Voyage autour d'une chambre obscure

A Paris, une rétrospective consacrée à Pierre-Louis Faloci révèle tout le travail de l'architecte sur le cadrage, la lumière et la perspective.

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Le cadrage sur le moulin du musée de la bataille de Valmy, dont le bâtiment est incrusté dans la topographie.

L'œuvre de Pierre-Louis Faloci est pleine de références. C'est un architecte très ouvert au travail de ses confrères, mais aussi des peintres, des cinéastes et des théoriciens », décrit l'historien Joseph Abram, brillant commissaire de l'exposition de la Cité de l'architecture et du patrimoine. Au sein d'une salle plongée dans une quasi-obscurité, sur une longue table, sont étalées, déroulées, les passions du Grand Prix national de l'architecture 2018. Né en 1949, il a majoritairement travaillé sur des sites historiques, mais c'est le cinéma qui occupe une place prépondérante dans son univers créatif, de Georges Méliès à Bruno Dumont en passant par Michelangelo Antonioni. « Pierre-Louis Faloci considère l'image comme une structure de pensée », estime Joseph Abram.

Dans ses œuvres, elles-mêmes très photogéniques, à l'éclairage recherché, il est toujours question de dispositifs optiques. « Le cadrage du cadrage est un thème qui revient souvent dans mes projets », explique l'architecte. A l'extérieur comme à l'intérieur. Au centre archéologique du mont Beuvray à Glux-en-Glenne (Nièvre), livré en 1995, il dispose un voile flottant habillé de granit face au sublime paysage pour orienter le regard du visiteur vers la colline boisée de l'oppidum. A Avesnes-sur-Helpe (Nord), en 2008, il soulève la salle des pas perdus du palais de justice afin de laisser filer une courtine de Vauban et ouvrir largement la vue sur le grand paysage.

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Monochromie. « Dans mes bâtiments, il n'y a jamais de couleurs, il n'y a que des matières », affirme Pierre-Louis Faloci. Si l'on considère que le noir n'est pas une couleur… Car au Centre d'histoire du Mémorial 1914-1918 à Souchez (Pas-de-Calais) en 2017, au musée de la Bataille de Valmy (Marne) en 2015, ou au musée du Camp de concentration du Struthof près de Natzwiller (Bas-Rhin) en 2018, la monochromie a un impact fort sur les corps.

Pour concevoir le Centre européen du résistant déporté (Cerd) au Struthof, Pierre-Louis Faloci commence par dégager les caves que les déportés ont construites. « Cela nous a permis d'organiser un projet où la fusion avec les traces de l'Histoire fabriquerait tout le dispositif architectural », précise-t-il. Ce travail est à mettre en rapport avec un élément biographique crucial : sa rencontre, alors étudiant, avec Georges-Henri Pingusson (1894-1978). Son professeur lui fait visiter le mémorial des Martyrs de la déportation qu'il a réalisé en 1962 à la pointe de l'île de la Cité, à Paris. Cette œuvre et les sensations que fait naître le parcours lié au site ne cesseront jamais de l'inspirer.

 

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Perspective. Le séminaire du philosophe Hubert Damisch (1928-2017) sur l'origine de la perspective a profondément marqué Faloci. Les références à André Le Nôtre (1613-1700), sa transcription de la perspective idéelle dans ses parcs, sont fondamentales pour comprendre son œuvre. « Les artistes du XXe siècle ont tout fait pour se débarrasser de la perspective. Ce n'est pas le cas de Pierre-Louis Faloci qui essaie de la rendre compatible avec une perception ultra-contemporaine du territoire », note Joseph Abram. A Valmy, en glissant le musée dans le sol comme dans une faille, il active l'ensemble du champ de bataille qui se transforme ainsi en monument et laisse toute la place au moulin, symbole du lieu. Tandis qu'à l'intérieur, le cadrage sur le moulin crée un phénomène de rapprochement dans l'espace et donne l'impression de se trouver dans une chambre obscure. Enfin, à Dunkerque (Nord) en 2018, dans un style très différent, Faloci ose couper en deux l'ancienne Halle aux sucres pour créer une montée optique « à la Le Nôtre » et offrir, là encore, une perspective inédite sur la ville.

« Pierre-Louis Faloci, une écologie du regard », jusqu'au 29 mai 2023 à la Cité de l'architecture et du patrimoine à Paris (XVIe).

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