Le vignoble bourguignon s'étire sur 60 km, de Dijon (Côte-d'Or), au nord, au vignoble des Maranges (Saône-et-Loire), au sud, en passant par Gevrey-Chambertin, Nuits-Saint-Georges et Beaune, trois communes de la Côte-d'Or. Au total, 1 247 climats - des petites parcelles de vignes - sont inscrits depuis tout juste dix ans au patrimoine mondial de l'Unesco.
Pour les valoriser, la Ville de Beaune et le Bureau interprofessionnel des vins de Bourgogne (BIVB) ont porté le projet d'un centre d'interprétation et de découverte sensorielle. La Cité des climats et vins de Bourgogne a ainsi été inaugurée à Beaune en juin 2023. Elle a accueilli en 2024 quelque 86 000 visiteurs. L'opération, d'un coût de 14,3 M€ financé par la Ville, la région Bourgogne-Franche-Comté, le département et le BIVB, a été confiée au groupe bourguignon Rougeot associé à l'architecte Emmanuelle Andréani (agence Siz'-ix).
Pierre de Comblanchien
Inspiré de la vrille de la vigne qui s'enroule autour du fil de palissage, le bâtimentde 3600m² culmine à 21 m pour offrir une vue sur la côte viticole depuis sa terrasse panoramique. Parmi les matériaux locaux sélectionnés, « la pierre de Comblanchien a été utilisée pour le socle du bâtiment », détaille l'architecte. Tous les bétons apparents ont été réalisés avec des agrégats de cette pierre. Un choix qui ne doit rien au hasard. Les climats sont nés sur « des terrains calcaires et argileux fournissant, outre le terreau pour des vins d'exception, une pierre de qualité qui s'exporte dans le monde entier », décrivent Jean-Pierre Garcia et Guillaume Grillon, respectivement professeur et ingénieur de recherche à l'université Bourgogne Europe, coauteurs de parcours thématiques et historiques sur les climats de Bourgogne.
A Villars-Fontaine (Côte-d'Or), une ancienne carrière - rebaptisée La Karrière -met d'ailleurs en valeur ce patrimoine géologique. Abandonnée depuis 2003, elle était destinée à être remblayée. Rachetée par la commune, elle est devenue en 2016 un lieu de street art renommé, qui met en valeur l'importance de la minéralité dans la zone des climats de Bourgogne.
Inventaire des murs en pierre sèche
Au-delà de cette reconversion, l'inscription au patrimoine mondial engage les acteurs locaux sur « les trois missions confiées par l'Unesco : protéger, valoriser et transmettre », souligne Gilles de Larouzière, président de l'Association des climats du vignoble de Bourgogne. Dès 2015, cette dernière a procédé à l'inventaire des murs en pierre sèche qui inscrivent le parcellaire dans le paysage. Sur les 220km de murets, une bonne partie s'est révélée être en mauvais état, nécessitant des mesures de sauvegarde et de restauration. « Nous avons réalisé que les ouvriers viticoles n'avaient plus la lecture des murs », explique Bertrand Gauvrit, directeur de l'association.
Pour y remédier, l'organisme finance un module de formation au centre de formation pour adultes de Beaune, qui a permis d'outiller 270 personnes désormais capables d'entretenir au quotidien les murets. En parallèle, l'association a constitué en 2017 un Fonds patrimoine pour les travaux de plus grande envergure. « Abondé par des mécènes internationaux, ce dernier a permis de collecter près de 5M€ depuis sa création », détaille Gilles de Larouzière. A ce jour, 8,5km de murs en pierre sèche et 17 cabottes (abris en pierre) ont été repris et restaurés, pour un montant de 8M€.
Technique en voie de disparition
La restauration de ces cabottes demande « une vraie technicité » qui, avec le temps, « a été un peu oubliée », souligne Christophe Galmiche, à la tête de l'entreprise Murs et Vignes (17 salariés). Ces petits abris sont généralement de forme circulaire ou semi-circulaire, faits de pierres non taillées, ramassées sur place et assemblées par empilage à sec, sans aucun liant ni charpente. Coiffé de laves (dalles en pierre calcaire), le toit est le plus souvent une voûte à assises en surplomb reposant, en partie, sur une dalle servant de linteau au-dessus de l'ouverture.
« Nous ne sommes que trois dans toute la Bourgogne à maîtriser la technique sur ce type de couverture en laves », estime Martial Ducherpozat à la tête d'une entreprise créée en… 1590 à Fixin (Côte-d'Or). Les pierres calcaires plates, taillées, sont elles aussi posées à sec, empilées les unes au-dessus des autres avec une pente de 45° environ. « Un travail très dur physiquement », selon l'entrepreneur. Obtenu en 2017, le label Entreprise du patrimoine vivant lui permet de bénéficier d'aides publiques, notamment pour la montée en compétences de ses employés, parce qu'« il n'existe pas d'école qui transmette ce savoir- faire : nous formons nous-mêmes nos compagnons ».
Cet article fait partie du dossier "Aménagement du terroir" de notre série de l'été "Miam".