A Mayotte, le transport en commun en site propre entre en scène

Pas d’inauguration officielle pour le premier tronçon en site propre du premier réseau de transport urbain de Mayotte : la communauté d’agglomération de Dembéni-Mamoudzou (Cadema) a renoncé à l’événement initialement programmé le 5 juin. Les habitants de l’île s’attendent pourtant à un impact majeur.

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BHNS Mamoudzou
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Les 30 000 automobilistes qui convergent chaque jour vers le centre de Mamoudzou peuvent commencer à croire à la fin de leur calvaire quotidien dans les bouchons. Le 12 mai, la livraison du premier tronçon de 3,5 kmdu premier réseau de transport urbain en site propre a marqué la mi-temps « du plus important chantier structurant de l’île depuis 30 ans », selon Jean-François Bergeal, directeur de projets Océan indien chez Transamo, membre du groupement Narendre, mandataire du maître d’ouvrage de Caribus, premier réseau de transport collectif de Mayotte.

Le soulagement s’étend bien au-delà des automobilistes, comme le souligne Laurent Testi, chef de projet à la communauté d’agglomération Dembéni-Mamoudzou : « Le taux de motorisation atteint 30 % des habitants. Le projet s’adresse aussi aux 70 % restants ».

Effet d’entraînement

Aux mécontents, Badrou Radjab, vice-président de la collectivité délégué aux mobilités, recommande les vertus de la patience : « Les chauffeurs de taxis se sont mis en grève car ils se sentent oubliés. Ils jouent sur la peur du changement, attisée par les embouteillages provoqués par les feux tricolores qui donnent la priorité aux bus. Mais nous n’avons oublié personne ».

De cette première livraison, l’élu retient surtout l’effet d’entraînement à l’échelle de l’île : « Le département vient de lancer un marché de transport public interurbain. Nous avons servi d’exemple », se félicite Badrou Radjab.

Verrou portuaire en centre-ville

La première tranche  a occasionné 145 M€ de travaux, sur la facture de 272 M€ occasionnée par les 10 km de site propre. La majorité du linéaire reste à venir autour du centre-ville, après l’achèvement d’une autre opération majeure : un seul embarcadère en remplacera deux, pour relier la grande-île à Petite terre où se trouve l’aéroport. Le département conduit ce chantier portuaire situé au centre de l’axe nord sud où se concentrent la majeure partie des flux de Mayotte.

Sur le réseau routier urbain, les travaux à venir comprennent le parking relais de 350 places et le centre d’exploitation et de maintenance, conçus par Richez & Associés, avec l’agence d’architecture locale Ama. Transamo parie sur une livraison à la mi-2028.

Dès cette année, la Communauté d’agglomération Dembéni-Mamoudzou (Cadéma) lance un marché d’exploitation de quatre ans, pour les quatre lignes du réseau Caribus, dans lequel le BHNS occupe la place centrale, ponctuée par trois pôles d’échanges. « Après 2030 et l’achèvement de la totalité des travaux, la Cadema se posera la question d’une délégation de service public », annonce Laurent Testi.

Deux majors et un bataillon de sous-traitants

L’adjudication des marchés de travaux à des groupements conduits par Vinci et Bouygues n’empêche pas la participation de sous-traitants, dans une proportion proche de 15 % selon Transamo. « Malgré les freins à l’accès à la commande publique occasionnés par la dématérialisation, de nombreuses petites entreprises ont exécuté les travaux d’espaces verts, mobilier urbain, bordures de chaussées, micropieux, parements… », détaille Jean-François Bergeal.

Comme toute infrastructure de transport en commun en site propre (TCSP), le Caribus libère la place qui manque aux vélos et aux piétons. Expert dans la synergie entre les modes doux et actifs, le paysagiste strasbourgeois Alfred Peter a conçu l’insertion urbaine du projet dans cette perspective de rupture avec le tout-automobile, comme en témoignent 5 km de voies cyclables et 20 km de trottoirs sécurisés. Des contrats de culture signés en amont permettent d’agrémenter la ligne avec des végétaux déjà matures.

Plus de 10 000 collégiens attendus

Outre le centre-ville où se concentrent la majorité des services administratifs et sanitaires de l’île, le Caribus desservira plusieurs quartiers prioritaires de la politique de la ville, en particulier Kawéni, réputé pour abriter le plus grand bidonville de France. La configuration de ce site a conduit à y séparer l’infrastructure routière en deux. A côté de Kawéni, le BHNS s’arrêtera dans la zone d’activités la plus importante de Mayotte. La jeunesse de l’île bénéficiera des arrêts dans la zone des collèges, avec ses trois établissements de 3500 élèves chacun.

Au chapitre des compensations environnementales, l’opération la plus remarquable concerne la restauration écologique de la seule mangrove privée de France, menacée par des activités clandestines et des destructions. L’acquisition d’une partie des emprises par le Conservatoire du littoral devrait rendre possible la préservation du site, son entretien et la mise en œuvre d’une stratégie de résistance aux submersions.

Le banian, arbre à palabres

Les concertations précédant les chantiers se sont adaptées à la culture locale. « Les foules se rassemblent sous le banian, l’arbre à palabres local », évoque Alfred Peter. « Le maître d’ouvrage s’est souvent appuyé sur les imams, comme relais d’information pour annoncer les réunions publiques après les prières », ajoute Jean-François Bergeal. Le directeur de projets de Transamo témoigne de la très forte attente des populations.

Le changement climatique jette toutefois une ombre au tableau : à 1,50 m d’altitude, le quartier de Kawéni entrera en zone à risque après 2050. La Cadema attend pour la fin de cette année les résultats d’une étude de résilience climatique, cofinancée par l'Agence française de développement.

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