En matière de transmission : la donation avec réserve d'usufruit
La donation avec réserve d'usufruit permet au donateur de conserver des revenus, et parfois la maîtrise du bien donné, tout en minorant légalement l'assiette taxable. En quoi ce démembrement de propriété présente-t-il un avantage fiscal ? La réserve d'usufruit est un instrument de défiscalisation efficace par l'application de dispositions légales dont les effets cumulés permettent de transmettre un bien dans de très bonnes conditions fiscales.
En premier lieu en effet, lorsqu'un bien est transmis à titre gratuit en nue-propriété, la valeur de celle-ci est déterminée par l'application d'un barème légal, celui de l', qui a remplacé le barème de l' très critiqué.
Quoique ce nouveau barème puisse être également critiqué, d'une part en raison de l'absence de différenciation du sexe du donateur, et d'autre part compte tenu du maintien d'un système de valorisation par décade (l'usufruit d'un homme de 80 ans vaut l'usufruit d'une femme de 72 ans), il a permis une avancée notable dans l'attractivité de la France en matière de fiscalité patrimoniale, puisqu'avec ce nouveau barème la nue-propriété est valorisée plus faiblement.
En second lieu, en complément de la minoration de l'assiette taxable par le renchérissement de la valeur de l'usufruit, l' pose le principe selon lequel lorsque l'usufruit s'éteint, aucun droit de mutation à titre gratuit n'est dû par le nu-propriétaire. Ainsi, un père de famille de 67 ans qui donne la nue-propriété d'un patrimoine de 1 000 000 d'euros à ses deux enfants devra acquitter une imposition de 53 912 euros, abstraction faite de toute réduction de droits, alors qu'il eut payé 133 912 euros pour une donation en toute propriété.
La donation-partage avec réserve d'usufruit est incontestablement la voie royale en matière de transmission.
En matière d'investissement : l'usufruit locatif social
Comme vu plus haut, le nu-propriétaire ne peut déduire les dépenses ordinaires que si l'usufruitier donne le bien en location et si les revenus locatifs sont imposés selon le régime des revenus fonciers, ce qui exclut les sociétés commerciales titulaires de droits en usufruit. Il existe toutefois une exception à ce principe, qui a été consacrée par la loi de finances rectificative pour 2008 du 30 décembre 2008, lorsque l'usufruitier est un bailleur social. On parle alors d'usufruit locatif social. Dans ce schéma, l'investisseur acquiert la nue-propriété d'un logement assorti d'un usufruit temporaire, dont la durée varie de 15 à 20 ans, tandis que l'usufruitier (Opac, office HLM.) perçoit les loyers pendant la durée de l'usufruit et assure l'exploitation et l'entretien de l'immeuble. À l'extinction de l'usufruit temporaire, l'investisseur retrouve la pleine propriété de son bien, en franchise d'impôt.
Le premier intérêt de ce type d'acquisition réside dans le prix d'acquisition du bien. La nue-propriété est en effet calculée à partir de la valeur en pleine propriété de laquelle est déduit le montant des loyers que percevra le bailleur social pendant la durée de l'usufruit (décote entre 30 % à 50 % par rapport au prix d'un logement acquis en pleine propriété). Accessoirement, cela réduit aussi les frais d'acquisition qui sont calculés sur le prix d'achat et non sur la valeur de la pleine propriété.
En outre, cette opération permet au nu-propriétaire de ne supporter ni les charges locatives (gestion et entretien) ni les risques d'impayés de loyers.
Fiscalement, notamment en cas de financement par emprunt, l'opération va générer un déficit foncier imputable sur les revenus fonciers préexistants. L'article 82 de la loi du 30 décembre 2008 de finances rectificative pour 2008 a confirmé la possibilité d'imputer les intérêts d'emprunt sur les autres revenus fonciers (voir Opé. Immo. n° 20, novembre-décembre 2009, p. 13). Plus précisément, le nu-propriétaire peut, pour la détermination des revenus fonciers imposables à l'impôt sur le revenu, déduire les intérêts des emprunts contractés pour l'acquisition, la conservation, la construction, la réparation ou l'amélioration des logements dont l'usufruit est détenu temporairement par un organisme d'habitation à loyer modéré mentionné à l', une société d'économie mixte ou un organisme agrée mentionné à l'article L365-1 du même code. Cette nouvelle mesure s'applique à compter de l'imposition des revenus 2006.
Au regard de l'ISF également, ce type d'acquisition peut être intéressant. D'une part, le bien est exclu de la base taxable du nu-propriétaire en application de l'. D'autre part, le passif constitué par le capital restant dû vient réduire la valeur du patrimoine global assujetti à l'ISF ().
Enfin, lorsque l'usufruit s'éteint 15 ans après l'acquisition, l'investisseur nu-propriétaire est exonéré d'impôt sur la plus-value immobilière en cas de revente du bien. Le nu-propriétaire est également dispensé durant ces 15 ans du paiement de la taxe foncière.
En matière de défiscalisation : le nouveau traitement fiscal des dépenses de grosses réparations
Pour les grosses réparations, le régime est nouveau (art. 85 de la loi de finances rectificative pour 2008) et s'applique que le bien soit ou non donné en location. Jusqu'à récemment, les nus-propriétaires qui procédaient à de grosses réparations sur leurs biens () pouvaient imputer le déficit résultant de ces dépenses de leurs autres revenus fonciers et, pour l'excédent, de leur revenu global, sans limite de montant, à la condition que le démembrement résulte d'une succession (art. 23 de la loi du 22 juin 1993 de finances rectificative pour 1993, n° 93-859) ou d'une donation entre parents jusqu'au quatrième degré inclusivement (loi du 30 décembre 1993 de finances rectificative pour 1994, n° 93-1352). Ce régime fiscal impliquait que le bien fût donné en location.
L'article 85 de la loi du 30 décembre 2008 de finances rectificative pour 2008 a supprimé cet avantage fiscal non plafonné. À compter de l'imposition des revenus de l'année 2009, le contribuable peut :
- soit prendre en compte ces dépenses pour la détermination de ses revenus fonciers dans les conditions de droit commun (art. , , 3° du CGI) ;
- soit opter pour la prise en compte de ces dépenses sous la forme d'une déduction de charges du revenu global.
L'option pour le régime optionnel de déduction du revenu global est irrévocable et résulte de la seule mention des dépenses concernées sur la déclaration de revenus dans la rubrique concernée des charges déductibles du revenu global. L'instruction du 16 octobre 2009 (BOI 5 B-27-09) commente ce nouveau régime dérogatoire optionnel d'imputation sur le revenu global des dépenses de grosses réparations qui entre en vigueur à compter de l'imposition des revenus de l'année 2009.
Conditions d'application du régime optionnel de déduction
Démembrements concernés
Le bénéfice du régime dérogatoire est réservé aux dépenses de grosses réparations supportées par les nus-propriétaires d'immeubles bâtis lorsque le démembrement résulte soit d'une succession, soit d'une donation entre parents jusqu'au quatrième degré inclusivement. Les démembrements portant sur des titres sont, par ailleurs, exclus de ce régime optionnel.
Dépenses concernées
Au surplus, les charges pouvant être déduite du revenu global sont limitativement énumérées (art. 156 II du CGI). Les intérêts d'emprunt (le cas échéant, notamment ceux contractés pour financer les dépenses de grosses réparations) sont exclus du régime. Ils peuvent néanmoins être pris en compte pour la détermination des revenus fonciers du nu-propriétaire, dès lors qu'ils respectent les conditions de droit commun (le bien est donné en location et le bailleur relève des revenus fonciers).
Affectation de l'immeuble
Enfin, désormais, la location du bien n'est pas nécessaire. Les dépenses de grosses réparations supportées en application de l' peuvent être considérées comme des charges déductibles du revenu global, quand bien même l'immeuble serait occupé par le nu-propriétaire lui-même ou par l'usufruitier.
Modalités d'application du régime optionnel de déduction
La déduction de ces charges est désormais limitée à 25 000 euros par an. Le nu-propriétaire peut imputer la fraction excédentaire, dans les mêmes conditions, au titre des dix années suivantes. Il s'agit donc d'un régime optionnel que le nu-propriétaire retiendra s'il n'a pas de revenus fonciers ou si le bien n'est pas loué. Désormais, s'il n'est plus possible de bénéficier de l'imputation du déficit foncier sans limitation sur le revenu global du nu-propriétaire, l'option concerne également les immeubles non loués.
Si le bien est donné en location, le nu-propriétaire peut également choisir de constituer un déficit foncier, option qu'il retiendra si l'immeuble démembré est loué et s'il a d'autres revenus fonciers. Dans ce cas, le déficit, traité désormais selon le droit commun, est déductible du revenu global dans la limite de 10 700 euros, ou reportable pendant 10 ans pour le déficit excédant 10 700 euros ou constitué par des frais financiers.