"De solides bases en France pour mieux se tourner vers l'international", Nicolas Jachiet, P-DG d'Egis

?Après l'intégration de Iosis, Egis poursuit sa croissance malgré une conjoncture morose. En France, son P-DG, Nicolas Jachiet, compte notamment sur le projet du Grand Paris pour prendre le relais des grandes LGV. A l’international, Egis intensifie ses efforts au Moyen-Orient et au Brésil. S’il n’en fait pas un objectif à tout prix, Nicolas Jachiet a toujours en ligne de mire un chiffres d’affaires de 1,2 milliards d’euros en 2015.

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Nicolas Jachiet, P-DG d'Egis

Comment se porte Egis ?

Nicolas Jachiet : La croissance s’est poursuivie en 2012, mais à un rythme moins soutenu que les années passées. Le chiffre d’affaires a progressé de 4,5%, à 897 millions d’euros. C’est un résultat tout à fait satisfaisant dans le contexte de ralentissement du marché en France. A l’étranger, où nous réalisons la moitié de notre chiffre d’affaires, c’est différent. Nous avons des projets dans plus de 100 pays, et l’activité dépend plus des opportunités d’affaires que de la conjoncture, d’ailleurs plutôt favorable à nos métiers dans les pays émergents.

Comment jugez-vous le marché français des infrastructures ?

NJ : Le marché des infrastructures s’est plutôt bien tenu malgré la mauvaise situation des finances publiques. Les grands projets, les tramways et les bus à haut niveau de service (BHNS) ont soutenu notre activité. Plus surprenant, l’ingénierie routière a aussi été dynamique. Nous avons par exemple travaillé sur l’autoroute A63 dans les Landes ainsi que sur des marchés avec les départements. Pour autant, la part de l’activité routes reflue d’année en année. Au niveau mondial, cela reste notre premier secteur d’activité, avec 22% du chiffre d’affaires.

Le 3e appel à projet pour les transports en commun en site propre n’a-t-il pas été lancé trop tard au regard  des élections municipales de 2014 ?

NJ : Je ne me prononce pas sur le calendrier. Ce qui est sûr, c’est qu’il fallait le lancer car, sans le soutien de l’État, les collectivités hésitent à avancer. Et il y a des besoins dans les agglomérations, notamment pour répondre aux défis de la transition énergétique. Le lancement des projets de transport du Grand Paris ne doit pas occulter la province.

Le Grand Paris est justement un sujet sur lequel vous fondez beaucoup d’espoirs…

NJ : Nous avons beaucoup travaillé sur la phase des études préliminaires. Désormais nous nous concentrons sur les appels d’offres pour la maîtrise d’œuvre. Après, que le meilleur gagne ! Il faut rappeler, qu’en termes d’ingénierie, les trois lots infrastructure (deux pour la ligne 15 et un pour la ligne 16) et les deux lots systèmes, représentent près de 500 millions d’euros. Et cela n’inclut ni le prolongement souterrain du RER E de Saint Lazare à la Défense (Eole), , ni les tramways, sur lesquels nous travaillons actuellement. Nous avons aussi aidé la Société du Grand Paris au choix de l’architecte pour les gares. Et en tout cas, la reconfiguration du projet par le gouvernement n’a pas remis en cause les appels d’offres qui ont été lancés. C’est très important. Et le Grand Paris arrive à point nommé pour prendre le relais des grands projets de LGV avec une évolution des compétences des personnels concernés.

Comment se porte le bâtiment en France ?

NJ : Le marché n’est pas très dynamique. Il y a toujours des opérations qui sortent. C’est un peu plus lent pour des raisons de financement et de procédures. Les mesures gouvernementales visant à accélérer les procédures vont dans le bon sens.

La tension sur les honoraires est-elle toujours aussi importante?

NJ : Cela fait des années que nous le disons et c’est ce que nous constatons. D’ailleurs, il y a certaines opérations auxquelles nous ne nous intéressons plus. Notamment celles dont les prix ne nous permettent pas d’apporter la qualité requise. Nous ne voulons pas y associer le nom d’Egis.

Votre objectif d’atteindre 1,2 milliard d’euros de chiffre d’affaires en 2015 est-il toujours d’actualité ?

NJ : Nous sommes sur la bonne trajectoire même si ce n’est pas un objectif à tout prix. Nous sommes désormais dans la catégorie, à l’international, des « One billion dollars companies ». C’est important. Nous y sommes les seuls français dans nos métiers, classés dans les 10 premiers européens et les 20 premiers mondiaux.

Comment appréhendez-vous le développement des SPL ?

NJ : La disparition des DDE a pu créer des difficultés aux collectivités locales. La profession de l’ingénierie ne peut pas répondre à toutes les demandes correspondant à des petites prestations. Les agences départementales ou SPL qui se sont créées pour compenser cette disparition ne nous affectent pas directement pour l’instant. Mais cela peut entrer en concurrence avec des missions généralement confiées aux PME du secteur. Il faut être vigilant à ce qu’il n’y ait pas de concurrence déloyale. Il faut aussi faire attention à ce que des structures de tailles plus importantes ne fassent pas leur apparition sur le marché. D’autant que, même si nous ne sommes pas sur de toutes petites affaires, nous tenons à conserver notre proximité, notre ancrage local, ce qui fait que nous sommes quand même sur des affaires moyennes.

Comment voyez-vous la réforme avec le GIU ?

NJ : Jusqu’à présent nous avions peu de relations avec la SNCF comme client direct. Cela va changer. Nous sommes attentifs au rôle de l’ingénierie concurrentielle. Les compétences de maitrise d’ouvrage de RFF vont être rassemblées avec celles de la SNCF y compris l’ingénierie.  Cela crée forcément de l’inquiétude par rapport à l’ingénierie interne. Mais les messages de la SNCF et de RFF sont rassurants.  Pour le Grand Paris, la loi permettait des dérogations, la profession a insisté pour que l’ingénierie concurrentielle ait toute sa place et a été entendue.

Quelle est votre politique en termes de recrutement ?

NJ : Nous conservons le même ordre de grandeur que l’année passée. Environ 1000 personnes, dont 550 à l’international. Les effectifs n’augmentent pas globalement. Nous avons environ 12 000 collaborateurs. 7500 dans l’ingénierie et 4500 dans l’exploitation. Et la part de l’international croît.

Parvenez-vous à mettre vos équipes en synergie partout dans le monde ?

NJ : Ce n’était pas dans notre culture, ni dans nos réflexes traditionnels concernant nos filiales à l’international. Chacun était nourri par son propre marché. Les choses changent. Par exemple, notre filiale espagnole travaille sur les quelques projets qu’il reste dans le pays, mais aussi sur des projets hors d’Espagne. C’est d’ailleurs un avantage compétitif. Nous pouvons faire valoir nos capacités d’étude mobilisables rapidement partout dans le monde.

Comment votre activité est-elle répartie géographiquement ?

NJ : La France métropolitaine représente encore 49% de notre activité, les DOM-TOM 2% et l’international 49%. L’Afrique fait 15%, l’Amérique est passée de 2 à 4% grâce au Brésil, l’Asie 9%, l’Europe 18% et l’Océanie 1%, le Moyen-Orient 2%. Nous n’étions quasiment pas dans cette zone, mais nous venons d’y gagner de gros projets.

Quelle est la stratégie d’Egis au Moyen-Orient ?

NJ : Nous avons défini cette zone comme une cible. Nous n’étions que peu présents. Nous avons structuré nos équipes, nommé un directeur de zone, créé une filiale dont le siège a été inauguré à Doha en novembre 2012. Nous rayonnons depuis Doha, mais nous avons aussi plusieurs implantations en Arabie Saoudite. En 2012, nous avons remporté un certain nombre de gros contrats : le management d’une partie du projet de métro de Doha en consortium avec Louis Berger ; l’assistance pour l’appel d’offres de la construction du métro de Riyad. Le roi a décidé de faire réaliser 6 lignes de métro. Cela représente 80 km à faire en 4 ans, soit l’équivalent des deux tiers du métro parisien. Nous avons répondu à l’appel d’offres en partenariat avec un ingénieriste local. Dans la zone nous travaillons aussi dans les domaines de l’eau, des bâtiments, des gares… Au Qatar nous avons gagné un contrat pour une partie des autoroutes qu’ils lancent. La part du Moyen-Orient dans notre chiffre d’affaires va donc beaucoup augmenter dans les années à venir.

Dans une zone où la concurrence est féroce, comment faites-vous pour vous imposer ?

NJ : Principalement sur notre expérience et nos références techniques. Il faut pouvoir démontrer son savoir-faire et c’est pour cela qu’il est si important d’avoir une base solide dans son pays d’origine. C’est un levier pour gagner des affaires à l’international.

Vous avez aussi fait deux acquisitions au Brésil…

NJ : Nous n’y étions pratiquement pas jusqu’à il y a deux ans. Nous avons déterminé ce pays comme une cible étant donné ses besoins d’infrastructures. En 2011, nous avons réalisé l’acquisition de la société Vega, spécialisée dans le fret ferroviaire. Au Brésil, il n’existe quasiment pas de rail interurbain pour les passagers. Les Brésiliens prennent le bus ou l’avion. Nous avons donc fait d’une pierre deux coups en prenant pied au Brésil et dans l’ingénierie du fret ferroviaire. Cela nous permet d’avoir des références pour des projets miniers en Afrique par exemple. Ensuite, à partir de Vega, nous avons commencé à développer d’autres métiers à commencer par le rail : nous avons déjà obtenu quelques contrats pour des missions concernant le rail urbain, notamment à Rio, ville des futurs Jeux Olympiques.

Et pourquoi l’achat d’Aeroservice ?

NJ : Aeroservice est spécialisée dans l’ingénierie aéroportuaire et le Brésil a d’importants projets de développement de ses aéroports. Nous y sommes aussi présents dans l’exploitation aéroportuaire. Nous appartenons au consortium qui a gagné la concession de l’aéroport de Viracopos, situé à 90 km de San Paulo. C’est le troisième aéroport de la ville. Cela nous a donné une notoriété et une visibilité inattendue au Brésil. Aujourd’hui nous exploitons 13 aéroports dans le monde.

En quoi consiste exactement l’ingénierie aéroportuaire ?

NJ : Cette activité est conduite par Egis Avia et nos filiales bâtiments. Il y a donc bien sûr les bâtiments, mais aussi la partie infrastructure, la voirie, les parkings, et puis les différents équipements, le tri bagages, la signalisation, les tours de contrôle. Egis Avia, c’est de l’économie des transports aériens  jusqu’à la mise en œuvre concrète des systèmes. Nous avons aussi acquis Helios, société anglaise de consulting spécialisée dans le transport aérien, au moment où ce secteur prévoit une croissance importante. L’acquisition d’Helios par Egis intervient dans un contexte où l’industrie du transport aérien demeure l’une des plus prospères avec 40 millions de vols chaque année. Les perspectives de croissance dans les pays émergents souhaitant développer leur aviation civile sont également très fortes.

Quelles sont les autres zones dynamiques dans le monde ?

NJ : L’Afrique pour des infrastructures et les projets miniers. L’Inde est notre deuxième pays par les effectifs et notre activité continue à y croitre : nous y travaillons dans quasiment tous nos métiers. Nous travaillons au total dans plus de 100 pays.

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Date de réponse 10/10/2025