L’heure a sonné pour le quartier DMC de Mulhouse (Haut-Rhin) : « Le moment est venu d’y enclencher le grand geste sur l’une de ses constructions étendard et d’engager la première transformation d’ensemble de ses espaces publics, celle qui donnera le ton général », déclare Jean-Philippe Bouillé, adjoint à l’urbanisme à la Ville.
L’élu municipal et communautaire, également président du concessionnaire Citivia SPL, justifie ainsi le choix simultané, ainsi que son timing de ce milieu d’année 2023, des maîtrises d’œuvre des espaces publics de cette véritable ville dans la ville, et de la restructuration du « bâtiment 62 », un imposant bloc en briques hérité du glorieux passé de l’ « empire » textile DMC.
La Ville propriétaire de l’essentiel du bâti, la communauté d’agglomération Mulhouse Alsace Agglomération (M2A) également détentrice de surfaces et autorité concédante, ainsi que Citivia SPL ont retenu la même équipe pour les deux objets : celle conduite par l’agence mulhousienne Dea Architectes en association avec sa consoeur allemande Kuhn & Lehmann (Fribourg-en-Brisgau), l’agence de paysagistes Sortons du Bois, le consultant suisse en stratégie urbaine Cabane Partner et les bureaux d’études Cetec à Montbéliard (structure et VRD), Imaee (environnement-énergie-fluides), Perl Environnement (dépollution) et Etmo (économiste). « Deux choix distincts auraient introduit un facteur de complexité dans la gestion des interfaces entre le bâti et les espaces publics », justifie Agnès Perez, directrice générale de Citivia SPL. De plus « historiquement, les bâtiments et les espaces de DMC ont été conçus concomitamment », rappellent la Ville et la communauté d’agglomération.
Trois autres équipes étaient restées en lice en dernier lieu : Carta-Reichen auteur du premier schéma directeur du site, Alexandre Chemetoff/DRLW et Richter & associés / Michel Desvigne.
S’agissant du calendrier, la désignation intervient alors que la reconversion du site industriel de 13 hectares - toujours occupé en petite partie par un DMC en format réduit - a déjà pris un visage concret depuis quelques années.
Sur 110 000 m² à réhabiliter et réaffecter, environ 30 000 m² sont déjà devenus un village artisanal de TPE et PME, un tiers-lieu culturel « Motoco » et une salle d’escalade, la plus haute d’Europe.

Les collectivités ont souhaité voir la transformation s’amorcer avant, à présent, de lui conférer un ensemble de principes d’aménagement gages de cohérence.
Du chaud au froid
L’ accord-cadre pluriannuel de maîtrise d’œuvre urbaine avec l’équipe Dea porte sur les axes structurants et traversants du quartier en devenir, qui cumule 2 ha d’espaces publics. Il vise à résorber le désenclavement des secteurs du site qui subissent cette situation aujourd’hui, et de créer un réseau de places, placettes et patios. Il demande surtout aux lauréats de produire des propositions de renaturation. « Ce dernier point constitue un défi, compte tenu de l’îlot de chaleur de haute intensité que représente le site minéralisé. La réponse pour par la seule désimperméabilisation ne suffira sans doute pas pour aboutir à l’îlot de fraîcheur et de biodiversité attendu », prévient Jean-Philippe Bouillé. La végétation poussera avec un entretien « minimaliste » laissant libre cours à un développement naturel.
Le bâtiment 62, quant à lui, devra, d’une part confirmer la réaffectation de ses deux extrémités d’un total de 10 000 m² respectivement en un ensemble de logements de type lofts et le nouveau lieu de travail d’une société digitale de l’agglomération, d’autre part trouver à ses 13 000 m² restants des usages non-résidentiels, permanents ou transitoires.

« Le taux d’occupation des locaux déjà disponibles pour l’usage économique atteignant 90 %, nous nous estimons encouragés à lancer la commercialisation du bâtiment 62, de sorte à réaffirmer un peu plus le rôle-clé du quartier DMC dans la stratégie de développement économique de toute l’agglomération », souligne Thierry Belloni, vice-président de M2A à l’aménagement du territoire.
Le profil caractéristique de ce bâtiment centenaire, à savoir son long alignement sur 230 mètres, imposera de trouver à son rez-de-chaussée une destinée « cohérente, mais pas monolithique », selon les élus, « évitant une architecture trop répétitive » et ménageant des ouvertures « mais sans entraîner une coupure excessive de cet ensemble », de sorte à le rendre traversant pour organiser la connexion entre différents cheminements internes au quartier – une dimension qui vient à nouveau rejoindre le travail attendu sur les espaces publics.
Implanter le projet dans la carte mentale suisse et allemande
La composition trinationale franco-germano-suisse de l’équipe lauréate a pesé dans le choix en sa faveur. Les élus y voient une chance accrue « d’attirer des investisseurs suisses et allemands » pour des implantations dans le quartier DMC et plus généralement à le faire exister sur la carte de l’agglomération de la voisine Bâle élargie à son arrière-cour transfrontalière. « Nous avons déjà eu l’occasion de collaborer à plusieurs reprises avec Kuhn & Lehmann. Cette agence apporte au projet sa grande expérience de la transformation écologique et énergétique des bâtiments et une capacité à le légitimer auprès des acteurs allemands, tandis que Cabane est un expert de la stratégie urbaine qui pourra établir la connexion avec le savoir-faire architectural et urbanistique de Bâle », décrit Guillaume Delemazure, le dirigeant de Dea Architectes.
« Nos voisins possèdent l’expérience sur un autre point important du projet : la capacité qu’il devra avoir à se projeter dans l’avenir tout en gardant son âme, sans envoyer aux oubliettes ses origines, le puissant entrepreneuriat industriel mulhousien », ajoute Jean-Philippe Bouillé.
Un an de diagnostics et études préalables s’engage avant la production d’un concept global. La transformation se conçoit comme un « vaste laboratoire urbain », qui pourra bénéficier de soutiens nationaux en ingénierie et en financement, au titre de sa sélection dans l’appel à manifestation d’intérêt « Démonstrateurs de la ville durable ».