A Nordbat, la crise des matériaux se fait sentir

Malgré la joie de se retrouver en présentiel et sans masque et avec un marché reparti à la hausse, les entreprises présentes au salon Nordbat 2022 doivent faire face à de nouveaux défis. Aucune ne semble en effet épargnée par la crise des matériaux qui sévit en ce moment. Le 31 mars 2022, la FFB Hauts-de-France a d’ailleurs profité du salon pour tirer la sonnette d’alarme sur le sujet.

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Mardi 31 mars François Delahaye, président de la FFB des Hauts-de-France (à gauche), et Benoît Loison, le président de la FFB Nord/Pas-de-Calais ont appelé les maîtres d’ouvrage à faire preuve de solidarité avec la filière construction afin de partager les surcoûts des matériaux afin de pouvoir traverser cette nouvelle crise sans mettre la filière en péril.

« Tôle, 2 000 euros la tonne, profil, 1 800 euros, tube, 1 900 euros ». En pleine conférence de presse, et pour alerter les donneurs d’ordres sur la nécessité de partager les surcoûts liés à l’augmentation des prix des matériaux, Benoît Loison, le président de la FFB Nord/Pas-de-Calais sort son téléphone portable pour montrer le texto qu’il vient de recevoir.

Il illustre parfaitement les propos tenus presque simultanément par le président de la FFB des Hauts-de-France François Delhaye : « Il y a deux mois la ferraille était à 700 euros la tonne, en fin de semaine dernière elle était à 1 700 euros. Les prix n’arrêtent pas d’augmenter et les délais de livraison sont longs et pas toujours honorés. Pour sortir de cette crise, il va falloir innover ».

Compréhension et à la concertation

Pour l’heure, les entreprises du BTP sont plutôt engluées dans des situations kafkaïennes, avec des validités d’offres de prix valables de deux à 48h et aucune réelle garantie sur les dates de livraison. « La trésorerie de nos entreprises est en train de fondre. Certaines vont même devoir renoncer à l’exécution de leur marché plutôt que de travailler à perte », constate François Delhaye. Il regrette aussi les démarches de spéculation en cours et certains surstockage en train de se mettre en place.

Pour aider les entreprises à passer ce nouvel obstacle, le président de la FFB des Hauts-de-France enjoint les maîtres d’ouvrage à la compréhension et à la concertation sur les marchés déjà lancés afin de définir des pistes à explorer pour atteindre un coût admissible par tous, avec notamment la mise en place de clauses d’actualisation des coûts en fonction du prix des matières premières, notamment pour les marchés privés.

Et pour les nouveaux marchés, la question se pose aussi de façon aiguë. « Sur un appel d’offres pour un lot charpente métallique à 1 million d’euros, nous n’avons eu qu’une réponse et elle était à … 1 950 000 euros ! Nous allons devoir relancer ce marché », se désole Philippe Delequeuche, architecte associé de l’agence Carré d’architectes entre deux visites de stands présentant leurs innovations.

Conséquences variées dans l’industrie

Chez les industriels, on observe des situations similaires avec des problématiques différentes selon les secteurs. Chez le Belge Vandersanden, malgré des usines qui tournent à plein pour produire des briques, les délais ont tendance à s’allonger et les coûts de production augmentent avec le prix du gaz. Sur les équipements techniques comme les pompes à chaleur les délais ont aussi tendance à s’allonger, avec une crainte du retour des pénuries sur les semi-conducteurs.

Chez Mameco Door, qui utilise beaucoup d’aluminium pour réaliser ses portes, l’entreprise a encore des stocks mais constate de nombreux problèmes au niveau des transporteurs : « Qui font la pluie et le beau temps ».

Vincent Mianney, responsable commercial grands comptes de l’entreprise Aalberts Integrated Piping Systems, lauréat du coup de cœur du jury du prix innovation de Nordbat pour sa vanne Apollo Proflow 1600, est lui plus serein car l’entreprise utilise beaucoup de laiton : « dont 80 % sont produits en Europe ». L’entreprise a cependant aussi des difficultés à se fournir en inox.

Matériaux, produits

Si les plus touchés sont l’acier, le zinc ou l’aluminium pour les matériaux et parmi les produits les carrelages, tuiles et briques, dont la cuisson demande beaucoup d’énergie, d’autres éléments sont aussi en tension pour diverses raisons.

Ainsi, la pierre subit le contrecoup du nouvel attrait au niveau européen de ce matériau biosourcé pour la construction neuve. « Les gisements français où nous achetons nos pierres pour la réhabilitation de monuments historiques fournissent désormais en priorité ces marchés à l’export qui sont bien plus importants », constate Thomas George, le directeur de Chevalier Nord.

« Beaucoup de réhabilitations de bâtiments sont lancées au niveau européen, ce qui pose des problèmes d'approvisionnement en matières premières comme le polystyrène. Le fait de mettre en place des filières de recyclage peut aider à remédier à ce problème. L’année dernière sur 20 000 tonnes de produit nous avons réutilisé 4 000 tonnes de polystyrène recyclé », constate Amaury Omnès, directeur de Hirsch Isolation.

Le recyclage favorisé

Sans surprise, le secteur du recyclage des matières premières est justement celui qui semble profiter de cette situation. Dans le groupe Ramery, qui possède à la fois les casquettes de constructeur et de recycleur, le constat est clair. « En tant qu’entreprise de construction nous souffrons beaucoup de la volatilité des prix des matériaux pour répondre aux marchés. Nous réfléchissons déjà à décaler certains chantiers prévus initialement en avril à septembre », constatait Laurent Gibello, directeur général délégué du groupe Ramery le 24 mars, lors de la présentation des bons résultats 2021 de l’entreprise.

« En revanche, nous écoulons plus facilement le bois issu du recyclage, et nous pourrions en vendre beaucoup plus si nous en avions plus », met en avant Matthieu Ramery, le président du groupe éponyme.

Sur Nordbat, c’est d’ailleurs Bâtilin, un matériau isolant produit à base de sous-produit de la fabrication du lin, produit ultra locale, qui a remporté le prix de l’innovation des jeunes pousses décerné par la FFB.

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