Déchets de chantier

Arrêt du 25 mars 2010 - Cour administrative d’appel de rouen - CAA Rouen ch. correctionnelle 25 mars 2010, req. n° 09-000584

Suite à un arrêt de la Cour de Cassation en date du 7 avril 2009 cassant et annulant en toutes ses dispositions un arrêt de la Cour d’Appel de Caen en date du 27 octobre 2008, statuant sur appel d’un jugement du Tribunal de Grande Instance d’Avranches du 18 décembre 2007, la cause a été appelée à l’audience publique du jeudi 28 janvier 2010,

Composition de la Cour :

Lors des débats et du délibéré :

– Président : Monsieur Catenoix,

– Conseillers : Monsieur Samuel, Madame Martin,

Lors des débats :

– Le Ministère Public étant représenté par Madame le substitut général Cadignan

– Le Greffier étant : Monsieur Le Bot,

Parties en cause devant la Cour :

– Communauté de Commune du Pays de Granville, avenue des Vendéens, 50400 Granville intimée absente représentée par Maître Guillevin Serge, avocat au barreau d’Avranches

– M. A, représenté par Maître Guillevin Serge, avocat au barreau d’Avranches

– association Manche Nature, 83 rue Geoffroy-de-Montloray, 50200 Coutances, partie civile, appelante présente en la personne de Monsieur B muni d’un pouvoir.

(…)

Rappel de la procédurePrévention

La Communauté de communes du pays de Granville et M. A ont été cités devant le tribunal correctionnel d’Avranches, sur citation directe de l’association Manche Nature, par acte d’huissier de justice en date du 4 avril 2007.

Ils ont comparu, le 18 septembre 2007, à l’audience publique dudit tribunal sous la prévention d’avoir, à Jullouville, Saint-Michel-des-Loups, au lieu dit « les cent vergées » sur le chemin rural des landes, dit de la maison du Coudray, notamment entre le 30 juin et le 6 septembre 2004 :

– exploité sans autorisation une installation classée d’élimination des déchets, faits prévus et réprimés par les articles L.512-1 et suivants, du code de l’environnement, n° 322-B2 (décharge d’ordures ménagères et assimilées) n° 167 (décharge de déchets en provenance d’installations classées) de la nomenclature des installations classées (décret du 20 mai 1953 modifié) ;

– utilisé le sol en violation des prescriptions du plan d’occupation des sols (devenu plan local d’urbanisme) approuvé de Jullouville, Saint-Michel-des-Loups, faits prévus et réprimés par les articles L.123-1 et suivants, L.160-1, L.480-4 à L.480 7 du code de l’urbanisme, article NC2 du POS de Jullouville, Saint-Michel-des-Loups ;

– embarrassé la voie publique en y déposant ou y laissant sans nécessité des matériaux ou objets quelconques qui entravent ou diminuent la liberté ou la sûreté de passage, faits prévus et réprimés par l’article R.644-2 du code ­pénal.

Jugement

Par jugement contradictoire du 18 décembre 2007, après débats à l’audience publique du 18 septembre 2007, le tribunal correctionnel d’Avranches, statuant sur l’action publique, après avoir écarté les moyens de M. A et de la Communauté de communes du pays de Granville tendant à voir prononcer la nullité des constatations servant de base aux poursuites, a constaté la nullité des poursuites engagées par l’association Manche Nature à l’encontre de M. A à titre personnel, a constaté la prescription de la contravention de dépôt ou abandon d’objet embarrassant la voie publique sans nécessité, a relaxé M. A, ès qualité de représentant légal de la Communauté de communes du pays de Granville des fins de la poursuite, a déclaré irrecevable la constitution de partie civile de l’association Manche Nature.

Appel

Par déclaration au greffe du tribunal, il a été interjeté appel, le 27 décembre 2007, des dispositions civiles de ce jugement par l’association Manche Nature.

Par arrêt contradictoire du 23 juin 2008, statuant sur la seule action civile, la cour d’appel de Caen a déclaré recevable l’appel de l’association Manche Nature et a confirmé les dispositions civiles du jugement rendu le 18 décembre 2007 par le tribunal correctionnel d’Avranches.

Statuant sur le pourvoi formé par la partie civile contre l’arrêt de la cour d’appel de Caen en date du 27 octobre 2008, la Cour de cassation, chambre criminelle, dans un arrêt du 7 avril 2009, a cassé et annulé, en toutes ses dispositions, pour insuffisance ou contradiction de motifs, l’arrêt précité et, pour qu’il soit à nouveau jugé, « sur les seuls intérêts civils », a renvoyé la cause et les parties devant la cour d’appel de Rouen.

Décision

Rendue après en avoir délibéré conformément à la loi.

En la forme

Au vu des énonciations qui précèdent et des pièces de la procédure, l’appel interjeté dans les formes et délais des est régulier et recevable.

Ont été cités à comparaître devant la Cour pour l’audience du 28 janvier 2010 :

– l’association Manche Nature, à l’adresse déclarée dans l’acte d’appel, par acte d’huissier du 28 juillet 2009, remis en l’étude de l’huissier, après que ce dernier ait vérifié que le nom de la partie civile figurait sur les boîtes aux lettres et un panneau sur la porte, copie de l’acte ayant été retiré par une personne habilitée en l’étude de l’huissier. Elle est représentée à l’audience par M. B. Il sera statué à son égard par arrêt contradictoire.

– M. A, par acte d’huissier du 22 juillet 2009, remis à sa ­personne ;

– La Communauté de communes du pays de Granville, par acte d’huissier du 12 août 2009, remis à personne habilitée, l’avis de réception de la lettre recommandée étant revenu signé.

Ils sont représentés par leur avocat et il sera statué à leur égard par arrêt contradictoire.

Au fond

En vertu des articles , et du code de procédure pénale, si la cour d’appel, saisie du seul appel de la partie civile, ne peut prononcer aucune peine contre le prévenu définitivement relaxé, elle n’en est pas moins tenue, au regard de l’action civile, de rechercher si les faits qui lui sont déférés constituent une infraction pénale et de prononcer en conséquence sur la demande de réparation de la partie civile.

S’agissant des circonstances de la cause, il convient de rappeler les éléments suivants :

En 2004, l’association Manche Nature constatait que le chemin rural des cent vergées, à Jullouville Saint-Michel-des-Loups, était remblayé avec des déchets.

Dans un procès-verbal de constat du 30 juin 2004, dressé à la demande de M. C, promoteur, M. D, huissier de justice indiquait « le chemin est barré par un tas très conséquent de gravats, parmi lesquels des sacs plastique, polystyrène, morceaux de ferraille, et autres déchets inconciliables aux abords de parcelles classées en zone protégée ». Il constatait qu’un camion avec, benne à ordure portant le nom de la Communauté de communes du pays de Granville, s’approchait jusqu’au tas encombrant le chemin et y déversait notamment une pierre tombale. Le chauffeur du véhicule lui indiquait alors qu’il avait pour instructions de vider le chargement à cet endroit et qu’il l’avait déjà fait à différentes reprises.

Dans un procès-verbal de constat du 6 septembre 2004, le même huissier constatait que des déchets de toute nature jonchaient l’assiette du chemin et ses abords, soit en surface, soit en partie enfouis, parmi lesquels : un morceau de pierre tombale, de nombreux morceaux de bitume, de la toile géotextile dit « bidim », du plastique notamment du tuyau d’arrosage, de la bâche noire, des bouteilles, un récipient de peinture et autre polluant, des morceaux de polystyrène et de laine de verre, de nombreux morceaux de ferraille présentant un danger certain pour les piétons et les cycles.

Se fondant sur ces procès-­verbaux de constat ainsi que des articles de journaux faisant notamment état du déversement de 2 400 tonnes de matériaux en provenance de la déchetterie de Granville, l’association Manche Nature estimait que, compte tenu de la durée des dépôts et du volume des déchets, les opérations constatées constituaient non un simple empierrement d’un chemin, mais une exploitation durable d’une ­installation d’élimination des déchets, en l’absence de toute autorisation préfectorale, en violation des prescriptions du plan d’occupation des sols et, au surplus, sous la forme d’un embarras de la voie publique.

Elle citait donc directement devant le tribunal correctionnel la Communauté de communes du pays de Granville et M. A, en qualité de président de la commission déchets de ladite communauté de communes, en tant que prévenu et civilement responsable.

Au cours des débats, les prévenus produisaient un procès-verbal de constat établi le 6 juillet 2004, par le même huissier que celui qui avait dressé les constats précités, constatant qu’un camion de l’entreprise X, déchargeait 1,2 m3 de gravats, principalement du déchet de parpaings et que les personnes présentes dans le camion lui avaient indiqué que c’était la seconde fois qu’elles venaient à cette fin sur les lieux.

Dans des conclusions développées à l’audience par son repré­sentant, l’association Manche ­Nature demande à la Cour :

– de réformer le jugement déféré constatant la nullité des poursuites engagées par l’association Manche Nature à l’encontre de M. A à titre personnel, la prescription de la contravention de dépôt ou abandon d’objet embarrassant la voie publique sans nécessité, et relaxant la Communauté de communes du pays de Granville des fins de la poursuite ; s’agissant de la nullité des poursuites concernant M. A, elle renvoie à ses conclusions devant la cour d’appel de Caen dans lesquelles elle estimait que le tribunal correctionnel avait fait une mauvaise interprétation des dispositions du code général des collectivités territoriales sur lesquelles il s’était fondé pour statuer comme il l’a fait ;

– de déclarer établis les éléments constitutifs des trois infractions poursuivies ;

– de recevoir la constitution de partie civile de l’association Manche Nature et de déclarer M. A et la Communauté de communes du pays de Granville responsables du préjudice moral causé à ­l’association ;

– d’ordonner la remise en état des lieux dans un délai de trois mois sous astreinte de 50 euros par jour de retard par évacuation des déchets dans des conditions conformes à la réglementation ;

– d’ordonner la publication de l’arrêt dans les Journaux Ouest France (page départementale), La Manche Libre et Maires de France ;

– de condamner solidairement les prévenus à lui verser la somme de 5 000 euros à titre de dommages-­intérêts avec intérêts au taux ­légal ;

– de condamner les prévenus à verser à l’association la somme de 3 000 euros au titre de l’article 475-1 du code de procédure ­pénale.

L’association Manche Natu­re fait valoir au soutien de ses ­prétentions :

– que la Cour de cassation ayant cassé l’arrêt « en toutes ses dispositions », la cour d’appel doit statuer sur toutes les infractions, y compris sur la contravention d’embarras sur la voie publique et que, les déchets étant toujours présents sur le chemin rural à la date de la délivrance de la citation directe, le délai de prescription n’avait pas commencé à courir ;

– que la Communauté de communes du pays de Granville a exploité une installation classée sans autorisation administrative ; qu’il n’importe à cet égard que les déchets, dont il est établi qu’ils sont composés de déchets ménagers et de résidus provenant d’autres installations classées, aient été inertes ou non, dès lors que la nomenclature des installations classées ne prévoit que deux catégories de décharge qui n’opèrent aucune distinction au regard d’un tel critère ;

– que l’, qui prévoit que l’exploitation d’une installation de déchets inertes est soumise à autorisation, sous réserve d’exceptions telles que l’utilisation de déchets inertes pour la réalisation de remblai, n’est pas applicable en l’espèce, dès lors, d’une part, que les déchets en cause ne sont pas inertes, que l’opération ne constitue pas un remblai compte tenu de son ampleur et de sa durée, et surtout, d’autre part, que ce texte, issu d’une , n’était pas en vigueur à la date des faits ;

– que le guide des bonnes pratiques diffusé par le ministère de l’écologie auquel s’est référé le tribunal est dépourvu de tout caractère normatif et ne saurait déroger à la loi ou au règlement ; qu’il serait de toute façon sans application en l’espèce, dès lors qu’il ne concerne que les installations autorisées pour l’accueil de déchets inertes ;

– que l’autorisation alléguée du 22 février 2005 est postérieure aux faits et ne saurait donc faire disparaître l’infraction ; qu’elle n’autorise au demeurant que la remise en état du chemin et qu’elle ne saurait, en tout état de cause, constituer une autorisation d’exploitation d’une installation classée qui relève de la compétence exclusive du préfet ;

– qu’il est indifférent, pour la caractérisation de l’infraction, que des déchets aient été apportés par une entreprise tierce, dès lors que c’est bien la Communauté de communes du pays de Granville qui exploitait le site et en avait la surveillance ;

– que ces observations valent tant pour l’infraction à l’exploitation d’installations classées que pour celle de violation des dispositions du plan d’occupation des sols.

Dans des conclusions développées à l’audience par leur avocat, la Communauté de communes du pays de Granville et M. A demandent à la Cour :

– de dire que l’association Manche Nature est irrecevable à remettre en cause les dispositions pénales du jugement déféré,

– de dire que la responsabilité de M. A ne peut être recherchée, aucune faute détachable du service ne lui étant, en outre, opposée, et, dans le cas contraire, de se déclarer incompétente en faveur de la juridiction administrative,

– de constater que les infractions sont inexistantes et qu’il n’existe donc aucune faute de nature à engager la responsabilité civile,

– à titre subsidiaire, de débouter l’association Manche Nature de ses demandes indemnitaires,

– de condamner l’association Manche Nature au paiement d’une somme de 2 000 euros à chacun des deux prévenus sur le fondement de l’.

Ils font valoir au soutien de ces demandes :

– que les dispositions pénales relatives à la nullité des poursuites engagées contre M. A à titre personnel et à la prescription de la contravention sont définitives ;

– qu’en tout état de cause, d’une part, les dispositions de l’ qui prévoient la responsabilité de certains élus ne lui sont pas applicables, dès lors qu’il ne revêt aucune des qualités mentionnées audit article, d’autre part, la contravention est prescrite puisque les poursuites ne visent qu’une période comprise entre le 30 juin et le 6 septembre 2004 et que le premier acte de poursuite date du 4 avril 2007 ;

– que M. A ne peut être considéré comme civilement responsable des activités de la Communauté de communes du pays de Granville, et qu’à supposer qu’il ait commis des fautes, celles-ci ne seraient pas détachables de la fonction et emporteraient compétence exclusive de la juridiction administrative ;

– qu’en tout état de cause, les faits matériels objet de la procédure s’analysent en une opération de remblai qui ne relève pas des dispositions relatives aux installations classées dans la mesure où elle entre dans les prévisions de l’, qui constitue la formalisation en droit interne de la directive CE-1999/31 du 26 avril 1999 ;

– que la présence de déchets non inertes n’est pas prouvée et qu’en tout état de cause, elle ne revêt pas une proportion significative de telle sorte qu’elle demeure dans les limites tolérées par le guide des bonnes pratiques diffusé par le ministère de l’écologie ; qu’au surplus, un constat d’huissier du 6 juillet 2004 atteste que les déchets dont la présence est alléguée pour soutenir qu’il était nécessaire d’obtenir une autorisation d’exploitation aune installation classée ont été apportés par une entreprise tierce ;

– que la tolérance des déchets non inertes, dès lors qu’ils sont en faible quantité, trouve son fondement textuel dans l’annexe 1 de l’arrêté du 15 mars 2006, texte interprétatif ; que la circulaire du ministère des transports et de l’écologie et du développement du 20 décembre 2006 va également dans ce sens ;

– que les critiques formées par l’association Manche Nature contre l’arrêté du 22 février 2005 sont inopérantes, dès lors que cet arrêté n’est pas celui qui a autorisé les travaux de remblai ; qu’en tout état de cause, les poursuites n’ont jamais été fondées sur l’exécution d’une opération de remblai sans autorisation municipale préalable ;

– que l’association Manche ­Nature ne caractérise en tout état de cause aucun préjudice, pas même le préjudice moral qu’elle se borne à invoquer.

Sur ce,

En ce qui concerne la prescription de la contravention

Le jugement déféré a statué par des dispositions pénales devenues définitives sur la prescription de la contravention d’embarras de la voie publique. En tout état de cause, cette contravention était prescrite dès lors que, quoi qu’il en soit d’une éventuelle persistance des faits à la date de la citation, celle-ci, délivrée le 4 avril 2007, ne visait que des faits commis entre le « 30 juin et le 6 septembre 2004 » et donc antérieurs de plus d’un an à ce premier acte de poursuite.

En ce qui concerne la nullité de la citation délivrée contre M. A à titre personnel

La cour d’appel, saisie de l’appel de la partie civile contre une décision de relaxe, a l’obligation de statuer sur les exceptions de nullité de la citation ayant mis en mouvement l’action publique, soutenues devant les premiers juges et reprises devant elle. Tel est le cas en l’espèce, au vu des conclusions des prévenus qui, en invoquant le caractère définitif des dispositions du jugement ayant prononcé, en leur faveur, la nullité partielle de la citation entendent nécessairement se prévaloir des exceptions soutenues en première instance, la partie civile y ayant elle-même répondu dans ses propres conclusions devant la cour d’appel de céans par référence expresse, sur ce point, à ses conclusions devant la cour d’appel de Caen.

Ceci étant précisé, il est constant que, selon un arrêté du 16 janvier 2002, puis un arrêté du 9 avril 2002, tous deux pris par le Président de la Communauté de Communes du Pays Granvillais, « M. A, conseiller communautaire, est délégué pour traiter les affaires concernant les ordures ménagères ».

Il en résulte que M. A n’a jamais bénéficié de la qualité de Président ou Vice-président d’un établissement public de coopération intercommunale et que les dispositions de l’alinéa 2 de l’, qui renvoie aux dispositions de l’article L.2123-34 du même code, ne lui sont pas applicables, conformément à ce qu’a jugé le tribunal correctionnel. M. A ne peut donc être attrait, à titre personnel, devant la juridiction pénale comme étant l’auteur des infractions poursuivies.

Il en résulte que la partie civile était irrecevable à engager les poursuites à son encontre à titre personnel.

En revanche, en vertu de la délégation dont il bénéficiait au vu des arrêtés précités, M. A représentait la Communauté de Communes et il y a donc lieu de rechercher si cet établissement public a pu commettre les faits qui lui sont reprochés dans la prévention, dans les conditions prévues par l’article 121 2 du code pénal, et se voir imputer une faute de nature à engager sa responsabilité civile.

En ce qui concerne les délits d’exploitation sans autorisation d’une exploitation classée et de violation du plan d’occupation des sols

Le décret du 20 mai 1953 modifié relatif aux installations classées, soumet à autorisation les activités de stockage et traitement d’ordures ménagères et autres résidus urbains. Il en est ainsi, en particulier, de l’activité de « décharge ou déposante » que le n° 322 de la nomenclature des installations classées considère comme une activité de traitement desdites ordures et résidus.

Ce même décret soumet à autorisation les installations d’élimination des déchets industriels provenant d’installations classées, à l’exception des installations traitant simultanément et principalement des ordures ménagères (n° 167 de la nomenclature).

Toutefois, l’, qui constitue la transposition en droit interne de la directive n° ­1999/31/­CE du 26 avril 1999 concernant la mise en décharge, des déchets, et qui prévoit, d’une part, que l’exploitation d’une installation de stockage de déchets inertes est soumise à autorisation administrative, d’autre part, que cet article ne s’applique pas à l’utilisation de tels déchets pour la réalisation notamment de remblai, est applicable en l’espèce, nonobstant le fait qu’il ait été inséré dans ledit code par la , soit postérieurement à la date des faits reprochés.

En effet, selon le troisième alinéa de l’, les dispositions nouvelles, s’appliquent aux infractions commises avant leur entrée en vigueur et n’ayant pas donné lieu à une condamnation passée en force de chose jugée lorsqu’elles sont moins sévères que les dispositions anciennes.

Or, l’, dont il résulte que l’utilisation de déchets inertes pour la réalisation de travaux de remblai n’est pas soumise à autorisation administrative, aboutit à définir plus étroitement les infractions prévues par les articles L.512-1 et suivants et du code de l’environnement. Il constitue donc une disposition pénale nouvelle moins sévère immédiatement applicable.

En l’espèce, il est constant que l’huissier a relevé la présence, parmi les déchets déposés sur le chemin en cause, de sacs plastique, de polystyrène, de toile géotextile, de tuyau d’arrosage, de bâche noire, des bouteilles, d’un récipient de peinture et autre polluant, de laine de verre, ainsi que de morceaux de ferraille, de bitume.

Si certains de ces matériaux constituent des déchets non inertes, la partie civile ne rapporte pas la preuve que leur proportion serait si importante qu’elle conférerait la qualification de déchets non inertes à l’ensemble des déchets déversés. Au contraire, leur présence ne peut qu’être considérée comme négligeable et n’est, en tout état de cause, pas de nature à ôter aux éléments déposés, pris dans leur ensemble, la qualification de déchets inertes au sens de l’ et des dispositions, inconditionnelles et précises, de l’article 2 €) de la directive précitée qui définissent les déchets inertes comme étant « les déchets qui ne subissent aucune modification physique, chimique ou biologique importante. Les déchets inertes ne se décomposent pas, ne brûlent pas et ne produisent aucune autre réaction physique ou chimique, ne sont pas biodégradables et ne détériorent pas d’autres matières avec lesquelles ils entrent en contact, d’une manière susceptible d’entraîner une pollution de l’environnement ou de nuire à la santé humaine. La production totale de lixiviats et la teneur des déchets en polluants ainsi que l’écotoxicité des lixiviats doivent être négligeables, et en particulier, ne doivent pas porter atteinte à la qualité des eaux de surface et/ou des eaux souterraines ».

Par ailleurs, la partie civile ne rapporte la preuve ni de ce que des déchets proviendraient d’installations elles-mêmes classées, les articles de presse produits par la partie civile étant insuffisants pour s’en assurer avec la certitude nécessaire à la caractérisation d’une infraction pénale, ni de ce que, comme elle le soutient dans ses écritures pour exclure que l’opération ait pu consister en un remblayage de chemin, les dépôts auraient atteint la quantité de 2 300 tonnes sur une période de 14 mois.

Ainsi, les dépôts de déchets constatés par les actes d’huissier précités et effectués sans autorisation préfectorale n’entrent pas dans les prévisions des articles L.512-1 et suivants, du code de l’environnement, n° 322 B2 (décharge d’ordures ménagères et assimilées) n° 167 (décharge de déchets en provenance d’installations classées) de la nomenclature des installations classées (décret du 20 mai 1953 modifié).

Au surplus, à supposer même que la nature et la quantité des déchets retrouvés sur place aurait pu permettre de considérer que leur dépôt sur le chemin en cause serait constitutif d’une exploitation d’une installation classée, la responsabilité des prévenus ne serait pas pour autant encourue.

La partie civile ne rapporte, en effet, pas la preuve que le dépôt de tels déchets puisse être, à quelque titre que ce soit, imputable aux prévenus, dès lors qu’il résulte du procès-verbal de constat d’huissier du 9 juillet 2004, qu’un camion ne relevant pas de l’autorité de la Communauté de communes du pays de Granville, en l’espèce un camion de l’entreprise X, avait déchargé sur les lieux 1,2 m3 de gravats, principalement du déchet de parpaings. Il existe donc un doute sur le fait que le dépôt de tous les déchets auraient pour cause le fait personnel des prévenus, et ce doute s’applique nécessairement au dépôt tant des déchets inertes que des déchets non inertes.

C’est, en revanche, à tort que les prévenus invoquent l’existence d’un arrêté municipal autorisant l’opération.

En effet, il n’a pas été produit aux débats d’autre arrêté municipal que celui du maire de la commune de Jullouville du 22 février 2005 interdisant la circulation de tout véhicule ou piéton sur le chemin pendant les deux mois nécessaires à la remise en état des lieux.

Or, comme le relève à juste titre la partie civile, cet arrêté, postérieur aux faits reprochés, ne saurait valoir autorisation administrative de remblaiement.

Les prévenus se bornent, sur ce point, à affirmer que les critiques formées contre cet arrêté du 22 février 2005 sont vaines puisqu’il ne constitue pas l’autorisation elle-même. Pour autant, ils ne produisent pas ladite autorisation, tout en persistant à s’en prévaloir, et ne fournissent au surplus aucune indication de nature à permettre de l’identifier. L’existence d’une telle autorisation n’est donc pas établie. Il est à cet égard précisé que le fait que le tribunal correctionnel s’y soit référé, sans plus de précision, ne saurait suffire à s’assurer d’une telle existence, d’autant qu’il ne résulte pas des éléments de la procédure qu’un arrêté autre que celui du 22 février 2005 ait été produit devant lui.

Or, l’article NC2 du POS, visé à la prévention, interdit les utilisations du sol qui ne sont pas autorisées à l’article NC1, lequel autorise les affouillements et exhaussements du sol visés à l’article R.442-2 du code de l’urbanisme, dans sa rédaction à l’époque des faits. Aux termes de cet article, les affouillements et exhaussements en cause, qui doivent bénéficier d’une autorisation du maire, sont, d’une part, les exhaussements d’une surface supérieure à 100 m2 et d’une hauteur supérieure à 2 mètres, d’autre part les affouillements d’une surface supérieure à 100 m2 et d’une profondeur à 2 mètres.

Par conséquent, dès lors que l’article NC1 ne permet que les opérations autorisées parle maire, tout exhaussement d’un chemin pour lequel une telle autorisation n’a pas été délivrée doit être considéré comme étant effectué en violation du POS et donc en violation des articles L.123-1 et suivants, L.160-1, L.480-4 à L.480-7 du code de l’urbanisme.

Ces faits, dont les propres écritures de M.A ne contestent pas qu’ils se soient déroulés « dans le cadre de son activité auprès de la Communauté de communes », l’ont donc été dans l’exercice de ses fonctions, de telle sorte que la communauté de communes du pays de Granville est bien l’auteur de l’infraction au code de l’urbanisme visée dans la prévention et commise pour son compte et par son représentant, dans les conditions prévues par l’article 121-2 du code pénal.

S’agissant des demandes en réparation formées par la partie civile, seule la demande formée sur le fondement de l’ est recevable devant la cour d’appel, la Communauté de communes du pays de Granville ayant été l’auteur d’une infraction.

La Cour condamnera donc la Communauté de communes du pays de Granville à payer à l’association Manche Nature la somme de 750 euros sur le fondement de l’ au titre des frais irrépétibles exposés pour l’ensemble de la procédure.

Toutes les autres demandes, relatives à la réparation de l’atteinte portée aux intérêts défendus par l’association Manche Nature, qui qualifie son préjudice de moral dans ses écritures, en ce qu’elles tendent à la condamnation, sur le plan civil, d’un établissement public de coopération intercommunal, ne relèvent pas de la compétence de la cour d’appel, mais de la compétence exclusive de la juridiction administrative. La Cour se déclarera donc incompétente pour statuer sur ces demandes.

Par ces motifs,

La Cour

statuant publiquement et contradictoirement, l’arrêt devant être signifié à toutes les parties,

Vu l’arrêt de la Cour de Cassation, chambre criminelle, en date du 07/04/2009.

En la forme

Déclare recevable l’appel de l’association Manche Nature interjeté à l’encontre des dispositions civiles du jugement du Tribunal de Grande Instance d’Avranches en date du 18/12/2007,

Au fond

Statuant dans les limites de l’appel portant uniquement sur l’action civile,

Infirmant partiellement le jugement déféré en date du 18/12/2007,

Déclare irrecevable la citation directe en tant qu’elle est dirigée contre M. A à titre personnel,

Dit que les éléments constitutifs du délit d’utilisation du sol en violation des prescriptions du plan d’occupation des sols (devenu plan local d’urbanisme) approuvé de Jullouville, Saint-Michel-des-Loups sont réunis et que la Communauté de communes du pays de Granville, pénalement responsable des infractions commises pour son compte par son représentant, fut auteur de cette infraction,

Confirme le jugement en ce qu’il a dit que l’infraction d’exploitation sans autorisation d’une installation classée d’élimination des déchets n’était pas constituée,

Se déclare incompétente pour statuer sur les demandes en réparation formées devant elle par l’association Manche Nature à l’encontre de la Communauté de communes du pays de Granville, qui est un établissement public de coopération intercommunal, et relevant de la compétence exclusive de la juridiction administrative,

Condamne la Communauté de communes du pays de Granville à payer à l’association Manche Nature la somme de 750 euros sur le fondement de l’ au titre des frais irrépétibles exposés pour l’ensemble de la procédure.

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président et le greffier Monsieur Le Bot Patrice.

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