Aux franges du centre-ville de Bordeaux, entre un tissu d’échoppes (maisons bordelaises traditionnelles) et un grand ensemble de barres et de tours, l’opération dénommée « Les Diversités » affiche sans complexe ses différences : ni maison ni immeuble. L’opération de 121 logements porte bien son nom : elle est hétéroclite dans sa forme, par l’implantation du bâti, l’utilisation des matériaux, et aussi dans sa genèse, puisqu’elle a été dessinée par huit équipes d’architectes. Son caractère particulier s’explique par son ambition. Le projet a été lancé par le centre d’architecture bordelais Arc en rêve, qui souhaitait démontrer que l’on pouvait développer une alternative à l’étalement urbain et aux zones pavillonnaires en gardant une architecture attractive. « Des recherches menées par le Puca, dans le sillage des études de l’architecte Pierre Lajus, montraient que la demande de maison individuelle était autant fabriquée par le constructeur que rêvée par l’habitant. Le président de l’UNCMI (Union nationale des constructeurs de maisons individuelles) admettait que 30 % de la clientèle échappait au marché faute d’offre. Notre but était donc de construire une nouvelle offre à travers deux opérations » explique Francine Fort, directrice d’Arc en rêve. Parallèlement aux Diversités, 85 autres logements sont réalisés dans la commune voisine de Sérillan, pour tester la validité des propositions en contexte périurbain aussi. Le promoteur Domofrance accepte de porter les deux opérations. Le terrain est fourni par la communauté urbaine de Bordeaux sur le site des Grenouillères, à proximité du centre-ville, le long de l’extension de la ligne de tramway.
C’est aussi Arc en rêve qui a suggéré de faire plancher huit agences d’architecture sur un seul projet, sans qu’aucun coordinateur officiel ne soit désigné. L’opération se tient dans les règles strictes du PLU local. Le plan de prévention des risques d’inondation entraîne la surélévation des logements sur des pilotis. Chaque agence est ensuite libre de développer son propre projet en s’en tenant à quelques règles simples : des entrées distinctes, une terrasse et une double orientation pour chaque logement.
Les réponses architecturales vont de la maison isolée à la maison en bande en passant par des unités proches du mini-immeuble. La diversité réside également dans la répartition des appartements en termes de mixité sociale comme l’explique Laurence Descuihes, chargée de la maîtrise d’ouvrage : « Sur les 121 logements, 73 sont en Plus et PLS, 48 en accession sociale à la propriété, avec une majorité de T5 et de T4, dont la surface moyenne est de 86 m2. Ces typologies sont mélangées dans tous les lots des architectes ». Une disposition qui évite d’assimiler une partie de l’opération à une catégorie sociale. Par ailleurs, 490 m2 ont été réservés pour accueillir des boutiques au rez-de-chaussée.
L’expérience des Diversités pourrait-elle être reconduite ailleurs ? Si le maître d’ouvrage fait part des difficultés liées à la multiplication des architectures dans une même opération – autant d’appels d’offres que d’architectes, inflation des procédures et allongement des durées de chantier – il trouve aux Diversités des typologies innovantes qu’il pourra réutiliser ailleurs, comme « ces maisons sur le toit, accessibles par un escalier qui mène directement au sol sans traverser plusieurs paliers d’appartements ». Les derniers logements ont été livrés ce printemps.