Avis aux collectivités : lorsqu’un plan local d'urbanisme (PLU) est révisé dans l’unique but de permettre la réalisation d’un projet, et que cette révision est annulée, le détenteur du permis peut s’immiscer dans la procédure, bien que n’étant pas partie à l’instance originelle !
En l’occurrence, l’arrêt du Conseil d’Etat du 21 juin dernier est l’aboutissement d’une procédure particulière, conduite par une commune ayant d’abord déclaré d'intérêt général un projet de création d'une centrale photovoltaïque, puis approuvé la révision de son PLU pour permettre sa réalisation. Mais la chambre d'agriculture régionale a obtenu du tribunal administratif de Marseille l’annulation de ces deux délibérations. La société de centrale photovoltaïque devant porter le projet a ensuite formé un recours en tierce-opposition, rejeté en appel, puis s’est pourvue en cassation sur ce même fondement.
Pour mémoire, cette procédure peu usitée est encadrée par l'article R. 832-1 du Code de justice administrative, selon lequel "toute personne peut former tierce opposition à une décision juridictionnelle qui préjudicie à ses droits, dès lors que ni elle ni ceux qu'elle représente n'ont été présents ou régulièrement appelés dans l'instance ayant abouti à cette décision". Mais les conditions de sa recevabilité sont souvent suffisamment exigeantes pour être dissuasives.
Si la règle a été spécifiquement édictée pour que le permis soit délivré…
D’où l’attention particulière à accorder à cette décision du Conseil d’Etat. Clairement, une nouvelle brèche – bien qu'étroite – s’ouvre pour les tiers, et les collectivités doivent en prendre la mesure dans le cadre de leur politique d'urbanisme, tant au stade de la planification que dans le cadre de la délivrance des autorisations.
Dans un premier temps, la Haute juridiction rappelle le principe général, selon lequel le demandeur "n'est pas recevable à former tierce opposition à une décision ayant fait droit (…) à une demande d'annulation d'un document d'urbanisme", s’il est partie à un litige portant sur la légalité d'une autorisation de construire, délivrée sur la base de dispositions annulées de ce document.
… le recours en tierce-opposition du porteur de projet est recevable
Un principe valable… « sauf circonstances particulières », comme l’énonce très clairement le Conseil d’Etat. Or l’affaire en question relève bien de cette hypothèse : les délibérations litigieuses avaient pour unique objet de permettre la réalisation du projet, pour lequel un permis de construire a ensuite été délivré.
Ce permis étant attaqué, sans qu’une décision de justice irrévocable ait été rendue, l'annulation de ces délibérations « compromet(tait) ce projet de construction dans des conditions de nature à préjudicier aux droits de la société pétitionnaire », selon les termes de la Haute juridiction. Dans le cadre de l'affaire portée devant elle, celle-ci admet donc la recevabilité du recours en tierce-opposition, mais seulement à l’encontre des ordonnances rendues en appel, qui sont annulées. Les demandes de la société de centrale photovoltaïque sont également écartées, à ce stade de la procédure. Le droit des tiers avance donc… en théorie pour l’instant.