Contournement de Beynac : le département doit encore payer

Bien qu’enterré depuis 2020, le projet du contournement de Beynac en Dordogne reste d’actualité. La cour administrative d’appel de Bordeaux a condamné, ce mardi 16 avril, le conseil départemental de la Dordogne à payer des astreintes qui s’élèvent à 1,4 M€ pour n’avoir toujours pas remis le site - qui accueillait le chantier entre 2018 et 2019 - en l’état.

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A Beynac, les premières piles du pont qui devait franchir la Dordogne attendent leur démolition
Le département de la Dordogne a été condamné ce 16 avril à payer 1,433 million d’euros de nouvelles astreintes dans le dossier du contournement de Beynac.

Les travaux de cet axe routier de 3,2 km pour contourner la ville touristique de Beynac étaient attendus depuis 30 ans, quand ils ont démarré en 2018. Depuis leur arrêt en 2019 - à la suite du recours d’associations (La Sepanso, l’Association pour la sauvegarde de la vallée de la Dordogne (ASVD) et La Demeure historique), ainsi que des riverains - c’est leur disparition qui est espérée. De ces travaux, demeurent aujourd’hui les piles d’un pont, une route (la RD53/VC2) et un pont-rail.

En plus des 21 millions d’euros déboursés pour ces réalisations, le département avait déjà été condamné en juillet 2023 à payer 489 000 euros d’astreinte aux associations et riverains, faute d’avoir commencé et terminer, dans les délais impartis – 6 mois pour le premier, 12 mois pour le second - la démolition du chantier de la déviation controversée de Beynac. Deuxième salve de pénalités le mardi 16 avril dernier avec 1,433 million d’euros à payer. Quelque 500 000 euros seront répartis aux requérants et le reste ira à l’Etat.

Une sortie de crise par le haut espérée

Le feuilleton judiciaire avait démarré en juin 2020 avec la décision du conseil d’état de stopper les travaux. En août 2020, la collectivité avait annoncé avoir mandaté un bureau d’études afin d’étudier les pistes techniques et environnementales de cette déconstruction et créé un comité environnemental de suivi. Le département envisageait alors un début des travaux dans les deux ans.Depuis, il ne s’est pas passé grand-chose au pied des Châteaux, dont les Milandes, ancienne demeure de Joséphine Baker. Le sujet a ressurgi l’année dernière avec la présentation d’un nouveau projet axé sur les modes doux, en cours d’instruction à la préfecture.

Le président du département Germinal Peiro avait alors déclaré : « Cette nouvelle vision marque pour le département une sortie vers le haut de la crise liée au projet avorté de contournement (…) La collectivité compte par ailleurs réemployer tous les éléments déconstruits ou stockés : piles de pont, fondations, pont-rail, tabliers. Ils seront stockés et réutilisés pour des projets ultérieurs ». Il avait également précisé que les travaux de remise en état, menés en régie pour minimiser les coûts, avaient démarré à l’été 2023. Il avait alors ajouté avec une certaine amertume : « Nous sommes condamnés à démolir avant la fin de l’année une route aux normes et dotées de deux bassins de rétention des eaux pluviales et des hydrocarbures, qui a coûté 400 000 euros à la collectivité, pour remettre en service une route plus étroite et moins bien équipée… »

La route rabotée

Dans son mémoire pour l’audience du 26 mars 2024 - comme pour toutes les audiences précédentes - l’avocat de la collectivité avait justifié le retard reproché par le délai pour respecter les procédures évalué entre 28 et 40 mois, hors aléas et risques environnementaux ; le fait que le pont-rail des Milandes ne soit toujours pas la propriété du département ; et, enfin, le coût de sa démolition estimé entre 9,4 et 14,6 millions d’euros TTC. Des procès-verbaux attestent tout de même que la collectivité a bien démarré les travaux de démolition.« Uniquement le rabotage de la route et, depuis, il n’y a plus aucun travaux », précise Jean-Philippe Maginot, avocat des requérants qui craignent une possible réversibilité de ces travaux.

Le tribunal confirme que ces travaux ont effectivement commencé, mais au 25 octobre et non à l’été… Il procède alors à la liquidation définitive de l’astreinte définitive : 3 000 euros par jour depuis le 21 juin 2023, soit 381 000 euros. « Le département avait fourni des éléments attestant d’un engagement des travaux le 10 juillet 2023. La Cour considère toutefois que la date à retenir est celle du 25 octobre 2023, date effective du rabotage de la nouvelle route d’accès aux Milandes. Cette différence de date n’est pas du tout neutre ; elle rajoute 107 jours d’astreinte à la charge de la collectivité et se traduit par une somme totale de 381 000 euros à payer (…) », réagit le conseil départemental de la Dordogne dans un communiqué.

A cela s’ajoute l’injonction de l’arrêt initial du 10 décembre 2019 de réaliser l’ensemble des travaux de démolition dans les 12 mois, avec une astreinte de 5 000 euros par jour. La cour d’appel dit tenir compte des démarches entreprises par le département et réduit cette astreinte à 4 000 euros, soit 1,052 millions d’euros. « Au titre de la seconde astreinte, le département avait apporté des éléments techniques, produits notamment par les services de l’Etat (Cerema) et le maître d’œuvre, démontrant que tout démolir et tout remettre en l’état dans les délais fixés n’était pas possible. La Cour en a convenu mais, étonnamment, elle n’a pas tiré toutes les conséquences de ses propres constatations, ne réduisant l’astreinte provisoire que de 5 000 euros à 4 000 euros », regrette la collectivité. « Une autorisation dans ce dossier [le projet de boucle multimodale, NDLR] permettrait, enfin, de sortir par le haut de l’impasse dans laquelle nous sommes, en répondant de manière globale aux enjeux de sécurité routière, de desserte des sites touristiques et de préservation de l’environnement de la vallée de la Dordogne, tout en évitant un gaspillage d’argent public », estime-t-on au département qui « se réserve la possibilité de faire appel de cette décision. »

Pour l’avocat Jean-Philippe Maginot, qui qualifie cette attitude « d’entêtement », « une telle résistance de la part d’une collectivité contre une décision de justice, est unique et pose la question de la crédibilité de la justice administrative. »

Chronologie

- janvier 2018 : démarrage des travaux du contournement de Beynac, à l’issue de la délivrance de l’autorisation unique du 29 janvier 2018
- 28 décembre 2018 : suspension de l’autorisation administrative par le conseil d’Etat et arrêt des travaux
- 9 avril 2019 : le tribunal administratif annule l’arrêté d’autorisation et ordonne la remise en état
- 10 décembre 2019 : arrêt de la cour d’appel administrative qui rejette le recours en appel du département de la Dordogne et enjoint au département de démarrer les travaux de remise en état sous 1 mois et de les achever sous 12 mois
- 29 juin 2020 : arrêt conseil d’Etat qui prononce la non admission du pourvoi du département de la Dordogne
- 7 juillet 2022 : arrêt de la cour administrative d’appel qui fixe les astreintes
- 4 juillet 2023 : condamnation à payer 489 000 euros d’astreintes
- été 2023 : début des travaux estimé par le CD24
- mai 2023 : présentation nouveau projet de boucle multimodale
- 25 octobre 2023 : début des travaux de remise en état estimé par la cour administrative d’appel
- janvier 2024 : adoption du nouveau projet par le conseil départemental de la Dordogne
- 16 avril 2024 : arrêt de la cour administrative d’appel qui condamne le département à payer 1,4 million d’euros d’astreinte

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