C’est l’un des héritages majeurs des JO de 1992. A la faveur des opérations d’aménagement qui ont accompagné ces olympiades, Barcelone s’est redécouvert un littoral. Alors que la Ville avait jusqu’alors tendance à lui tourner le dos, en raison d’une barrière d’infrastructures logistiques et ferroviaires, la transformation du vieux port et la construction du port olympique, notamment, ont redonné aux habitants un accès au front de mer.
Cet engouement retrouvé pour la Méditerranée a évidemment accompagné l’explosion du nombre de touristes visitant la capitale catalane. Conçu par les architectes espagnols Oriol Bohigas, Josep Martorell, David Mackay et Albert Puigdomènech, le port olympique a, après l’événement sportif, offert un havre aux plaisanciers comme aux visiteurs en quête d’un panorama sur la grande bleue.
Au fil des ans, il est également devenu une place forte du tourisme de masse, avec ses restaurants, bars et terrasses bondés de fêtards venus de tous pays. « Les bars de nuit commençaient à ternir la réputation du Port olympique », reconnaît Olga Cerezo Martin, la directrice des lieux.
Economie bleue et gastronomie
Un vaste projet de reconfiguration de 100 M€ a donc été lancé par Barcelona de Serveis Municipals (B:SM), pour le compte de la Ville. Cette transfiguration vise à organiser l’activité du port autour de trois axes structurants : le nautisme, toujours, mais aussi l’économie bleue et la gastronomie. Concrètement, cela se traduit par la rénovation du centre municipal de voile et la création d’une cinquantaine de locaux destinés aux entreprises développant des services autour de l’innovation, de la technologie ou de l’économie circulaire appliquée à la mer.

Le nouveau port se prépare à accueillir, dans une cinquantaine de locaux (à droite), des entreprises de l’économie bleue. A droite, la tour Mapfre et celle de l’hôtel Arts, au fond, la statue poisson de Frank Gehry, toute héritées des JO de 1992.
Quant aux onze restaurants qui prendront place dans ce lieu stratégique, ils offriront, nous promet-on, « un modèle de restauration varié, de qualité, revêtant un caractère barcelonais et avec des offres pour tout type de publics. » Bref, finis les établissements bas de gamme proposant des menus que l’on retrouve à Paris, Rome ou Athènes, place à la cuisine locale et aux mets de qualité.
Si les touristes gourmets seront certainement les bienvenus, le port entend avant tout séduire les Barcelonais qui, devant la cohue, l’avaient déserté. Les 20 000 m2 d’espaces publics ont ainsi été profondément remodelés afin de fluidifier les parcours piétons (la voiture y a été bannie) et d’en favoriser l’accessibilité. « Le port se trouve en contrebas de la ville, rappelle Olga Cerezo Martin. Un nouvel accès a donc été réalisé afin de permettre aux Barcelonais de profiter librement de cette promenade longue de 500 mètres. »

Reconfiguré, le port propose aux Barcelonais une longue promenade sur le front de mer tout en conservant sa vocation de port de plaisance.
Coup de pouce de l’America
Cette opération conséquente aurait pu s’embourber dans les affres des décisions politico-administratives. Elle a bénéficié d’un coup de pouce du destin qui, plus de 30 ans après les JO, a pris la forme d’un nouvel événement sportif planétaire. A compter du 22 août et jusqu’au 12 octobre, la vie barcelonaise sera en effet rythmée par la Coupe de l’America, une compétition nautique à l’audience mondiale. Cette 37e édition, qui verra concourir six équipages et leurs bolides des mers, sera notamment marquée par le grand retour de la Team France. Pour les autorités locales et les acteurs de la construction, elle aura surtout servi de date butoir aux travaux de réaménagement du Port olympique.
Cette compétition doit également participer à la transformation de l’image de la ville aux yeux du monde. « La demande touristique apparait intarissable, reconnait Jordi Valls Riera, adjoint au maire en charge de l’économie et du tourisme. Cependant, nous espérons réussir à changer le profil des touristes. La Coupe de l’America doit ainsi permettre de faire venir à Barcelone des visiteurs qui, jusqu’alors, ne venaient pas ».
Des bars de nuits enfiévrés à la Louis Vuitton America’s Cup, le front de mer barcelonais entame une mue profonde. Une transformation qui, au-delà du projet d’aménagement, témoignage du pari des élus locaux dans un tourisme mieux accepté par les Barcelonais.