En achetant cette ancienne chaudronnerie, transformée en garage automobile en cœur de ville, rue Jules-Delpit, à Bordeaux, les nouveaux propriétaires ne savaient pas trop comment l'architecte Vincent Dugravier pourrait concevoir la maison de 230 m2 dont ils avaient envie. Les contraintes étaient nombreuses, qui ressortaient autant des règlements d'urbanisme que de la géographie des lieux. Sur la rue, une façade du début du XXe siècle, qui ne laisse en rien présager de ce qu'elle cache, comporte une série d'ouvertures banales, au premier niveau, et une porte de garage, en rez-de-chaussée.
Surprendre le visiteur. Tout se passe et se découvre derrière cette façade. Comme si la banalité, côté rue, était un artifice pour surprendre le visiteur entrant dans le garage et pénétrant dans la cour intérieure.
En franchissant la porte, on entre dans un autre monde. Cerné par les hauts murs de l'ancien édifice, dont le pignon arrière est conservé, percé de fenêtres d'ateliers laissant apercevoir les arbres du jardin voisin, l'espace s'organise en deux parties bien tranchées : le futur jardin à aménager et la maison elle-même, dont le gris clair des façades se détache de façon lumineuse, face au jaune doré du calcaire des murs anciens. Montés en pierre traditionnelle jusqu'environ 5 m de haut puis en mâchefer, les anciens murs sont maintenus par des fers métalliques plats ou des I surplombant les jardins et se rattachant à la structure nouvelle.
Exploitant au maximum la surface disponible et contraint par les règlements d'urbanisme limitant la largeur de la maison dans certaines configurations, Vincent Dugravier a implanté l'habitation face à l'ouest, profitant d'un élargissement du terrain de 2 m en fond de parcelle. De fait, la maison regarde le couchant et s'anime tout particulièrement à la lumière du soir. Pour une luminosité maximale, cette disposition particulière a conduit à inverser le schéma traditionnel, en disposant les chambres en rez-de-chaussée avec des ouvertures directes sur le jardin, et les pièces à vivre à l'étage, sous la charpente en partie récupérée de l'édifice d'origine.
Une entrée démesurée. A l'extérieur, la façade en polycarbonate est unie et apparemment plane, avec pour seules ruptures les larges ouvertures des deux étages.
On pénètre dans la maison par une entrée aux dimensions proches de celles d'une chambre. « Il fallait marquer ce passage, explique Vincent Dugravier, lui donner de l'ampleur pour que le visiteur comprenne tout de suite que l'espace ne fait qu'un avec la trémie d'escalier, et qu'il se dirige naturellement vers les pièces de réception de l'étage. »
En plan, rien de plus simple mais beaucoup d'efficacité. Toutes les pièces de service sont rejetées vers le fond, là où il est difficile d'obtenir de la lumière : dressings, salles d'eau (qui ont vocation à n'être fermées que par un rideau), sanitaires, occupent au rez-de-chaussée une bande longitudinale de 2 m de profondeur avec l'escalier.
A l'avant, de chaque côté de l'entrée, se répartissent, deux à deux, une grande chambre, un bureau et deux autres chambres plus modestes. Chaque pièce est identifiée par une déclinaison colorée peinte sur une étroite bande verticale, côté façade, juste derrière le polycarbonate. « Le soir, explique Vincent Dugravier, des déclinaisons de ces couleurs se reflètent en transparence sur les murs du jardin. »
A l'étage, le grand volume qui couvre toute la longueur se conclut par une cuisine aux meubles vert pomme et noir, qui tourne autour d'une terrasse adossée au fond de parcelle. La charpente ancienne, en grande partie récupérée, s'appuie sur la nouvelle structure en bois, apparente à l'intérieur et dont le quadrillage anime les façades. Des fenêtres de toit canalisent la lumière en deux pinceaux, qui progressent avec la journée au travers de la pièce, pour, le soir, traverser la façade et animer le jardin.
