« La marche à pied est une préoccupation ancienne des maires de Bordeaux », assure celui qui est élu depuis 2020, l’écologiste Pierre Hurmic. Et de citer son prédécesseur, Michel de Montaigne, premier magistrat de 1581 à 1585 : « Mon esprit ne va, si les jambes ne l’agitent », écrivait le philosophe dans ses célèbres Essais.
Cinq siècles plus tard, Pierre Hurmic a doté la préfecture de Gironde du plus vaste secteur piéton de France, couvrant 245 hectares et 40 kilomètres de voirie. Réservée aux riverains avec un contrôle par borne d’accès, la « zone à trafic limité » (selon la nomenclature officielle) a dépassé celles de Montpellier, Nantes ou Strasbourg. Et l’extension menée depuis quatre ans (27 kilomètres de rues en 2020) n’est pas terminée puisque la ZTL sera portée à 259 hectares d’ici la fin du mandat. Soit presque un doublement du périmètre. Après les abords de la place Gambetta cet été, les alentours de l’église Saint-Michel seront le prochain quartier emblématique fermé aux voitures, dès février 2025.
La Ville assume « une volonté politique de rééquilibrage de l’espace au profit du piéton : la moitié de la chaussée est dévolue à la voiture alors que ce mode de transport ne représente plus que 27 % des déplacements en ville », dénonce Pierre Hurmic. Marche (39 %), transports en commun (16 %) et vélos (14 %) sont désormais largement majoritaires - et en continuelle progression - mais mal dotés.

« La moitié de la chaussée est dévolue à la voiture alors que ce mode de transport ne représente plus que 27 % des déplacements en ville », dénonce Pierre Hurmic, le maire écologiste de la Ville. © Ville de Bordeaux
Apaiser la ville
L’agrandissement de la zone piétonne se fait en modernisant l’existant avec des bornes à lecture de plaques automatique au lieu des accès par badge magnétique. Coût : de 5 000 à 10 000 euros de travaux par accès ou sortie. « C’est sûr que ça coûterait moins cher de ne rien faire ou de mettre des panneaux qui ne seraient pas respectés », ironise l’adjoint au maire Didier Jeanjean, chargé de la nature en ville et des quartiers apaisés. « On n’a pas non plus calculé le manque à gagner en stationnement. Mais c’est un signe de notre engagement dans ce domaine ».
« Les nouvelles bornes, comme les anciennes, laissent libre l’accès aux parkings de centre-ville », rappelle l’adjoint. En revanche, grande nouveauté de 2024 : les motos et scooters qui bénéficiaient d’un passe-droit dans la ZTL en sont désormais bannis comme les automobilistes. Cette décision intervient après la création de 560 nouvelles places de stationnement pour les deux-roues motorisés à sa périphérie. Des emplacements pris aux voitures, sur la chaussée, car il n’est évidemment pas question d’aller encombrer les trottoirs à l’extérieur du sanctuaire piéton.
Cette politique de « ville apaisée » s’accompagne d’aménagements favorables au marcheur, qu’il soit flâneur ou pressé, avec la multiplication de bancs (130 de plus) et de fontaines (170 mises en eau) dans l’espace public, la création de 15 000 stationnements pour les vélos (8 000 arceaux) pour éviter l’anarchie des bicyclettes accrochées n’importe où, et la plantation d’arbres de grande hauteur pour ménager des couloirs ombragés. Enfin, dans les rues commerçantes les plus fréquentées du centre-ville, Sainte-Catherine et Porte Dijeaux, une mesure « pied-à-terre » s’impose aux cyclistes.
A Bordeaux, le piéton est roi. Les habitants disposent même d’un nouveau « permis de piétonniser » leur rue pour organiser un temps de convivialité entre riverains.