Emmanuel Macron a nommé François Bayrou, 73 ans (le même âge que son prédécesseur Michel Barnier), Premier ministre, le 13 décembre. Un défi immense pour le président du MoDem et premier allié du président, chargé de dénouer la crise politique post-dissolution de juin dernier, qui oblige les professionnels du BTP et les collectivités à naviguer à vue.
Le nouveau Premier ministre, qui « s'est imposé » comme « le plus consensuel », « aura pour mission de dialoguer » avec les partis, des communistes à la droite - sans le Rassemblement national et La France Insoumise, « afin de trouver les conditions de la stabilité et de l'action », a déclaré l'entourage du président de la République qui a chargé François Bayrou de former un « gouvernement d'intérêt général », « resserré ».
Avec quels alliés et quel gouvernement ?
Cette nomination intervient trois jours après une réunion inédite des dirigeants des partis, hors Rassemblement national et La France insoumise, sous l'égide du chef de l'État. Où se sont esquissés les contours d'un «accord de coopération démocratique », selon la formule de M. Bayrou lui-même mardi 10 décembre : le gouvernement s'engagerait à ne pas recourir au 49.3 pour imposer ses lois, les opposants à ne pas le censurer, Emmanuel Macron évoquant de son côté son intention de ne pas dissoudre à nouveau l'Assemblée.
Le centriste, qui plaide depuis des décennies pour des gouvernement œcuméniques, devrait tenter de conserver des ministres du parti Les Républicains côté droit, avec qui ses relations sont historiquement tendues. Nicolas Sarkozy a notamment tenté d'empêcher son arrivée à Matignon. M. Bayrou devrait également se tourner davantage vers la gauche, à défaut de convaincre les membres du Nouveau Front populaire (NFP) de participer au gouvernement. Côté RN, le président du MoDem pourrait bénéficier du fait d'avoir apporté son parrainage à Marine Le Pen pour concourir à l'Elysée en 2022, dans un geste destiné à défendre le "pluralisme".
C'est un défi immense qui attend, rue de Varenne, le maire de Pau (Pyrénées-Atlantiques). Avec pour priorité le budget pour 2025, laissé en suspens par la censure et, en attendant que cette nouvelle loi de finances soit adoptée, un projet consensuel de « loi spéciale » permettant d'éviter une paralysie de l'Etat sera examiné le 16 décembre par l'Assemblée.
« Tout le monde mesure la difficulté de la tâche », a déclaré le nouveau Premier ministre à la presse, en sortant de ses bureaux du Haut-commissariat au Plan. « Tout le monde se dit qu'il y a un chemin à trouver qui réunisse les gens au lieu de les diviser. Je pense que la réconciliation est nécessaire », a-t-il ajouté. Il faudra attendre la formation de son gouvernement et les premières orientations du futur PLF pour connaître ses positions concernant le secteur de la construction.
Quota de HLM
Car si cette arrivée à Matignon a des allures de consécration particulière pour le lointain ministre de l'Education (1993-1997) trois fois candidat à l'élection présidentielle de 2002 à 2012, sans parvenir au second tour (18,57% en 2007), cette ambition nationale déçue l'a tenu longtemps éloigné des préoccupations du BTP.
A l'occasion de sa campagne de 2007, il avait cependant montré une fibre sociale concernant la politique du logement. Ainsi, il insistait à l'époque pour que « tous les programmes immobiliers à partir d'une certaine taille comprennent au moins 25% de leur surface en logements sociaux ». Il proposait aussi que les HLM construits ou réhabilités dans les quartiers qu'on appelle aujourd'hui prioritaires comprennent une proportion de logements accessibles sans conditions de revenus, par exemple pour des agents de la fonction publique.
Lors de sa campagne de 2012, il avait proposé également la cession des terrains de l’Etat, « à prix d’amis », à des fins de construction sociale ou avec engagement de prix de sortie accessible, la création d '« agences régionales du logement » pour copiloter avec les élus locaux la politique du logement, une loi de programmation de cinq ans autour d’un nouveau plan de cohésion sociale, une trêve sur la production de normes ou encore une révision de la fiscalité immobilière pour lutter contre la rétention foncière.
Mi-EnR, mi-nucléaire
En tant que maire de Pau (élu pour la première fois en 2014), il s'est lancé dans un grand lifting de la capital du Béarn avec notamment 350 M€ d’investissements programmés sur la première mandature (2014-2020) pour des projets prioritaires comme un « bus à haut niveau de service » (BHNS), des travaux sur l’usine de traitement des eaux, les rénovations des halles et du stade du Hameau ou encore l’aménagement du parc naturel urbain.
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Et son poste de Haut Commissaire au Plan, qu'il occupait depuis septembre 2020 l'a amené à se positionner sur les questions énergétiques : une position équilibrée mi-EnR, mi-nucléaire. « Pour décarboner l’économie française, l’électricité doit prendre le relais des énergies fossiles. Mais est-il possible d’obtenir une production suffisante d’énergie électrique tout en supprimant le nucléaire? La réponse est non », déclarait-il en 2021.
Il est en tout cas un partisan de la transition énergétique convaincu de l'existence « d'un chemin possible, dans les 15 prochaines années, pour aborder de front les questions de souveraineté par des énergies renouvelables et pilotables, sans gaz à effet de serre, grâce à la conjugaison des efforts de l’Etat et du terrain ». Plus récemment c'est le développement de la géothermie qu'il avait soutenu, expliquant lors du SMCL 2022, « la géothermie est un immense enjeu, celui dont on parle le moins et qui engage le plus notre avenir. Il s’agit d’une technologie simple et peu exigeante comparée au nucléaire. La géothermie de surface est quasi gratuite pour tous puisqu’elle est accessible à 97 % du territoire et peut être mobilisée facilement pour des pavillons et des immeubles ».
Notons enfin qu'il s'était farouchement opposé à la privatisation des autoroutes en 2005.