« La revitalisation d’un bourg est un projet de territoire à lui tout seul qui engage l’ensemble des questions d’aménagement » écrit l’architecte et urbaniste Frédéric Bonnet dans le rapport qu’il a remis le 7 janvier à Sylvia Pinel, la (future ex-) ministre du Logement, de l’Egalité des territoires et de la Ruralité. Cette question de la « revitalisation » des petites villes et des villages - terme sans doute plus politiquement correct que celui de « survie » - figure en effet en bonne place dans ce document plus largement consacré à une meilleure prise en compte des questions d’urbanisme dans les territoires ruraux et périurbains français. Le sujet fait assurément l’objet d’une attention accrue ces derniers temps. En 2014, un appel à manifestations d’intérêt national a permis de sélectionner 54 communes qui sont maintenant soutenues dans l’élaboration de projets et, sur le milliard d’euros du fonds de soutien à l’investissement public local qui sera réparti en 2016, 300 millions doivent bénéficier aux centres-bourgs et villes de moins de 50 000 habitants. Sans compter les initiatives menées localement (voir les cas d'école, ci-dessous).
Dans le rapport intitulé « Aménager les territoires ruraux et périurbains », le cofondateur de l’agence Obras et lauréat du Grand prix de l’urbanisme 2014, formule donc des propositions, ou du moins de nouvelles attitudes à adopter dans ces communes rurales. Et elles portent aussi bien sur l’organisation de l’offre de logement ou de commerces ou encore la création d’espaces publics ou d’équipements.
Echelle intercommunale
Sur le volet de l’habitat, par exemple, le rapporteur rappelle que, dans ces communes souvent denses, il est vieillissant et inadapté. C’est évident, les maisons ne sont pas aux normes environnementales mais elles ne correspondent guère plus aux aspirations actuelles : manque d’ensoleillement, absence de jardin… Il est donc souvent plus facile, et plus tentant, d’aller faire construire dans un lotissement à la périphérie de la commune. Pour lutter contre l’étalement urbain que cela implique, une commune peut envisager des plans d’urbanisme limitant le développement de nouveaux quartiers. Mais il faut être capables de proposer une alternative et donc être en mesure d’établir des inventaires scrupuleux des terrains disponibles ou mutables en centres-bourgs, et à quel prix.
Mais, écrit Frédéric Bonnet, « il ne sert à rien de réduire les lotissements et de privilégier les parcelles proches du bourg ou les reconversions si la commune voisine dispose, à des coûts généralement très bas et dans des sites très accessibles, de dizaines de lots à vendre ». Le document insiste sur la nécessaire «évaluation de l’offre de logements à l’échelle intercommunale » et souligne, de ce fait, la pertinence des PLUi. L’échelle intercommunale ou même régionale est d’ailleurs aussi celle à prendre en compte pour les implantations commerciales.

Pour rendre les maisons villageoises plus attractives, il ne faut pas non plus avoir peur de casser quelques murs… Pour Frédéric Bonnet, habiter dans un centre-bourg est plus difficile s’il est conservé « dans l’encaustique ». Le rapport préconise de développer une attitude équilibrée vis-à-vis d’un patrimoine, parfois historique, parfois plus ordinaire, et appelle à « adopter une attitude ouverte (…) : évitons les approches figées qui ne conduisent qu’à une dégradation progressive et sont contre-productives, puisque, voulant préserver à tout prix, elles annulent toutes les interventions qui pourraient redonner vie au lieu ». Le rapport invite, de manière assez logique, à associer aux projets les services du patrimoine du ministère de la Culture et ce, dès le début de la réflexion. Il suggère aussi « d’envisager les transformations de manière assez libre, en les adaptant au contexte », la réhabilitation n’étant pas la seule et unique solution.
Solidarité entre bailleurs
Par ailleurs, pour améliorer ce cadre bâti, « les bailleurs ont un rôle moteur à jouer », selon Frédéric Bonnet. Cependant, dans le dossier que « Le Moniteur » consacre à la revitalisation des centres-bourgs dans son édition datée du 29 janvier, le maire d’une petite commune bretonne souligne que « la rénovation n’intéresse plus ce type d’organismes ». Le rapport estime, pour sa part, que les bailleurs sont souvent « mal préparés », pour des opérations plus complexes que la construction de pavillons neufs. Frédéric Bonnet recommande par conséquent une meilleure formation de leurs chefs de projets et techniciens, « un contrôle plus exigeant par les services déconcentrés de l’Etat pour les agréments sur le logement social » ou encore la constitution d’un « fonds national de solidarité entre bailleurs sociaux pour compenser les difficultés » de ceux d’entre eux qui interviennent en milieu rural… L’objectif est d’autant plus crucial que les bailleurs sont les acteurs susceptibles de lancer des dynamiques qui permettraient aux communes d’attirer ensuite d’autres investisseurs.
Plus généralement, Frédéric Bonnet appelle à une plus grande transversalité dans toutes les actions qui touchent à l’aménagement urbain. Dans des territoires où les élus disposent de moyens moins importants et d’équipes moins vastes que leurs collègues des métropoles, le rapport insiste sur les moyens de simplifier ou de mieux coordonner des politiques qui émanent des ministères du Logement, de l’Environnement ou de la Culture. Le document, avec bon sens, rappelle d’ailleurs que des moyens existent souvent déjà et qu’il suffirait parfois d’une réorganisation pour qu’ils soient plus adaptés aux attentes des acteurs du milieu rural.