Des températures en hausse de 2,3 degrés en 2050. Une élévation de 40 cm du niveau de la mer. Et une croissance démographique toujours plus concentrée sur le littoral. « Les dernières données de "Med 2050" publiées par l’association Plan Bleu concernant l’avenir de la Méditerranée sont inquiétantes » s’est exclamée Valérie Renet, présidente de la chambre régionale des comptes (CRC) d’Occitanie, en préambule à la présentation d’un rapport des magistrats le 24 janvier, à Montpellier. Dans ce contexte, les CRC de Corse, de Provence-Alpes-Côte d’Azur et d’Occitanie ont enquêté, pour rédiger ce document sur la capacité des acteurs publics à aménager le littoral méditerranéen face aux risques liés à la mer et aux inondations. Premier constat : malgré les alertes des scientifiques et alors que plus d’un tiers des territoires métropolitains « à risque important d’inondation » se trouvent sur la côte méditerranéenne, le sentiment d’exposition à la menace reste « assez peu développé » y compris chez les élus.

Le 24 janvier, à Montpellier, Valérie Renet, présidente de la chambre régionale des comptes d’Occitanie, présentait un rapport public portant sur l’aménagement du littoral méditerranéen face aux risques liés à la mer et aux inondations. © CRC
Surexposition croissante aux risques
« Ce littoral accumule les risques en raison d’une concentration de la population, des activités humaines, d’une surconsommation de l’espace et d’une artificialisation des sols », a rappelé Valérie Renet. « Or, les aménagements se font sur des zones déjà exposées, où les aléas vont devenir plus intenses et plus fréquents. » Ce qui augmentera les conséquences tant pour les risques imprévisibles - tempête, submersion marine et inondations - que prévisibles, à savoir le recul du trait de côte qui menace plus de 55 000 logements d’ici 2100, dont près de la moitié en Occitanie. La valeur des biens exposés à la montée des eaux devrait ainsi passer de 156 millions d’euros en 2030 à 559 millions d’euros en 2050, principalement en Paca (320 millions d’euros) et en Corse (197 millions d’euros), jusqu’à atteindre 11,4 milliards d’euros en 2100. Autant dire que le système assurantiel et indemnitaire ne pourra pas faire face.

Le diagnostic établi lors de l’élaboration du TRI (territoires à risques importants d’inondation) montre, par exemple, que l’impact des débordements de cours d’eau concernerait plus de 40 % de la population du département de l’Hérault. © Cour des comptes/DGPR
Documents et actions inadaptés
Signe d’une mauvaise connaissance de la vulnérabilité du territoire et des coûts associés, les documents d’urbanisme continuent d’ignorer les risques. Pour l’heure, aucune des trois collectivités régionales n’a mis en place une stratégie de gestion intégrée du trait de côte. Les PPRI tiennent peu compte de la submersion et de l’érosion côtière, particulièrement en Corse et en Paca. En outre, leurs prescriptions, pas toujours actualisées, sont ponctuellement remises en cause. Enfin, « sur les 28 communes les plus exposées, 21 ne disposent pas de plan de prévention des risques littoraux et seulement 19 figurent dans la liste des communes qui doivent élaborer une carte locale d’exposition au recul du trait de côte, cette inscription reposant sur le volontariat » a encore pointé la magistrate. Quant aux actions menées, par exemple, pour tenter de fixer le trait de côte avec des filets sous-marins ou par rechargement en sable, elles coûtent cher mais manquent d’efficacité. Toutefois, les CRC saluent l’initiative de la région Occitanie, qui s’est associée à l’Etat et à la Banque des territoires, afin d’accompagner les collectivités dans la mise en œuvre de stratégies locales d’aménagement du littoral et qui a voté récemment un plan d’adaptation au changement climatique de son littoral d’Occitanie (Pacclo).
Un aménagement à revoir
En conclusion, les CRC estiment que la réponse n’est pas à la hauteur des enjeux et appellent à une réaction plus énergique et rapide de l’Etat et de l’ensemble des acteurs publics. Pour ce faire, la juridiction a émis plusieurs préconisations. D’abord, renforcer l’information des acquéreurs sur les risques et leurs conséquences sur la valeur du bien immobilier. Ensuite, compléter la connaissance cartographique de la vulnérabilité du territoire dans les zones littorales les plus menacées par celle du coût économique en cas de catastrophe. Enfin, rendre obligatoire la stratégie locale de gestion intégrée du trait de côte ainsi que le transfert de la compétence en matière de PLU à l’intercommunalité.
Des financements à imaginer
Les magistrats jugent également indispensable d’investir dans des études stratégiques, des mesures et des ouvrages de défense contre la mer, dans l’indemnisation et la recomposition spatiale, tout en reconnaissant que les communes les plus engagées se heurtent rapidement à une insuffisance des moyens. Ils suggèrent ainsi de développer la coopération entre territoires via des projets partenariaux d’aménagement, en lien avec la relocalisation des activités dans l’arrière-pays. Autre piste : un meilleur fléchage des ressources existantes. « La taxe Gemapi, très en deçà du plafond de 40 euros par habitant, et le niveau des redevances payées aux communes pour l’occupation du domaine public pourraient être davantage mobilisées pour financer les opérations d’entretien et d’adaptation du littoral » a résumé Valérie Renet. Enfin, la juridiction recommande de constituer, au sein des établissements publics fonciers, des filiales foncières dédiées à la recomposition spatiale du littoral.
Particularité corse
Comme a pu le rappeler Frédéric Leglastin, président de section de la CRC, la Corse reste « à la traîne » en termes de documents de cadrage, même si le taux d’artificialisation des sols n’a rien à voir avec la région Paca. La moitié des communes n’ont pas de documents d’urbanisme. Seules une soixantaine sur 360 ont adopté un PLU et le territoire ne compte aucun PLUi ni Scot. Concernant la politique de gestion intégrée du trait de côte, après avoir commandé une première étude en 2019, la collectivité de Corse attend la livraison d’un nouveau diagnostic, au printemps 2025.
Le faible nombre de PLUi souligne la difficulté à construire une réponse intercommunale. © DGALN, site data.gouv.fr