A trente minutes des hôtels luxueux de Cannes et du littoral densément urbanisé de la Côte d'Azur, Mouans-Sartoux et ses 10 000 habitants ont renoué avec la tradition maraîchère du territoire. Tout est parti de la crise sanitaire de la vache folle en 1998. A l'époque, le gouvernement avait interdit aux collectivités de servir de la viande de bœuf dans les cantines. Pour contourner l'interdiction, le maire André Aschieri avait entrepris de s'approvisionner auprès d'éleveurs bios, qui nourrissaient leurs bêtes avec de l'herbe. En tant que député des Alpes-Maritimes, il avait été l'un des premiers à dénoncer les effets délétères sur la santé et l'environnement d'un mode de production intensif consistant à nourrir des herbivores avec des farines animales. Auteur d'un rapport sur la sécurité sanitaire environnementale à l'origine de la création de l'Agence française de sécurité sanitaire de l'environnement et du travail (Afsset), il décide aussi d'agir à l'échelle de sa commune.
En découle une politique structurée, qui va de la production agricole locale à la sensibilisation des habitants et des écoliers au bien-manger en passant par la sanctuarisation des terres et l'aide à l'installation d'agriculteurs. Aujourd'hui, les trois cantines scolaires préparent 1 200 repas par jour avec 100 % de produits bios et locaux.
Pour y parvenir, la commune a essuyé les plâtres et dû innover. Faute de réponses à son appel d'offres lancé en 2008 pour trouver les agriculteurs qui l'approvisionneront, elle crée une ferme municipale dans une ancienne bastide qu'elle préempte et achète 1 M€. Aujourd'hui, sur les 6 ha du domaine, les quatre agriculteurs salariés de la commune produisent 90 % des légumes consommés par les écoliers.
Le quatrième, embauché cette année, a pour mission d'augmenter le volume et d'ainsi fournir les crèches et l'épicerie sociale. Une unité de transformation qui surgèle les légumes garantit une autonomie toute l'année.
De 40 à 112 ha de surfaces agricoles
Le choix de produire soi-même résulte d'un autre constat. « Quand nous avons décidé de nous approvisionner en bio, nous avons découvert que certains des produits venaient d'Amérique du Sud. Une incohérence du point de vue du bilan carbone », se souvient Gilles Pérole, adjoint au maire en charge du projet alimentaire et de la restauration scolaire.
Sur ce territoire confronté à une forte pression foncière, la révision du plan local d'urbanisme en 2012 a été un préalable à l'autonomie alimentaire. Sur les 1 350 ha du territoire communal, elle a permis de faire passer la superficie des espaces agricoles de 40 à 112 ha, dont environ 50 sont cultivés. « Notre objectif est de faciliter l'installation d'exploitants. Nous rachetons les terres si le propriétaire ne veut pas signer de bail agricole. Qu'elles appartiennent à la mairie ou à un propriétaire privé, peu importe. L'essentiel est qu'elles soient remises en culture », ajoute l'élu.
Mais les sanctuariser ne suffit pas. Depuis quatre ans, un chargé de mission « foncier agricole » rencontre les propriétaires et les met en relation avec des porteurs de projets. A l'aide d'un annuaire qui recense les terrains, il définit ceux qui sont les plus appropriés en termes de surface et de type de production. Laborieuse car il faut souvent convaincre plusieurs propriétaires pour composer un terrain d'un hectare d'un seul tenant, la démarche a fait ses preuves. En dix-huit mois, elle a permis l'installation de huit agriculteurs sur environ 10 ha.
Dans le sillage de Mouans-Sartoux, d'autres communes en France et en Europe ont mis sur pied des fermes municipales. Elles font partie de la centaine de membres du réseau créé en juin dernier. « Aujourd'hui se pose l'enjeu de l'adaptation de la production au changement climatique. Le réseau permet justement d'accompagner et d'échanger les bonnes pratiques en cuisine, aux champs mais aussi en termes d'actions pédagogiques. L'objectif est de changer les habitudes alimentaires. Il faut multiplier le nombre de collectivités qui agissent positivement si on veut avoir un réel impact sur l'environnement », martèle Gilles Pérole.
Moins de gaspillage
Parmi les cinq axes du projet alimentaire territorial (PAT) de Mouans-Sartoux, labellisé en 2017, figurent d'ailleurs la contribution à la recherche et le partage. Le diplôme universitaire « Chef de projet en alimentation durable - option collectivité territoriale », proposé par l'université Nice Côte d'Azur, prend, par exemple, largement appui sur l'expérience de la commune. « La dimension de respect de l'environnement est indissociable de la santé publique et de l'agriculture durable. Mouans-Sartoux l'a compris, se félicite Emilie Le Fur, chargée de l'adaptation au changement climatique à l'Ademe. Mieux consommer conduit à moins jeter et a donc automatiquement un impact sur la gestion des déchets. Dans cette vision globale, la commune intègre aussi les notions d'urbanisme favorable à la santé, de végétalisation et de déploiement des transports en mode doux. »
Cet article fait partie du dossier "Aménagement du terroir" de notre série de l'été "Miam".