Interview

«Beaucoup d’architectes nous alertent sur la pérennité de leur agence», Hugo Franck, Syndicat de l’architecture

La crise qui affecte la production de logement, au cœur des débats du congrès HLM qui se tenait à Nantes jusqu’à ce jeudi 5 octobre, «commence à se répercuter sur l’activité» de la maîtrise d'œuvre, constate le président de l'organisation syndicale. Hugo Franck souhaiterait que cette situation soit le déclencheur d’une refonte de toute la fabrique de l'habitat.

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Hugo Franck, président du Syndicat de l'architecture

Le congrès HLM qui s’achève ce 5 octobre s’est déroulé sous le signe de la crise du logement et le mois dernier, la Fédération des promoteurs immobiliers (FPI) estimait que d’ici à la fin 2025, 300 000 emplois pourraient être perdus dans toute la filière de production, les architectes y compris. En observez-vous déjà les effets ?

La temporalité étant différente pour les promoteurs et les architectes, il y a toujours un effet retard sur notre propre activité. Cependant la crise actuelle commence à se répercuter chez les architectes. Le logement représente une grande partie de la production de bâtiments et, par conséquent, du travail des agences. Avec, pour l’habitat, une chute d’environ 100 000 permis de construire et de 50 000 mises en chantiers en une année, mais aussi une stagnation pour le non résidentiel, les effets se font déjà ressentir.

D’autant que cette crise s’ajoute à des difficultés préexistantes…

En effet, les conséquences de la pandémie de Covid et le phénomène de renchérissement des matières premières continuent à peser à nos bilans. Les agences ont dû reprendre beaucoup d’études et le surcoût que cela a engendré n’a pas toujours été couvert par les compléments de rémunération.

Par conséquent, nous n’étions déjà plus dans une dynamique d’embauches. Si, à ce jour, les licenciements n’ont pas augmenté, il n’en sera sans doute pas de même dans un an. Beaucoup de nos confrères nous alertent d’ailleurs sur la pérennité de leur entreprise.

Le secteur peut-il espérer se sortir de cette situation par le haut ?

Aucune crise n’est saine mais celle-ci peut nous amener à repenser la fabrique de l’habitat et à arrêter, pour commencer, de considérer le logement uniquement comme un produit financier. Cette conception a mis à mal le bien-vivre, le confort des habitants.

D’ailleurs, nous pourrions cesser de parler de “production” de logements neufs pour envisager davantage un travail de “création”, notamment en prenant en compte la réhabilitation de l’existant. Tous les acteurs - Etat, bailleurs, promoteurs, architectes… - doivent réfléchir à comment mieux faire, dans un contexte qui est aussi celui d’une crise écologique.

Mais pour cela, il faut revenir sur la loi Elan [Loi pour l’évolution du logement, de l’aménagement et du numérique adoptée en 2018, NDLR.] qui a grandement privé les bailleurs et les architectes de leur capacité d’intervention sur la conception du logement. Le savoir-faire français en matière de logement social était reconnu dans le monde entier. Il faut renouer avec cela et, sans pour autant vouloir entrer dans un discours purement corporatiste, j’estime qu’il faut recommencer à s’appuyer sur les compétences des architectes. Nous sommes porteurs de solutions, en particulier en ce qui concerne la réhabilitation.

Voyez-vous se profiler un tel changement de vision ?

Malheureusement, la réflexion engagée sur la qualité du logement à la fin du premier mandat d’Emmanuel Macron, par la ministre du logement d’alors, Emmanuelle Wargon, n’a pas eu de suite. Les annonces qui sont faites aujourd’hui montrent qu’on reste sur des mesures qui portent sur l’investissement. Le gouvernement a parlé récemment d’exonération d’impôts sur les plus-values des terrains à bâtir, de prolongation du PTZ en zones tendues et de l’extension de celles-ci. On reste là dans le domaine du financier.

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