Bien habiter la ville

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L’omniprésence des préoccupations concernant les métropoles vaut qu’elles soient longuement débattues. Au risque parfois d’un sentiment de répétition, deux constantes reviennent en permanence : primo l’avenir des sociétés humaines est inexorablement lié au déploiement de villes habitables, secundo l’organisation du territoire est à repenser sur la grande échelle en fonction du phénomène métropolitain. L’architecte Dominique Perrault, choisi cette année pour être le commissaire du pavillon français de la Biennale internationale d’architecture de Venise (1), s’est s’emparé de cette thématique dominante dans une exposition qui se présente comme une franche (et cinématographique) interrogation : « Métropolis ? ».

Un tel parti, en apparence davantage voué à l’urbanisme qu’à l’architecture, n’est pas éloigné du cadre général de la Biennale 2010 que la directrice de cette édition, Kazuyo Sejima, a défini par un titre ainsi formulé : « People meet in architecture ». Elle entend par là provoquer tout un chacun pour aller à la rencontre de l’architecture ; mais elle se propose, symétriquement, de stimuler l’architecture afin qu’elle s’offre mieux à la rencontre de tous.

La ville étant par nature le terrain de telles rencontres où la réciprocité est exigée, « Métropolis ? » s’inscrit d’autant mieux dans le cadre vénitien actuel que le point nodal de la présence française à la Biennale, telle que l’a conçue Dominique Perrault, est une célébration du vide. Le vide comme respiration de la ville. Le vide comme composante essentielle du tissu urbain puisqu’il en représente une proportion archi-dominante : de l’ordre de plus ou moins 90 % selon ce que les estimations incluent ou non dans la notion à géométrie variable.

De ce constat, Perrault tire une observation fondatrice : « Les métropoles sont des territoires vastes et complexes mais elles sont riches d’un matériau, le vide ». Cinq métropoles sont directement interrogées dans « Métropolis ? » : le couple Nantes-Saint-Nazaire, Bordeaux, Marseille, Lyon et le Grand Paris. Pour chacune d’elles, de grands projets urbains en cours et/ou inscrits dans une perspective à vingt ou trente ans témoignent ici d’une dynamique soutenue, tout en démontrant par la pratique que le vide est bien le « matériau de protection, restructuration et construction de la métropole ».

A Venise toujours, la France est aussi présente pendant le temps de la Biennale, dans un tout autre cadre (2), au travers de dix réalisations d’architectes français à l’étranger. Elles ont été choisies par le jury de la première édition du Grand Prix Afex 2010 de l’architecture contemporaine dans le monde et font l’objet d’une exposition qui cherche à mettre en avant des spécificités d’une attitude architecturale française hors frontières. Elle utilise pour ce faire le truchement d’images façonnées par des photographes chevronnés mais dont l’architecture n’est pas la spécialité. Ce qui donne à ce nouveau prix, projet ambitieux destiné à se renouveler tous les deux ans, la coloration de regards inaccoutumés et invite, par ailleurs, à réinterroger les rapports entre architecture et photographie.

Cette exposition, vénitienne pour un temps, mais destinée à voyager dans le monde entier, nous ramène à Dominique Perrault puisque son bâtiment de l’université féminine d’Ehwa en Corée du sud a été déclaré lauréat du Grand Prix Afex 2010 (3). Ce bâtiment et les neuf autres projets nommés témoignent de la recherche d’une forme d’absolu urbain. Une recherche qui est présente dans ces réalisations de toute taille et de tout programme, éparpillées à la surface du globe, aussi bien que dans la considération apportée au vide comme matériau central de la métropole.

Dans tous les cas, il s’agit de concourir à ce que la ville soit bien habitée. Pour qu’il en soit ainsi, de toute évidence – mais il n’est pas vain de le rappeler – l’une des conditions sine qua non est la qualité de l’habitat. Or, « Bien habiter la ville » est le titre d’un livre (4) qui sort ces jours-ci, se proposant de montrer « comment atteindre une banalité exemplaire synonyme de qualité de voisinage, qualité urbaine, évolutivité des logements, développement durable, rapport à la nature, en ville centre comme en périphérie urbaine. » Contribuent à ce livre des architectes de divers horizons dont Catherine Furet qui conclut son propos en exprimant une conviction forte : « […] on ne peut dissocier conception de l’habitat et forme urbaine. […] Chaque habitation doit avoir son identité pour que chaque habitant se sente chez lui en percevant que l’architecte a eu des égards pour lui. » Un rappel qui n’est pas inutile.

Des égards pour le vide, des égards pour le monde, des égards pour l’habiter. Il est bien nécessaire de multiplier les égards afin que « People meet in architecture ».

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Date de réponse 10/10/2025