Traverser le Rhin ne rend pas plus étanche. En tout cas, pas en ce qui concerne les bâtiments. En Allemagne aussi, l’étanchéité insuffisante ou déficiente de l’enveloppe constitue l’une des limites majeures à la performance énergétique des constructions. Et elle forme l’un des principaux points de surveillance de la sinistralité, au même titre que les ponts thermiques ou l’isolation.
Le constat a été dressé ce jeudi 19 avril à Strasbourg (Bas-Rhin), à l’occasion du premier colloque franco-allemand sur l’assurance construction appliquée aux bâtiments estampillés «performants». Organisée par l’Agence Qualité Construction (AQC) et l’association transfrontalière Trion-Climate, la rencontre d’experts a mis en évidence bien davantage de convergences entre les deux pays que de divergences liées aux régimes juridiques respectifs de l’assurance construction.
Hausse du coût
Sur les deux rives du Rhin, en particulier, le coût de la sinistralité a augmenté. Les différents chiffres présentés jeudi ne couvraient pas un périmètre assez convergent pour être valablement mis en rapport les uns avec les autres, mais entre le +20 % de coût moyen par dossier tiré d’une étude sur un échantillon en Allemagne entre 2009 et 2013, la multiplication par cinq du montant total mesurée dans une autre analyse de 2002 à 2013 outre-Rhin et la hausse de 50 % en France de 2008 à 2016 (1,66 milliard d’euros en 2016 pour l’addition de la dommages-ouvrages et de la responsabilité civile décennale) communiquée par la Fédération française de l’assurance — qui l’explique par le coût unitaire et non par une explosion du nombre de cas — la tendance est analogue.
Les exigences plus élevées de performance y sont pour beaucoup. «Les entreprises ne travaillent pas moins bien. Mais avec la demande d’enveloppes de mieux en mieux étanches et isolées, les erreurs du passé ne pardonnent plus, leurs conséquences se font plus nettement ressentir. Il y a un besoin de vigilance accrue», a souligné Martin Guer, chef du projet Rex (retour d’expérience) bâtiments performants de l’AQC.
«Concilier l’indiscutable besoin de performance énergétique avec la maîtrise de la sinistralité est un défi. On voit bien que sur ce sujet, nous traversons encore une phase de transition qui doit impliquer toute la chaîne de l’acte de construire, sans se focaliser sur la seule question énergétique», commente Emmanuel Acchiardi, sous-directeur qualité/développement durable dans la construction au ministère de la Transition écologique et solidaire.
La rénovation, le maillon faible
Les intervenants allemands ont abondé dans le même sens. Ils ont insisté aussi sur les lacunes persistantes dans la rénovation. «Les principes d’efficacité énergétique fonctionnent bien pour le neuf, mais pas dans l’existant. Or celui-ci représente près de 20 millions de bâtiments en Allemagne, dont 80 % seront encore debout en 2050», a souligné Diana Wiedemann, représentante de la Chambre des architectes du Land de Bade-Wurtemberg.
Quant aux sources de sinistralité outre-Rhin, une étude détaillée sur un échantillon de cas constate qu’elle provient pour les deux tiers d’un défaut de mise en œuvre, particulièrement pour l’isolation thermique. «Ce ne sont pas les systèmes d’isolation eux-mêmes qui posent problème, mais bien plus leur application», a relaté Heike Böhmer, directrice de l’Institut für Bauforschung (Institut de recherche sur la construction). Un Français n’aurait sans doute pas dit autrement.