Très concernée par la notion de patrimoine, en raison de son inscription au Patrimoine Mondial de l’Unesco en 2007, la Ville de Bordeaux qui mène de grandes opérations urbaines – les bassins à flot, Bastide-Niel, opération cœur de ville… – se pose en permanence des questions sur ce qu’il faut préserver, conserver, mettre en valeur, réutiliser, reconvertir, transformer ou détruire. La notion de patrimoine a vu son périmètre s’étendre au-delà du bâtiment conservé vers la préservation du paysage urbain. Cette évolution remet en cause le regard patrimonial qui désormais se porte sur la structure urbaine, sa morphologie, sa stratification historique, ses pratiques sociales. La tension entre préservation d’un héritage et sa possible condamnation par un essor trop rapide ou peu attentif méritait que l’on s’arrête sur l’attitude à adopter. D’où la nécessité d’engager une analyse critique de cet héritage afin de maintenir vivant le patrimoine sur lequel se joue le futur de la ville.
En écho à ces interrogations, Marc Barani, architecte, en totale complicité avec Christian Barani, vidéaste, et Birgit Fryland, scénographe, a proposé de traiter dans cette édition de la biennale dont il est commissaire, le thème du patrimoine à travers le prisme du cinéma. Dix films spécialement réalisés par Christian Barani, parfois complétés de quelques infographies minimales et précises, documentent chacun l’histoire d’une ville à travers son patrimoine. De Braga à Ouagadougou, Rotterdam, Dubaï, Beyrouth, Dresde, une cité du Kazakhstan, un quartier d’Aarhus… le spectateur est entraîné dans une déambulation poétique et une observation attentive de la formation, l’évolution ou la destruction de ce qui constitue le patrimoine de la cité. Se découvrent ainsi, selon la destination, des exemples de patrimoine fictif, invisible ou immatériel, sélectif, voire de table-rase, tout un panorama de mutations, ruptures ou préservations du patrimoine urbain. Quelques textes courts accompagnaient la présentation des films soulignant avec pédagogie les spécificités de la ville concernée.
Ces analyses fines d’attitudes diverses face au patrimoine ont enrichi les débats qui ponctuaient les quatre journées de la biennale. Des personnalités telles Eduardo Souto de Moura et Rem Koolhaas ont conversé avec Marc Barani, Alain Juppé, maire de Bordeaux, des architectes et des représentants de l’Unesco, tandis que des discussions se déroulaient autour de projections avec des réalisateurs internationaux tels Gaston Kaboré (Burkina Faso), Alexandre Soukourov (Russie) et Khalil Joreige (Liban).
Projets à foison
Au-dessus de l’exposition, le premier étage du Hangar 14 était consacré à la présentation des multiples projets architecturaux et urbains de la Ville et de la communauté urbaine. Maquettes magnifiques, conférences, vidéos animaient la totalité du plateau. Une belle place était faite au design, avec la présentation d’un workshop sur la chaussure et des propositions du concours étudiant sur le thème, récurrent, de la tasse à café. Étaient aussi exposés les projets issus de la première Université d’été du design, organisée par l’association Particules 14 en partenariat avec la direction de l’aménagement de la Ville de Bordeaux et l’école des beaux-arts. 25 étudiants d’écoles européennes – Esad, Camondo, La Cambre, Politecnico de Milan, Brighton, Ensadse… – ont relevé dans les quartiers Sainte-Eulalie et Sainte-Croix du centre-ville des détails urbains remarquables qu’ils ont valorisés in situ durant l’été. Les projets primés au palmarès des prix d’architecture de la Ville de Bordeaux étaient également présentés au Hangar 14 et ont fait l’objet de visites organisées durant la biennale, dont les dates concordaient pour cette édition avec les Journées nationales du patrimoine. Une heureuse coïncidence.
