Brexit : quelles conséquences pour la construction en France ?

La sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne pourrait doper l’immobilier de bureaux à Paris et l’investissement dans les infrastructures hexagonales.

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"The Gherkin" (le Cornichon) de Norman Foster, une des tours iconiques de la City de Londres

Si personne ne connait encore le résultat du référendum sur le maintien de la Grande-Bretagne au sein de l’Union européenne (réponse vendredi 24 juin à 8 heures), ce fameux Brexit aura en tout cas charrié un certain nombre de fantasmes outre-Manche, mais aussi en France.

L’un des plus répandus est qu’en cas de victoire du "leave", l’Hexagone bénéficierait d’un afflux d’investissements au détriment du Royaume-Uni. Olivier Millet, le président de l’Association française des investisseurs en capitaux (Afic) n’en croit rien. « Une sortie de la Grande-Bretagne ferait plus de mal que de bien à l’économie, c’est une chimère de croire que le centre financier européen se déplacera massivement de Londres sur le continent », estime celui qui est aussi président du directoire d'Eurazo dans "Les Echos" du 17-18 juin. L’avocat britannique Peter Rosher (cabinet Pinsent Masons), basé à Paris et spécialiste des grands projets d’infrastructures n'imagine pas non plus qu'un Brexit porterait un coup très rude à Londres et à la City, où se sont construits lors de ces dernières années d’immenses gratte-ciel. « La place financière de Londres ne se limite plus depuis longtemps à la City et au centre de la ville. Un quartier entier, grand, comme dix fois la Défense, a poussé le long de la Tamise sur les anciens docks, et toutes les plus importantes institutions financières du monde y sont présentes », rappelle-t-il.

Les multinationales, dont le siège est à Londres, ne vont-elles pas déménager vers une autre grande métropole du continent ? Paris – et en particulier La Défense, premier quartier d’affaires en Europe – n’est-elle pas la mieux placée dans ce match, ce qui aurait pour effet de doper l’immobilier de bureaux ? Là encore, Christopher Dembik, économiste chez Saxo Banque, ne se montre pas très optimiste, même s’il ne nie pas que le Brexit pourrait constituer une chance pour la France : « Indéniablement, les entreprises britanniques seront contraintes d’ouvrir d’importantes succursales sur le continent voire, si leur "business model" le permet, de relocaliser leur siège. Plusieurs banques ont déjà indiqué qu’elles le feraient. Et pour les entreprises non européennes, la question va également se poser. Hélas, elles risquent plutôt de choisir la capitale financière de l’Allemagne, Francfort, ou le Benelux, en particulier Luxembourg, pour des raisons fiscales. Et concernant les grands groupes de la nouvelle économie, tout porte à croire qu’elles iront en Irlande, qui est encore plus favorable sur le plan des impôts. » Pourtant Paris, située au centre de l’Europe occidentale, avec sa qualité de vie, sa main d’œuvre diplômée et ses infrastructures de transport qui restent efficaces, a une carte à jouer. « Mais il faudrait pour cela que le gouvernement prenne des mesures fiscales de nature à attirer les grands groupes étrangers », estime Christopher Dembik. Pas sûr qu’à moins d’un an de la présidentielle, une telle disposition libérale soit possible.

HSBC se projette à Paris

L’avocat Peter Rosher, croit lui, à un effet d’aubaine pour Paris : «  Il est vrai qu’actuellement, le concurrent de la place financière de Paris pour accueillir la City serait surtout Francfort. Mais Douglas Flint, le président de la Banque HSBC, annonce déjà qu'en cas de Brexit, 1 000 employés seraient déplacés à Paris. D'autres groupes tels Morgan Stanley, Goldman Sachs ou encore Bank of America, dont les activités de compensation sont basées à Londres, ont déclaré être prêts à déménager. Il a été suggéré que d'autres sociétés déplaceraient leur siège dans un pays membre de l'Union pour toujours bénéficier d'une passerelle vers le marché unique européen. Ce qui est vrai pour les banques l'est aussi pour les multinationales qui bénéficient toutes d'un passeport financier. Évidemment on pense aux capitales, dont l'une des plus importantes est encore Paris au sein de l'Union européenne. Si cela devait advenir, l'impact sur les investissements pour l'immobilier de bureaux, et même d'habitation, est évident. »

Pour conforter cette opinion, rappelons qu’une étude KMPG sur 25 fonds de placement immobilier, représentant un patrimoine de plus de 400 milliards de dollars, ont considéré qu'en cas de Brexit, la majorité des investissements irait vers l'Allemagne suivie de près… par la France.

Les investisseurs inquiets

De manière générale, la sortie du Royaume-Uni pourrait-elle contribuer à réorienter les investissements étrangers dans les infrastructures vers le reste de l’Europe et en particulier la France ? « Sur les investissements à court terme, rien ne va changer. Mais sur les investissements de long terme, dont font partie ceux vers les infrastructures, le Brexit peut avoir une influence », estime Christopher Dembik (Saxo Banque). Mais il est très dur de prévoir ce qui pourrait se passer. Tout va dépendre de la période de deux ans durant laquelle va s’opérer la phase transitoire avant la sortie définitive. Il n’y aura toutefois pas de révolution, car le Royaume-Uni reste une économie solide et un territoire très attractif. On peut même imaginer que certains, comme les Chinois qui craignent moins le risque, augmentent leurs investissements pour profiter de bonnes affaires. »

L’avocat Peter Rosher prévoit, pour sa part, à des changements plus radicaux. « En 2015, les investissements directs étrangers en Grande-Bretagne s'élevaient à 60 milliards d'euros contre seulement 40 en France. Si Brexit il y a, bon nombre de ces implantations devraient atterrir en France, car les produits fabriqués grâce à ces investissements pourraient ensuite être exportés vers les 27 pays restants de l'UE avec les mêmes démarches administratives, et donc un gain de temps, facteur décisif pour réduire le coût de production. Une étude récente effectuée par Standard & Poor’s démontre en tout cas que les investisseurs sont inquiets ». Comme diraient nos amis anglais, "wait and see".

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