La municipalité écologiste de Strasbourg (Bas-Rhin) dévoile ses intentions pour la dernière grande réserve foncière de la ville, la ZAC des Deux-Rives qui se déploie sur 74 hectares à proximité du Rhin. Quinze mois de révision débouchent sur une copie réaliste, éloignée des craintes qui gagnaient le monde de la construction. La maire (EELV) Jeanne Barghesian voit dans le nouveau chapitre à écrire du grand projet urbain un « cas d’école », celui de la « conciliation des besoins, apparemment contradictoires, de création de logements, de sobriété foncière et de qualité environnementale ».
Au terme de la ZAC attendu dans 10 à 15 ans, la surface bâtie connaîtra une révision à la baisse limitée à 10 %, eu égard au nouvel objectif de 380 000 m2 par rapport aux plans initiaux de l’ordre de 425 000 m2. L’offre d’habitat diminuera de manière un peu plus sensible, à 3 700 logements au lieu de 4 400, avec une proportion de logements à prix « abordables » relevée à 40 %.
Combler le déficit d’équipements
En revanche, la nouvelle mouture sera plus généreuse en équipements publics. La construction d’une dizaine d’entre eux est prévue, en réponse à un « déficit », que Jeanne Barghesian voit comme la principale « carence » du projet rédigé par son prédécesseur (PS) Roland Ries et son équipe.
Ecoles, crèches, périscolaires, maison de la petite enfance, espaces socioculturels se répartiront dans les différents secteurs de la ZAC, de même qu’une salle polyvalente s’implantera dans le secteur Coop. Ce dernier projet est présenté comme un « vecteur d’inclusion sociale », en somme, le moyen de rassembler des habitants au profil différent : les familles populaires installées de longue date sur place et les nouveaux arrivants. Contrecarrer le syndrome du « quartier dortoir », « éviter de séparer les lieux de résidence, de vie et de travail » guident l’équipe municipale dans la conduite du projet.
Sans surprise, les espaces publics sont conçus pour occuper plus de place que prévu (37 hectares sur le total de 74), dans une teinte verte (20 ha) et dans l’objectif de « repenser le rapport à l’eau », sachant qu’ils n’étaient ni absents, ni ne formaient un manifeste du minéral dans le plan-guide jusqu’alors en vigueur.

Le parc du petit Rhin de plus de cinq hectares voit conforté son rôle d’espace vert structurant. © Agence TER
Jusqu’à 85 % de surfaces non bâties
Le financement des nouveaux équipements et espaces publics occasionnent les premières délibérations du « nouveau » Deux-Rives, avec le vote de 44,7 millions d’euros cette semaine : le 31 janvier par le conseil municipal (8,3 millions d’euros) puis le 4 février par le conseil de l’Eurométropole (36,4 millions d’euros). L’enveloppe de l’agglomération inclut 12,8 millions pour la compensation des diminutions de recettes foncières induits par les investissements environnementaux et les dépollutions. Ce point était attendu par la SPL Deux-Rives aménageuse de la ZAC, en inflexion à la vision précédente qui cherchait à équilibrer l’opération sans subvention publique.
Les sommes votées couvrent la période de l’actuel mandat jusqu’en 2026. Un investissement public complémentaire de près de 65 millions d’euros est planifié au-delà.
La part des surfaces non bâties doit atteindre 62 % dans le secteur Coop où dominent les réhabilitations, et 80 à 85 % dans les trois autres secteurs à urbaniser Citadelle et Starlette – les plus avancés et les plus proches du centre-ville – et Rives du Rhin attenant au fleuve et à l’Allemagne. Elle entraîne l’un ou l’autre abandon de projet d’habitat, par exemple à pointe ouest de Citadelle.
Hauteur de vue et gestion des coups partis
Elle implique surtout un réexamen des formes urbaines. La hauteur, déjà assumée auparavant, le sera à nouveau : montée à près de 30 mètres, juste sous la limite IGH, avec « quelques émergences » à 50 mètres environ. Mais elle sera conçue de sorte à ne pas heurter le regard. « Des tours, oui il y en aura, mais elles prendront une forme fine, élancée, à l’opposé de blocs », souligne Eric Hartweg, directeur général de la SPL. Cette perspective, déjà tracée au Moniteur en décembre par le président de la SPL Jean Werlen, s’imposera en particulier dans le secteur Rives du Rhin, qui reste aujourd’hui beaucoup en friche.

La construction en hauteur est confirmée, en corollaire de la forte proportion de non-bâti au sol. © K&+ Architecture Globale
Par ailleurs, le renoncement aux macrolots de l’ordre de 30 000 m2 est confirmé, pour leur préférer des opérations plus modestes. Sauf pour les « coups partis » : ils ne manquent pas sur Deux-Rives, mais « certains présentent des orientations positives » selon la municipalité qui cite la démarche de réemploi dans le secteur Coop, « et ils nous laissent suffisamment de marge de manœuvre à l’échelle de l’ensemble du projet », assure Jeanne Barseghian.