Aménagement urbain : la forêt qui remontait le cours du fleuve

A Nice, les voûtes de béton qui recouvrent le lit du Paillon accueilleront bientôt 2 500 arbres.

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Nice
L'équipe lauréate d'Ingérop (de g.à d.) : Anne Piveteau, cheffe de projet hydraulique, Sébastien Pailly, ingénieur, Guillaume Chauvin, directeur du projet, Marjorie Gassa, cheffe de projet, et Nans Braccalenti, chef de projet.

Imaginez une forêt urbaine au cœur de Nice (Alpes-Maritimes). C'est pour ce projet qu'Ingérop a été récompensé une neuvième fois du Grand prix national de l'ingénierie dans la catégorie « adapter l'existant pour lutter contre les effets du dérèglement climatique ». Le site concerné accueillait autrefois le lit du fleuve Paillon qui a été recouvert au fil du temps pour les besoins de l'urbanisation grâce à un ouvrage complexe de voûtes mis en place entre les années 1960 et 1980. Dessus s'élevait notamment l'Acropolis, le gigantesque palais des congrès, un volume de 200 m de long qui créait une coupure forte entre les deux avenues minérales qui le bordaient. La décision a été prise de démolir ce bâtiment et de désimperméabiliser ses abords pour transformer le site en un parc arboré. La destruction des voûtes n'a pas été envisagée car elle aurait été trop coûteuse. Par ailleurs, il aurait été difficile d'exploiter le lit asséché du cours d'eau.

« Sur près de 8 ha, plus de 2 500 arbres adaptés au climat actuel et futur seront plantés dessus pour atténuer les îlots de chaleur urbains, stocker du CO2 et accueillir la biodiversité », résume Guillaume Chauvin, directeur du projet. Fin 2025, les Niçois pourront profiter de cette coulée verte qui suit le lit du fleuve depuis la promenade des Anglais. La phase 1 des travaux a eu lieu entre 2010 et 2013. Cette phase 2 sera plus végétale et plus dense.

Modélisation. Une telle transformation impose de régler plusieurs défis techniques. Le premier d'entre eux impliquait de modéliser les structures en voûtes qui recouvrent le Paillon pour estimer leurs capacités portantes. Des investigations physico-chimiques ont permis de déterminer leur état de conservation. « Nous avons regardé les ferraillages, leur corrosion, les enrobages, la teneur en chlorure, la carbonatation des bétons, leur taux de sulfates ou encore leurs dosages en eaux et en ciment », détaille Sébastien Respaud, chef du département génie civil. Ces caractéristiques ont été intégrées au modèle qui prend en compte les points singuliers de faiblesse (exutoires, renfoncements, défauts, ouvertures) ainsi que les incertitudes liées à la réalisation. « La vérification tient également compte de l'historique de chargement des structures en s'appuyant sur les hypothèses de charges les plus sévères de façon à affiner au plus près les calculs, dont les résultats varient selon les situations », poursuit-il.

De là, les équipes d'Ingérop, en coordination avec celles de l'agence Alexandre Chemetoff & Associés, l'architecte et paysagiste de l'opération, ont pu déterminer les différentes hauteurs de remblais sur 1 à 3 m et les emplacements des arbres. « Ils ont été définis en fonction de leur poids propre, de leur développement futur et de leur système racinaire, en “pivot”, ce qui implique des charges ponctuelles, ou “traçant”, ce qui nécessite des charges surfaciques », explique Guillaume Chauvin. Les dizaines d'essences, à feuilles caduques et persistantes, sont aussi sélectionnées en fonction des bienfaits qu'elles apportent à la nature, que ce soit en termes d'ombrage, d'évapotranspiration, de consommation d'eau, de stockage de carbone, d'absorption des polluants, de réduction des allergènes et d'hébergement de la biodiversité.

En parallèle, un système de collecte, drainage et stockage de l'eau de pluie a été mis en œuvre pour garantir l'autosuffisance de cette riche végétation. Revêtements poreux, tranchées drainantes et noues réguleront les infiltrations et temporiseront l'arrivée des eaux pluviales jusqu'aux systèmes de collecte. « En l'occurrence, ce sont des citernes en forme de tube de 1,60 m de diamètre et longues de plus de 200 m qui sont nouvellement installées au piédroit des voûtes », précise Anne Piveteau, cheffe de projet hydraulique chez Actierra, la filiale dédiée à la transition écologique d'Ingérop. L'ensemble de ces citernes sont connectées entre elles et à de multiples bassins d'agréments de façon à stocker jusqu'à 5 000 m3 d'eau, de quoi limiter la saturation des réseaux existants en cas d'orage et restituer l'eau en période sèche pour les besoins d'arrosage. Les réservoirs sont par ailleurs reliés à un autre volume de stockage, installé sous la rampe Bourgada, aménagée pour franchir le dénivelé jusqu'au musée d'art moderne et d'art contemporain. A l'heure où cet ouvrage de génie civil est livré et les premiers arbres plantés, des vers de terre ont même été déposés afin d'ensemencer et faire vivre ce futur écosystème, du substrat à la cime des arbres.

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Informations techniques

Maîtrise d'ouvrage : Ville de Nice.

Maîtrise d'œuvre : Alexandre Chemetoff & Associés (architecte et paysagiste), Carrilho da Graça Arquitectos (architecte). BET : Ingérop et sa filiale Actierra (ingénierie), Les Eclaireurs (éclairagistes), ScenEvolution (scénographe), Canopée (ingénierie HQE), Mazet & Associés (économie de la construction).

Entreprises principales : La Nouvelle Sirolaise de Construction, Colas, Razel-Bec, Eiffage Génie civil, Arrosage & Paysage, Idverde, Garelli, Terideal, Cappellini, Snef, Ineo, Kompan.

Montant de l'opération : 90 M€ TTC.

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