Le projet de loi de finances pour 2025 n'enchante guère Agnès Pannier-Runacher, mais à la guerre comme à la guerre : « C'est un budget de combat - sans action de notre part, notre déficit public pourrait atteindre 7% du PIB en 2025 - et j'assume en tant que ministre de la Transition écologique de prendre ma part dans l'effort budgétaire », a-t-elle assuré lors de la présentation de son budget, le 11 octobre.
Pourtant, les crédits dédiés à la mission écologie apparaissent en hausse, à 16,8 Mds € en autorisations d'engagement. « Mais de manière très directe, il en va plutôt du retour à la normale », a expliqué "APR". « Il assume des réductions de dépenses de certaines politiques publiques et écologiques et le retour à des trajectoires d'avant la crise énergétique et du plan de relance qui a suivi. Ce dernier était conjoncturel et nous sortons de cette permanence du plan de relance. »
Ainsi, le Fonds vert est ramené à 1 Md€, et MaPrimeRénov' à 2,3 Md€ d'autorisations d'engagement, « en ligne avec les prévisions de de consommation des crédits 2024 », a assuré la ministre. Et ce « dans un contexte où beaucoup d'acteurs nous disent qu'ils ont besoin de stabilité. » Les aides à l'électrification des véhicules seront également recentrées (1 Md€ contre 1,5 Md€ en 2024).
Au rayon bonnes nouvelles : 125 M€ seront dédiés aux études de dérisquage des champs d'éoliennes - avec l'objectif de lancer un grand appel d'offres de plusieurs GW en 2025 selon la ministre - et le chèque énergie est « sanctuarisé » à 900 M€. Le soutien à l'installation d'EnR est lui porté à 4,4 Mds €.
L'enveloppe dédiée à la Stratégie biodiversité 2030 est fixée à 441 M€ pour 2025, équivalente à l'enveloppe pré-crise selon le ministère et les agences de l'eau voient leur redevance affectée maintenue à 2,3 Mds €.
Quant aux opérateurs ils connaissent des fortunes diverses : l'Ademe voit ses effectifs augmenter mais son budget d'intervention baisser à 908 M€ ; quant au soutien au Cerema, à l'IGN et à Météo France il est stabilisé 0,5 Md€. Enfin 360 M€ sont alloués à la nouvelle autorité indépendante de sûreté nucléaire, l'ASNR.
En réponse aux premières protestations contre ce « retour à la normale », Agnès Pannier Runacher à encore une fois mis en avant la notion de responsabilité : « Je serais membre d'une ONG, je réclamerais plus de crédits partout. Mais je suis ministre dans une situation où, globalement, nous avons des contraintes budgétaire. Je fais mon travail en responsabilité. Et il nous faut trouver les leviers d'actions ailleurs. Je pense aux financements européens que la France a du mal à aller chercher. Mais aussi aux crédits carbone qui peuvent représenter des montants importants au moment ou les grands groupes doivent justifier d'investissements dans la décarbonation dans leurs bilans sociétaux et financiers. J'ai des propositions à leur faire.»
Prix de l'énergie
Côté recettes, « l'enjeu est de travailler sur les niches brunes (fin de la TVA à 5,5% sur les chaudières au gaz, baisse du bonus automobile, hausse de la fiscalité sur les billets d'avions et le gaz) pour éviter que les politiques publiques rendent les solutions carbonées moins chères que les solutions décarbonées », a insisté la ministre. La fiscalité écologique fait donc son retour et les prix de l'énergie vont augmenter. « C'est la fin du bouclier tarifaire », a assuré Agnès Pannier Runacher.
Le gouvernement compte relever une taxe sur l'électricité au-delà de son niveau d'avant la crise énergétique. Un peu plus tôt dans la journée, la ministre avait assuré sur Europe 1/Cnews qu'elle se montrerait « très vigilante dans la discussion avec les parlementaires » afin que les prix de l'électricité ne pèsent pas sur les industriels et « leur compétitivité relative par rapport à d'autres pays », le pouvoir d'achat ou l'écologie. « Il ne faut pas que l'électricité coûte plus cher que les énergies fossiles. Personne ne comprendrait », a ainsi fait valoir la ministre. Au cours de sa présentation elle a réaffirmé qu'elle préciserait par type de contrat les impacts de la hausse de cette taxe. « Il est important que chacun puisse comprendre l'impact de cette augmentation. Mais rappelez-vous que ce qui se prend à un endroit se retrouve ailleurs.»
Vigilance
Place maintenant à la discussion parlementaire, qu'Agnès Pannier-Runacher attend sereinement et peut-être avec une certaine impatience : « Ceci est la copie du gouvernement qui sera amendée. Il y aura de évolutions. Je me tiens au service des parlementaires pour discuter. Cela ne pourra se faire que dans le respect des impératifs budgétaires : 1€ ajouté ici c'est 1€ à enlever là. Nous saurons trouver un chemin en bâtissant des compromis. Et j'aurai trois points de vigilance. 1er point : maintenir nos ambitions dans la lutte contre le dérèglement climatique et la protection de la biodiversité. 2e point de vigilance : le pouvoir d'achat des citoyens. 3e point de vigilance : la réindustrialisation du pays. Je porte depuis mon entrée au gouvernement ce combat. La transition écologique peut être l'opportunité de ce siècle en termes d'emplois. Et il faut que chaque politique écologique soit couplée avec le développement d'une filière économique adaptée : nucléaire, économie circulaire, énergies renouvelables, rénovation énergétique. Ce n'est pas facile mais je sais que je pourrai compter sur les parlementaires », a-t-elle conclu.