteuse. Réalisable par des entreprises disposant souvent de moins de moyens et parfois de moins de savoir-faire. Certains corps de métiers ont actuellement du mal à se renouveler. Il y a moins d’artisans menuisiers par exemple. Le sur-mesure se raréfie et donc se renchérit faute de mise en concurrence possible dans bien des consultations. Le tissu des artisans qualifiés s’appauvrit faute d’avoir donné envie aux jeunes de se lancer dans le secteur du bâtiment. Il arrive d’ailleurs que je dise à un architecte que ce qu’il a dessiné sera difficile à réaliser, et cela simplement parce qu’il n’y a pas eu de transmission de savoir, et d’apprentissage du geste chez le jeune compagnon.
Dans plusieurs opérations nous constatons notamment que l’isolation intérieure fait son retour sur certains chantiers car elle est plus simple à réaliser que l’isolation par l’extérieur tout en restant compatible avec la RT2012, grâce aux rupteurs de ponts thermiques.
"La baisse des honoraires hâte les départs à la retraite"
Y-a-t-il un problème de rémunération des études de maîtrise d’œuvre ?
La baisse des honoraires perdure. Nous sommes victimes de rémunération dont les taux baissent et qui s’appliquent à des montants de travaux qui eux-mêmes ont baissé. Et dans le même temps, nous étudions davantage les projets dans des contextes compliqués. Cela tourne à la schizophrénie et pousse certains de nos confrères à anticiper un départ à la retraite. Cependant, l’Untec accueille de nouveaux professionnels très motivés par les missions d’économie de la construction.
Que peut faire l’Untec pour aider ses adhérents ?
L’Untec met actuellement à jour les outils d’estimation à destination de ces membres. Ainsi, Estima, notre logiciel d’estimation, fera l’objet d’une nouvelle édition à l’occasion de notre congrès. Il sera désormais accessible en ligne, adapté à la maquette numérique et à jour des dernières statistiques de prix. Ce logiciel qui est utilisé dans la formation initiale des économistes reste évolutif.
C’est aussi le cas également d’Anticip, notre logiciel d’estimation en phase de programmation et à partir des surfaces du programme. Elaboré par l’Untec avec le concours de l’Institut de recherche et d’information économique de la construction (Iriec*), Anticip sera en revanche finalisé en 2014.
Vous annonciez lors de votre prise de fonction à la présidence de l’Untec en 2010 l’élaboration d’un outil sur le coût global. Où en êtes-vous ?
C’est un chantier d’une année que nous débutons en retard. Il s’agit de créer un outil qui permette de calculer plusieurs types de coûts globaux. En effet, nous nous sommes rendu compte que tous les maîtres d’ouvrage ne donnent pas le même contenu à cette démarche. De même, la nécessité de comparer entre plusieurs opérations nous impose d’harmoniser certaines pratiques existantes. Nous espérons mener ce travail à terme avant la fin de mon mandat en 2015.