A Vénissieux, dans le Grand Lyon, la rénovation urbaine du plateau de Minguettes est une opération de longue haleine. L’esplanade Jean-Cagne, située au cœur du quartier, avait donc été réaménagée dès les années 2010. Mais, un défaut de la réalisation a mené la métropole à relancer un projet… et à reconsidérer sa vision des usages de l’espace public à l’aune du genre.
Cheffe de projet à la Maîtrise d’ouvrage urbaine du Grand Lyon, Cassandre Limier rappelle ainsi qu’après la livraison de la place, «à l’hiver 2013-2014, nous un avons constaté que les dalle en béton du sol ne permettaient pas un bon écoulement des eaux et que des plaques de glace se formaient. Une procédure a été lancée qui nous a permis d’être indemnisés en 2021. Nous avons donc fait savoir aux élus que nous disposions d’une somme pour engager un nouveau projet». Plutôt que de repartir sur un aménagement équivalent, la métropole a alors souhaité que le futur aménagement soit beaucoup moins minéral, mais aussi plus inclusif.
«Les besoins de tous»
La maire de Vénissieux, qui est aussi la vice-présidente du Grand Lyon en charge de l’égalité hommes-femmes, Michèle Picard confirme : «ce sujet d’égalité doit être pris en compte dans toute l’action métropolitaine, y compris l’urbanisme. C’est la raison pour laquelle nous avons voulu que soient menées deux expérimentations, à Villeurbanne et, donc, à Vénissieux. Et nous avons demandé aux femmes ce qu’elles attendaient en matière de cheminement, d’éclairage, etc. D’autant que, le plus souvent, elles ne parlent pas que de leurs besoins, mais des besoins de tous.»
«L’intitulé de l’appel d’offres était donc "opération pilote de prise en compte du genre et de requalification de l’esplanade Jean-Cagne"», se souvient d’ailleurs le paysagiste-concepteur Hugo Bruley qui l’a remporté en 2022. Son agence HBLA qui a travaillé en association avec, notamment, l'organisme Womenability, spécialiste de ce sujet de l’inclusivité dans les projets urbains, doit encore mener les dernières étapes du chantier. Le nouvel espace public sera ainsi achevé, au plus tard, en décembre prochain.
«Contrôle social»
Hugo Bruley poursuit : «lors des premiers diagnostics, nous nous sommes aperçus que ce lieu pourtant central n’était que traversé. Il y avait une réelle contradiction entre sa proximité avec les équipements et les commerces et le fait que les jeunes femmes en particulier ne s’y attardaient pas, parce qu’elles y étaient soumises au contrôle social opéré par les habitants, notamment depuis les fenêtres des logements.»

Réalisés à partir des dalles de béton du site, 61 mètres-linéaires de nouveaux bancs ont été positionnés de façon à offrir un sentiment de sécurité à leurs utilisateurs et utilisatrices.
Une fois la parole recueillie par Womenability, «des workshops ont été organisés pour transformer les exigences exprimées en un dispositif spatial qui ne soit pas générique, mais adapté au site», explique le paysagiste-concepteur qui se dit convaincu que «la prise en compte du genre a été une vraie aide dans la conception de cet espace public».
Alors que les anciennes dalles de béton du sol ont été cassées, mais récupérées et transformées pour créer des bancs, ces nouvelles assises ont été pensées pour être de hauteurs différentes. Ainsi, elles sont adaptées à tous les âges. Leur position dans l’espace a été définie de façon à ce que leurs utilisateurs et leurs utilisatrices soient adossés ou en tout cas, protégés de toute intervention importune. Par ailleurs, dans le cadre d’un autre marché, Sara de Gouy, architecte designeuse, a conçu des compléments de mobiliers, colorés, qui devraient être installés d’ici à la fin de l’année.
«Filtre arboré»
Assez frugal, notamment en raison de son budget de travaux de 790 000 € HT pour une surface aménagée de 5 500 m², le projet de l’agence HBLA repose enfin sur la création d’une canopée qui, en plus d’avoir le mérite d’apporter de l'ombre, «joue le rôle de filtre arboré… Elle permettra de casser les vues directes depuis les logements», assure Hugo Bruley.
Pour affirmer l’évolution du site, l’esplanade a été rebaptisée. Désormais, elle se nomme Frida-Kahlo pour rendre hommage à la «figure inspirante», dit la maire Michèle Picard, de l’artiste-peintre mexicaine. Point d’orgue de cette opération, une œuvre d’art créée spécialement sera installée en 2026.

Maquette des compléments de mobilier conçus par Sara de Gouy, qui seront installés à terme sur les nouvelles assises en béton de réemploi de HBLA.