« Nous venons de vivre une année 2011 atypique», résume Patrick Liébus, président de de la Capeb (Confédération de l’Artisanat et des Petites Entreprises du Bâtiment), lors d’une présentation à la presse, le 11 janvier, du bilan 2011 du secteur et de ses perspectives pour 2012.
Un cru plutôt bon, (+2,5%) au vu des deux dernières années de baisse consécutive, mais néanmoins en dents de scie.
Le 1er trimestre 2011 a affiché une croissance de +1,5% grâce au dynamisme de la construction neuve ; le 2ème trimestre a confirmé un début de reprise renforcé par l’entretien-rénovation, le 3ème trimestre a enregistré une baisse de -1,5%, l’activité ayant été impactée par l’annonce du plan de rigueur.
Quant au 4ème trimestre, les résultats ont fait l’objet d’un très fort rebond d’activité avec un accroissement du volume de +3,5%. Cette embellie, à la fois soudaine et inattendue, s’explique par les conditions climatiques particulièrement clémentes par rapport à l’année précédente, un rattrapage des prises de commandes non passées le trimestre précédent en raison du climat économique tendu et par l’effet d’annonce du relèvement de la TVA qui a fait précipiter les décisions de travaux des clients. « Malgré ce retour à la croissance, les effets de la crise de 2008 ne peuvent être gommés. Les questions de trésorerie et d’augmentation des coûts, comparativement à celles de prix sont toujours source d’inquiétude », souligne Patrick Liébus.
« Pour 2012, il y aura deux périodes », poursuit le président de la Capeb.
Le premier semestre, sur la lancée du 4ème trimestre 2011, serait bien orienté grâce à un niveau important de permis de construire et de mises en chantier établis en 2011 (près de 406 000 logements commencés à fin novembre). Une récente enquête sur l’évolution du niveau des carnets de commandes réalisée par l’institut I+C montre qu’en janvier 2012 les carnets de commande s’établissent en moyenne à 107 jours contre 80 jours en juillet 2010, mais avec des disparités importantes : 9% des entreprises ont des prises d’ordre inférieures à moins d’un mois d’activité (contre 23% en juillet 2010) et 20% des entreprises affichent un niveau de carnets de commande supérieur à 5 mois (contre 10%).
A l’inverse, au second semestre, l’activité devrait pâtir d’un ralentissement dans le neuf et être frappée de plein fouet par les mesures de la loi de Finances 2012 (recentrage du PTZ+, disparition du Scellier en fin d’année, augmentation du taux réduit de TVA de 5 à 7%, limitation du plafond de ressources pour l’obtention de l’Eco-prêt à taux, coup de rabot sur les crédits d’impôts développement durable).
Si en 2011 et malgré la crise, l’artisanat du bâtiment a préservé ses emplois, le recul de l’activité au second semestre 2012 devrait avoir pour conséquence une perte de 2 000 à 3 000 emplois hors intérim. Patrick Liébus craint que la baisse d’activité s’amplifie en 2013 avec un impact sur l’emploi encore plus conséquent qu’en 2012. «Pour préserver les conditions d’embauche en 2012 et rendre nos 380 000 entreprises artisanales plus compétitives, une réduction des charges est indispensable, ainsi que le rétablissement d’une égalité de traitement fiscal et social pour corriger les disparités existantes entre les entreprises : à cotisations égales, prestations égales ». Il pointe ainsi du doigt le régime de l’auto-entrepreneur.
Quoiqu’il en soit, la Capeb se dit armée pour combattre cette situation. Plusieurs outils ou démarches ont été mises en place, la sortie des Cahiers de Tendances, la marque Eco Artisan portée aujourd’hui par 2 300 artisans (15% du CA bâtiment vont sur les marchés de la performance énergétique, soit plus de 6 milliards), le lancement en 2012 de l’Eco-rénovation qui, à travers des outils, permet aux artisans de fonctionner en groupement, la démarche Handibat, ou encore la création récente de l’Institut Création et Reprise d’Entreprises…
Autre action : la Capeb vient de publier un Livre Blanc destiné à interpeller l’ensemble des formations politiques et des élus sur les grandes préoccupations des entreprises artisanales du bâtiment, à l’approche des élections présidentielles et législatives.
Au rang des priorités, l’organisation professionnelle souhaite voir émerger une réelle politique du logement capable de conforter les engagements du Grenelle de l’Environnement par une fiscalité attractive, seul véritable levier de développement du marché de la performance énergétique.
De même, alors que les entreprises réalisent 30 % des marchés publics, elle propose d’abaisser le seuil de recours aux appels d’offres à 125 000 euros pour faciliter l’accès des entreprises artisanales à ces derniers.
Elle attend, par ailleurs des pouvoirs publics un encadrement des délais de paiement des particuliers, en priorité pour les travaux dépassant 10 000 €.
Persuadée que la compétitivité des entreprises passera aussi par une simplification réelle des démarches et contraintes administratives, la Capeb propose la création d’un coffre-fort électronique permettant aux entreprises de ne fournir qu’une seule fois un ensemble de documents régulièrement exigés d’elles par les administrations ou les maîtres d'ouvrages publics.
« 98 % des entreprises du bâtiment en France sont des petites entreprises qui comptent près d’un million d’actifs répartis sur l’ensemble du territoire. Forte de son maillage territorial et de sa proximité économique, j’ai demandé à nos 125 Capeb départementales et régionales de solliciter leurs candidats aux prochaines élections afin de leur présenter notre secteur, bien souvent sous-estimé. L’ensemble de mes collègues sera très investi dans cette mission de représentation. En effet, trop souvent l’artisanat a été, au mieux, écouté, rarement il a été entendu ! », conclut Patrick Liébus.
Entendu, l’artisanat pourra l’être, les 11 et 12 avril prochain à Paris, à l’occasion de l’assemblée générale de la Capeb où sont invités les candidats aux élections, quelle que soit leur appartenance politique, à prendre position sur l’ensemble des propositions.