Les professionnels des travaux publics sont globalement sereins. La reprise tant attendue s'est confirmée, et même accélérée, en 2018. Avec une croissance annuelle estimée à 10,5 % en valeur, 7 % en volume, le chiffre d'affaires (CA) du secteur se hisse au-dessus de 41 Mds €, niveau qu'il n'avait plus atteint depuis 2013. « C'est bien mieux que ce que nous avions imaginé », confie Bruno Cavagné, président de la Fédération nationale des travaux publics (FNTP). Pour 2019, les bases sont posées, la croissance, quoique ralentie, devrait atteindre 3 % en volume.

Sur le terrain, les entreprises et leurs représentants sont rassurés sans être euphoriques. C'est le cas de Patrice Haltebourg, président de la Fédération régionale du Grand Est, dont la région bénéficie pleinement de la conjoncture : « L'amélioration de l'activité en 2018 est de l'ordre de 7 à 8 %, comme au niveau national. C'est positif puisqu'habituellement nous sommes plutôt en retard de 4 ou 5 points. » Malgré tout, sur l'ensemble de la France, le niveau de l'activité est encore inférieur de 15 % par rapport à 2007, avant la crise.
Pour alimenter la croissance, le dynamisme de la commande publique - environ 65 % de l'activité - joue un rôle essentiel. A commencer par le bloc communal. Un an avant les municipales, la FNTP table sur une hausse de l'activité de 3,1 % en volume dans les communes et les intercommunalités. « Les élus veulent couper les rubans avant les élections », rappelle Vincent Martin, P-DG du groupe Roger Martin (1 600 salariés, 300 M€ de CA, 15 % de croissance en 2018). « Nous connaîtrons peut-être même une accélération fin 2019 pour terminer les programmes », pressent-il.
Le secteur, qui compte environ 300 000 salariés, va devoir recruter 200 000 personnes en cinq ans
Les grands opérateurs ont, de leur côté, des programmes en cours qui abreuveront le secteur des travaux publics tout au long de l'année. Parmi eux : SNCF Réseau. « 2019 sera une année record pour la France : 3,8 Mds € seront injectés sur l'ensemble du réseau », expliquait Patrick Jeantet, patron de l'opérateur, dans nos colonnes (lire « Le Moniteur » du 30 novembre 2018, p. 16) .
Autres clients solides : les sociétés d'autoroutes. Un nouveau plan d'investissement a été validé au deuxième semestre 2018, représentant 700 M€ de travaux. Les chantiers commenceront cette année. Côté énergie, Enedis prévoit toujours d'investir 3 Mds € par an dans son réseau. Le plan France très haut débit atteindra son plus haut niveau en 2019, avec 4,4 millions de prises FTTH à installer. Enfin, la Société du Grand Paris dépensera environ 3,5 Mds € sur l'année pour les travaux du Grand Paris Express.
Meilleure visibilité
Les carnets de commandes bien remplis rassurent. « A fin 2018, nous avions une visibilité de six mois, en hausse de 10 % par rapport à fin 2017 », explique ainsi Vincent Martin. Idem pour Raphaël Paul, directeur général de Jerome BTP, entreprise de 165 salariés basée en Indre-et-Loire, qui ajoute : « Le ticket moyen augmente.
L'atomisation des commandes tend à s'estomper. » Tous les métiers devraient y trouver leur compte. Même les réseaux humides, qui ont pourtant plus souffert que les autres. Alain Grizaud, président des Canalisateurs, se promet de consolider l'activité en 2019, pour la maintenir à un chiffre d'affaires de 6 Mds € : « J'ai bon espoir. Si les directives liées aux Assises de l'eau sont suivies, nous devrions passer rapidement de 0,46 % à 1 % de renouvellement des réseaux par an. »
Emplois et inflation préoccupent
Les signaux sont positifs, mais ils s'accompagnent toujours de plusieurs incertitudes qui pourraient peser lourdement sur l'activité. Première préoccupation, comme en 2018 : les ressources humaines. Le secteur, qui compte environ 300 000 salariés, aura besoin de recruter 200 000 personnes en cinq ans, dont 50 000 embauches nettes.
Deuxième inquiétude : la hausse des coûts de production. La tendance inflationniste devrait en effet se poursuivre en 2019 (+ 2,5 % minimum selon la FNTP). Outre le coût de l'énergie, Raphaël Paul observe que « les professionnels du béton ou les carrières nous annoncent des augmentations d'environ 3,5 % de leur prix ». Et si la crise des Gilets jaunes n'a pas eu d'impacts directs sur l'activité du secteur, tous s'accordent à dire qu'elle ne sera pas sans conséquence (lire ci-dessous) pour autant.